Trois nouveaux collaborateurs du cabinet du maire de Toulouse vont faire leurs valises. Le 19 novembre dernier, Clémence Serlooten et Cécile Génot ont été annoncées sur le départ lors d’une réunion de la majorité municipale. Cheffe de cabinet depuis avril 2020, Clémence Serlooten va rejoindre la direction des Sports de la ville de Toulouse dans les prochaines semaines. Arrivée en décembre 2020 au cabinet où elle était en charge de la « ville durable », Cécile Genot va quant à elle rejoindre une administration d’État à Paris. Selon nos informations, Yohan Peixoto, assistant du directeur de cabinet Arnaud Mounier, va lui aussi mettre un terme à sa mission. Il devrait être réaffecté, début mars, au sein de l’administration municipale.
Ajoutés aux sept autres départs enregistrés depuis la réélection de Jean‐Luc Moudenc en juin 2020, cela porterait donc à dix le nombre de collaborateurs de cabinet mettant prématurément un terme à leur contrat en moins d’un an et demi. Un record ! Pour rappel, au moins 17 personnes avaient déjà quitté le cabinet de Jean‐Luc Moudenc entre 2015 (année de la nomination d’Arnaud Mounier à sa tête) et juin 2020.
Un cabinet plus instable à Toulouse qu’ailleurs
Interrogé sur ce renouvellement important en amont de notre précédente enquête sur les tensions dans son cabinet, Jean‐Luc Moudenc nous avait assuré que ce turnover était « semblable à celui des autres cabinets de très grandes villes ». Une affirmation erronée au vu la situation dans les grandes métropoles françaises. À l’autre bout de la Garonne, par exemple, les cabinets de Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux, et d’Alain Anziani, le président PS de Bordeaux Métropole, n’ont enregistré que trois départs depuis leurs élections en 2020.
À Montpellier, le maire‐président PS Michaël Delafosse dispose de huit collaborateurs pour la ville et de 11 pour Montpellier Méditerranée. « Aucun départ n’a été enregistré depuis juin 2020 », indique le service de presse de l’élu socialiste. En Loire‐Atlantique, la socialiste Johanna Rolland peut compter elle aussi sur une équipe de 19 collaborateurs depuis sa réélection à la tête de Nantes et de Nantes Métropole. Son cabinet a enregistré six départs depuis le début du mandat. À Lyon enfin, le maire écologiste Grégory Doucet est assisté par une équipe de douze personnes depuis son élection en juin. Une seule a quitté ses fonctions depuis lors. La comparaison est sans appel. L’actuel cabinet du maire de Toulouse est bien moins stable que celui des autres grandes villes.
Sur le mandat précédent cependant, la différence est moins marquée. À Bordeaux, le cabinet d’Alain Juppé comptait plus de collaborateurs qu’à Toulouse (sept à la mairie et 16 à la métropole). Entre 2014 et 2020, 15 départs prématurés y ont été dénombrés (cinq à la mairie et dix à la métropole). En Loire‐Atlantique, 13 personnes – sur un effectif de 18 – ont mis fin à leur mission sein du cabinet de Johanna Rolland (cinq dans les mois suivant son élection en 2014 et huit durant le reste du mandat).
Il nous est malheureusement impossible de connaître la situation précise concernant le mandat de l’ancien maire de Montpellier car Philippe Saurel n’a pas donné suite à nos demandes. On sait juste que trois directeurs de cabinet se sont succédé à son service, ce qui a pu avoir une incidence sur le renouvellement de son équipe de collaborateurs. Même mystère pour Lyon. Le décompte des collaborateurs de l’ancien maire Gérard Collomb a été jugé trop « chronophage » par les services de la mairie qui précisent que ce dernier « ayant été ministre entretemps, puis de nouveau maire, il y a eu de nombreux changements ».
Des relations difficiles avec certains élus de la majorité
Si le cabinet du maire de Toulouse reste en tête de ce palmarès, l’attitude très directive de son directeur, Arnaud Mounier, l’explique sans doute en grande partie. Les collaborateurs de cabinet – qui sont des contractuels de droit privé – ne seraient pas les seuls à subir ce comportement. Il toucherait des membres de l’administration mais aussi des élus de la majorité. Nous avons contacté cinq d’entre eux pour vérifier des informations les concernant. Brigitte Micouleau, à qui plusieurs de nos sources prêtent des relations conflictuelles avec le directeur de cabinet de Jean‐Luc Moudenc, nie tout en bloc. « Il s’agit de mensonges délibérés et de ragots auxquels, j’espère, vous ne prêterez pas attention », nous a fait savoir la sénatrice LR et conseillère municipale de Toulouse.
La majorité municipale bruisse de rumeurs les plus diverses. Ainsi, Jean‐Jacques Bolzan aurait eu dernièrement une « explication musclée » avec Arnaud Mounier. L’anecdote, rapportée par plusieurs sources, est réfutée par l’intéressé. « Je mène ma délégation selon nos engagements et ma passion sans une intervention quelconque du cabinet », nous a‑t‐il précisé. « Arnaud Mounier, c’est docteur Jekyll et mister Hyde, soupire pour sa part un conseiller municipal, sous couvert d’anonymat. Par devant, il est placide et souriant, mais par derrière, il épie les collaborateurs, agents et élus. C’est stalinien ! Résultat, personne ne dit rien par peur. Tout le monde fait le minimum. Il n’y a pas de dynamique de groupe. »
Une autre élue de la majorité rapporte cette surveillance organisée : « Il appelle les secrétaires d’élus pour savoir où nous sommes. Il compte les absences, les horaires d’arrivées. Il nous demande d’aller à telle réunion pour faire les potiches. Il fait des dossiers sur tout le monde pour les ressortir au bon moment. Perrin a eu droit au sien à la rentrée ».
Pour cette conseillère municipale, le directeur de cabinet n’aurait pas son pareil pour « faire faire par des gens compétents ce qu’il ne sait pas faire lui‐même », avant de « s’en attribuer le mérite ». « Au début, il met en confiance, poursuit cette dernière. On se donne à fond mais il demande trop. Il pompe l’énergie et tout change quand on commence à résister. Il révèle alors sa vraie personnalité, appelle à n’importe quelle heure, de demande de tout refaire, encore et encore. Il crie sur les gens et les use jusqu’à la moelle. »
Mounier, le moine‐soldat
Interrogé sur le directeur de cabinet, un autre pilier de la majorité confirme sa propension à générer des conflits, tout en temporisant : « On m’a souvent dit que c’était conflictuel et qu’il y avait des tensions, même si je ne l’ai pas vu personnellement. Arnaud Mounier a un caractère autoritaire, dur, fort. Cela peut être pris pour de l’autoritarisme. Il a une méthode de travail rigoureuse à l’obsession. Mais il est par ailleurs efficace. On ne peut pas le lui retirer. Si le maire le garde, c’est que les résultats sont satisfaisants. » « Pourquoi Moudenc garde‐t‐il Mounier ? » Cette interrogation est revenue en boucle au cours de nos nombreux entretiens. Pour certains, le maire serait « sous emprise » de son bras droit ; d’autres expliquent le maintien de cet homme de confiance par « sa capacité de travail importante », son absence « de poids politique personnel » et son efficacité en période électorale.
« La campagne du second tour des municipales a été très dure, observe un ancien membre du cabinet. C’est la marque d’Arnaud Mounier qui a fait sortir Moudenc de sa modération historique. Personne d’autre n’aurait pu le transformer ainsi. » Le même observateur rappelle aussi la « loyauté sans faille » d’Arnaud Mounier envers Jean‐Luc Moudenc, alors que ce dernier « a vécu beaucoup de trahisons et de déconvenue dans sa vie politique ». « Arnaud, c’est le moine‐soldat qui pourrait se sacrifier pour Jean‐Luc. Il se met en souffrance pour le soulager. C’est pour cela que le cabinet est devenu une structure à son service », précise‐t‐il.
Un moine‐soldat qui n’hésiterait pas à « faire le sale boulot pour Moudenc », selon un ancien cadre administratif. Un militant historique de la droite toulousaine est déconcerté : « Aujourd’hui, les élus sont soumis à des membres du cabinet qui n’ont aucune légitimité. C’est la seule ville de France où des élus ont la trouille de leurs référents au cabinet. Mounier n’est pas fautif. Il ne fait que ce que Moudenc lui permet de faire. C’est un outil utile pour le maire car il permet à ce dernier de gérer les élus et de se passer de leur avis. »
Selon notre témoin, le directeur de cabinet serait « ressorti grandi » depuis notre enquête sur le « système Mounier ». « Il craignait votre article et pensait qu’il serait pire pour lui. Il a été surpris par la qualité du soutien de Jean‐Luc Moudenc à son égard. Aux gens qui se frottaient les mains par avance, il a pu dire : 1) L’opposition ne s’est pas saisie du sujet ; 2) Il n’y a rien eu dans La Dépêche du Midi ; 3 ) Le maire me conforte ; 4). Je vous emmerde ! » Si notre interlocuteur dit vrai, il faudra donc s’attendre à d’autres départs au sein du Capitole dans les prochains mois.
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