Le 19 décembre 2023, à l’aube de fêtes de fin d’année qui appellent pourtant à la solidarité et au partage, le parlement français a voté un projet de loi visant à « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » qui considère les personnes d’origine étrangère comme des individus suspects à exclure des services français de protection et d’intégration sociale. Soutenue et votée par le Rassemblement national, parti héritier du régime de Vichy et des heures les plus sombres de notre histoire, sa présidente historique Marine Le Pen n’a pas hésité à la revendiquer comme une « victoire idéologique ».
Cette loi, qui n’est que la dernière d’une triste série d’atteintes aux valeurs humanistes et multiculturelles de notre pays, est néanmoins unique par son caractère raciste, xénophobe et par l’inconstitutionnalité assumée de certaines de ses mesures. Elle s’attaque au droit du sol, de sorte que des enfants qui sont nés et ont grandi en France pourront en être expulsés, et rétablit le délit de séjour irrégulier. Elle alourdit également les contraintes et la charge administrative des personnes d’origine étrangère, en particulier extra‐européenne, souhaitant travailler, se loger et vivre en famille sur le territoire français.
Nous, acteur·ice·s de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) lyonnais, nous opposons catégoriquement à cette loi.
Lauréats du prix Nobel
Nous souhaitons en premier lieu rappeler que les personnes d’origine étrangère contribuent bien plus à la France que ce que les responsables politiques veulent admettre. L’histoire des sciences nous montre à quel point cette mixité est importante : Marie Curie, Gao Xingjian, Jules Hoffmann, pour ne citer que des lauréats du prix Nobel, ne sont pas nés dans nos frontières. Nous pensons que la loi immigration, en freinant le recrutement d’étudiant·e·s, enseignant·e·s et chercheur·se·s d’origine étrangère, ne fera qu’aggraver les difficultés que l’ESR rencontre déjà.
Le Forum de Mediacités
Cette tribune est publiée dans le Forum de Mediacités, un espace ouvert aux contributions d’associations, de collectifs, de citoyens ou de spécialistes d’une question ou d’une autre. Cet espace ne correspond pas à des prises de position de la rédaction de Mediacités mais est destiné à contribuer au débat public.
Nous rappelons également que le parcours de la quasi‐totalité des chercheur·se·s, enseignant·e·s‑chercheur·se·s et médecins chercheur·se·s comporte un ou plusieurs séjours à l’étranger. Ces expériences enrichissent et élargissent notre pensée et il n’est que justice que toute personne d’origine étrangère, en retour, puisse également travailler et vivre librement dans notre pays.
Enfin, nous n’oublions pas que la France ne doit se soustraire de ses responsabilités envers les personnes d’origine étrangère. Notre passé colonial, notre contribution à la crise climatique et nos choix diplomatiques à l’international sont des facteurs majeurs dans les flux migratoires actuels. Notre pays doit le reconnaître et proposer un projet d’accueil et d’intégration à la hauteur de nos besoins partagés.
Désobéissance civile
Nous demandons donc aux président·e·s et aux professeur·e·s des universités de Lyon de mobiliser pleinement leur administration pour assurer un plein et entier soutien à leurs personnels et étudiants, y compris en recourant à la désobéissance civile comme l’ont déjà fait les départements pour minimiser les conséquences de cette loi sur leur quotidien [le département du Lot a par exemple annoncé refuser d’appliquer la disposition de la loi concernant l’allocation d’autonomie universelle]. Nous demandons à nos directeur·ice·s de laboratoire et de recherche d’informer leurs collègues sur les pleines conséquences de cette loi et de leur assurer un soutien indéfectible dans les mois à venir.
Loi immigration : la métropole de Lyon peut‐elle refuser de l’appliquer en partie ?
Nous demandons la démission de Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que celle, dans le sillage de Claire Mathieu, des membres du conseil présidentiel de la science, afin de manifester le rejet de cette loi par nos institutions.
Enfin, nous demandons le retrait formel de la loi Asile et Immigration.
Nous invitons nos collègues, étudiant·e·s et concitoyen·ne·s à se mobiliser pour informer, dénoncer et lutter contre cette loi injuste : nous serons dans la rue le 21 janvier prochain. Pour l’heure, retrouvons‐nous dès ce dimanche 14 janvier, dans toute la France, et en particulier à Lyon à 14h place Bellecour, pour manifester notre colère et notre indignation !
270 signataires
Ci‐dessous, la liste des étudiants, doctorants, chercheurs, enseignants, ingénieurs, techniciens et personnels administratifs de universités Lyon‑1, Lyon‑2, Lyon‑3, de l’Ecole normale supérieure de Lyon (ENS), de l’Insa et de Sciences Po Lyon signataires de la tribune.
Tribune ESR loi immigration signee‐V2
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