Tous les éléments d’une machination au cœur de la quatrième ville de France ont été réunis. À Toulouse, une élue, un représentant du fisc, un magistrat et un chef d’entreprise sont suspectés d’avoir participé à un complot pendant les élections législatives de juin 2017. L’objectif : piéger une candidate LREM, qui menaçait une figure locale de la droite, en déclenchant un contrôle fiscal, puis l’ouverture d’une enquête judiciaire, dans le but de la plomber médiatiquement à quelques jours du second tour.
Cette affaire, faite de petites manœuvres et de grandes compromissions, a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire, toujours en cours, confiée à un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Paris, après son dépaysement loin de la ville rose en janvier 2021, pour des soupçons de corruption, prise illégale d’intérêts, violation du secret professionnel et dénonciation calomnieuse.
À ce stade de cette enquête sensible, aucun des protagonistes du dossier n’a été mis en examen (lire la « boîte noire » de cet article). Mais des éléments versés au dossier, consultés par Mediapart, permettent de retracer les coulisses d’une véritable « manipulation » — selon l’expression utilisée par le parquet — de l’administration fiscale, de la justice, mais aussi de la presse au profit d’intérêts électoraux.
Apparaît notamment le rôle de l’ancien numéro 2 de la direction régionale des finances publiques d’Occitanie, Marc Menvielle, ayant fait valoir ses droits à la retraite à la révélation de l’affaire. Bien connu dans la région, cet administrateur des finances publiques est aussi suspecté, dans une autre enquête en cours à Toulouse, d’avoir fait obstruction à différentes procédures fiscales visant un restaurateur de la ville et un homme d’affaires en 2017 et 2018 — faits qu’il conteste dans l’attente d’être jugé.
https://www.mediacites.fr/enquete/toulouse/2020/09/28/un-haut-fonctionnaire-des-impots-de-haute-garonne-suspecte-de-corruption/
C’est d’ailleurs au cours de cette procédure, en saisissant le téléphone portable de Marc Menvielle, que les enquêteurs sont tombés sur des messages compromettants, notamment avec Laurence Arribagé, la patronne de la fédération de Haute‐Garonne des Républicains (LR), parti dont elle est aussi membre du bureau politique.
Deuxième adjointe au maire de Toulouse Jean‐Luc Moudenc, Laurence Arribagé était surtout, en juin 2017, la députée sortante de la troisième circonscription, candidate à sa réélection.
Alors qu’elle avait été élue dans un fauteuil (avec 62 % des voix) la fois précédente, la représentante LR se trouve en 2017 dans une situation délicate. En Marche ! a présenté face à elle une quasi‐inconnue, Corinne Vignon, dont la presse locale moque le passé de voyante et d’astrologue. Mais le parti d’Emmanuel Macron a le vent dans le dos depuis l’élection présidentielle et menace les places fortes de la droite.
Contre toute attente, d’ailleurs, au soir du premier tour, le 11 juin, Laurence Arribagé arrive en deuxième position, distancée de 17 points par Corinne Vignon, et sans grandes réserves de voix. Ce qui la place en ballottage défavorable dans la perspective du second tour, une semaine plus tard, le 18 juin.
C’est là que l’idée d’un complot se concrétise, selon les soupçons des enquêteurs. Le mardi 13 juin, deux jours après ce premier tour calamiteux pour Laurence Arribagé, Marc Menvielle déclenche …