Le renchérissement croissant du coût de l’électricité d’origine nucléaire – remplacement de matériaux vieillissants, mise aux normes de sécurité post‐Fukushima… – a été relevé à plusieurs reprises par la Cour des Comptes ainsi que par les travaux de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale. Le prolongement du parc nucléaire fait face à un mur technique, industriel et financier équivalent à cinq chantiers EPR en parallèle. La chute d’un générateur de vapeur usé à la centrale de Paluel, en Normandie, au cours de sa manutention en mars 2016 est une alerte majeure sur la capacité industrielle à maîtriser la charge à venir. La prolongation de l’ensemble du parc est hors de portée pour EDF. La faillite d’Areva ou encore le récent crash boursier de Toshiba lié à des dépréciations d’actifs sur son activité nucléaire américaine Westinghouse Electric semble sonner le glas d’une filière. Travailler à l’arrêt planifié du site électro‐nucléaire nordiste est d’autant plus d’actualité que les 6 réacteurs de la centrale de Gravelines ont tous dépassé l’âge de trente ans et connaissent des dysfonctionnements (générateur de vapeur inopérant, fond de cuve déficiente…).
L’électricité d’origine nucléaire se trouvera dans les années à venir moins compétitive que l’électricité renouvelable produite par les éoliennes et les panneaux solaires. Mais la région peut d’autant plus relever ce défi qu’elle dispose d’atouts indéniables. En prenant en compte la quantité de surfaces ventées disponibles, le Nord‐Pas de Calais présente ainsi le deuxième potentiel éolien terrestre de la France métropolitaine. S’abstenir de brasser de l’air intelligemment, une énergie inépuisable et gratuite, serait une faute… Le potentiel éolien du Nord‐Pas de Calais se vérifie plus encore pour l’offshore : les Anglais et les Belges ont déjà installé des éoliennes au large de leurs côtes. Pourquoi ne pourrait‐on pas en faire autant que ce soit au large de Dunkerque ou au sud du littoral de la côte d’Opale ? Le territoire a de l’énergie à revendre et cela se vérifie également pour le solaire photovoltaïque : en Belgique, la région flamande dispose de la plus forte puissance installée par habitant au monde. Le soleil n’est pas comme le nuage radioactif de Tchernobyl : il ne s’arrête pas à la frontière !
Une partie de la solution réside également dans la réduction de nos consommations d’énergie, par le changement de nos comportements, de nos modes de vie et de nos organisations collectives : moindre usage de la voiture, régime alimentaire saisonnier et moins carné, approvisionnement local, etc. Notre dernière étude « Mieux vivre en Nord‐Pas de Calais – Pour un virage énergétique et des transformations sociétales » est axée sur la complémentarité entre des politiques de sobriété, des efforts en termes d’efficacité énergétique et des investissements dans les énergies renouvelables. En plus des mesures d’efficacité énergétique, la sobriété énergétique apparaît comme le levier pour diminuer les consommations actuelles jusqu’à 70 % en 2050. La demande d’énergie, ainsi réduite, entre en adéquation avec l’offre énergétique locale et 100 % renouvelable. C’est le moyen pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, se passer de la centrale nucléaire de Gravelines et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
En remplissant ainsi les objectifs de la loi sur la transition énergétique et des accords de Paris issus de la COP 21, ce véritable virage énergétique, favorisé par des transformations sociétales, créerait durablement des emplois en région. Elle s’engagerait ainsi réellement sur la voie d’une troisième révolution industrielle. Le solde est globalement positif, avec une projection de près de 67 000 emplois créés d’ici à 2050, soit une augmentation de 5 % (à population constante et sans questionner le partage du temps de travail) par rapport aux 1 472 900 emplois que compte le Nord‐Pas de Calais.
Plus vite on s’engagera sur cette voie, et plus vite on diminuera le risque de défaillance à Gravelines. Il est possible de planifier et d’organiser la fermeture progressive des six réacteurs d’ici à la fin de la prochaine décennie. En créant une filière de recherche et développement, la région deviendrait fer de lance en matière de déconstruction des réacteurs et de dépollution des sites. Nous préférons aider à construire un nouveau monde plutôt que de subir les conséquences néfastes de choix politiques d’un autre temps. Avoir les atomes crochus avec le nucléaire ne fera pas revenir la croissance. Vivre mieux dans notre région implique de s’émanciper de la dépendance aux énergies fossiles et fissiles et de changer son modèle de développement en impliquant les citoyens. Face à l’alternative sans avenir entre, d’un côté, la bougie auquel aboutirait la passivité et, de l’autre côté, l’impasse que constituerait la poursuite dans le nucléaire, à Virage énergie Nord‐Pas de Calais, nous préférons foncièrement l’intelligence collective de la transition énergétique.
Virage énergie Nord‐Pas de Calais est une association d’expertise citoyenne indépendante fondée en 2006 suite aux manifestations contre la construction de l’EPR à Flamanville. Lauréate du prix Européen Eurosolar en 2008 pour l’étude « Energie d’avenir en Nord‐Pas de Calais », elle a démontré la faisabilité et les bénéfices d’un mix énergétique 100% renouvelable en région, conclusion confirmée par les travaux de la Troisième Révolution Industrielle en Nord‐Pas de Calais. Ses rapports sont téléchargeables sur www.virage-energie-npdc.org. |
Les énergies fossiles font, en nombre de morts, des centaines de Tchernobyl chaque année dans le monde, mais ce qui obsède certains est de sortir du nucléaire…
Peut‐on vraiment penser qu’on peut diminuer de 70% notre consommation d’énergie sans conséquences dramatiques ?