A Nantes, la lettre ouverte des personnels du lycée Clemenceau contre la réforme du bac

TRIBUNE - Depuis mi-janvier, les lycéens de 1ère passent des épreuves communes de contrôle continu (E3C) comptant pour le baccalauréat. Au lycée Clemenceau de Nantes, comme dans de très nombreux établissements, cette réforme ne passe pas. Dans une lettre ouverte, des personnels s'inquiètent de ses « conséquences catastrophiques ».

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La façade du lycée Clémenceau, dans le centre-ville de Nantes. / © CC - Adam Bishop

La réforme du baccalauréat voulue par le ministre de l’Éducation, Jean‐Michel Blanquer, ne convainc décidément pas les lycéens et leurs professeurs. A Nantes comme partout en France, les dernières semaines ont été marquées par une forte opposition contre certaines modalités de sa mise en œuvre, en particulier les Épreuves Communes de Contrôle Continu (E3C). Cette mobilisation a été particulièrement soutenue dans les lycées de l’agglomération nantaise (Mandela, Livet, Clemenceau, Guist’hau, La Colinière, Les Bourdonnières, Jean Perrin…), ainsi que dans l’ensemble de l’académie de Nantes (Pornic, La Roche‐sur‐Yon, Challans, Sablé, Mayenne, Château‐Gontier, Le Mans, Angers…). Elle y a pris des formes variées : grève des surveillances, manifestations de professeurs, blocus de lycées par les élèves. Devant certains établissements, comme les lycées Guist’hau et Clemenceau à Nantes, les interventions de la police ont suscité l’émoi des élèves et des personnels.

Dans une tribune envoyée à la presse et aux députés de Loire‐Atlantique, que Mediacités reproduit ici dans son intégralité, les personnels du lycée Clemenceau expriment leur indignation face aux conditions de mise en œuvre de ce nouveau baccalauréat.

Lettre ouverte des personnels du lycée Clemenceau

Depuis le 20 janvier ont commencé à se dérouler dans les lycées les « épreuves communes de contrôle continu » (E3C), dans le chaos et la violence. Ces conditions indignes ne sont que la conséquence de l’entêtement d’un ministre qui tente d’imposer à marche forcée et sans l’avoir réellement préparée une réforme largement rejetée par les professeurs, les élèves, les parents, les chefs d’établissements, les universitaires…

Les très nombreux opposants à cette réforme du baccalauréat dénoncent sans relâche depuis des mois la façon dont elle contrevient au principe d’égalité républicaine, tout en soulignant les nuisances pédagogiques qu’elle entraîne. Comment un élève peut‐il apprendre sereinement en subissant en permanence un contrôle ayant valeur d’examen final ? A l’inverse, comment des élèves encore en apprentissage pourraient‐ils être prêts à se confronter aux épreuves qui leur sont imposées dès le mois de janvier de l’année de première ? Comment peut‐on encore parler d’examen national alors que les sujets, les barèmes, les modalités de passation des examens et de correction seront décidés localement ?

À cet égard, l’organisation désastreuse des épreuves n’a fait qu’aggraver ce constat d’inégalité. Les sujets et les grilles d’évaluation ont été fournis aux enseignants tardivement. Les sujets et les corrigés circulent déjà sur internet. Dans certains lycées les épreuves se déroulent, faute de place (les autres cours ont lieu en même temps) dans de petites salles de cours, la promiscuité entretenant la déconcentration, et encourageant la fraude.

Le démantèlement du caractère national du baccalauréat s’inscrit plus généralement dans une réforme du lycée (« Réforme Blanquer ») qui dissimule sous des prétextes pédagogiques ses véritables intentions : économies budgétaires et abandon d’une formation de qualité pour le plus grand nombre (mathématiques exclues du tronc commun, lycées n’offrant pas toutes les spécialités, options menacées). La réforme débouche sur des suppressions de postes d’une ampleur inédite : 70 pour le second degré à l’échelle de l’académie de Nantes cette seule année, dont 12 pour le seul lycée Jean Perrin de Rezé.

Alors que Monsieur Blanquer affirme que les épreuves se déroulent le plus souvent sans problème particulier, on ne compte plus les lycées où elles n’ont pu se tenir que sous la contrainte et la menace, seules réponses apportées aux manifestations de mécontentement des lycéens ou des professeurs : présence policière autour des lycées, matraquages et gaz lacrymogènes utilisés contre des élèves devant les établissements, arrestations de lycéens, interdictions de composer aux élèves accusés d’être des fauteurs de troubles, pressions et menaces contre des enseignants… Comment peut‐on accorder la moindre validité à un examen passé dans de telles conditions ? Les épreuves et leurs résultats devraient être frappés de nullité.

Nous, enseignants et personnels d’éducation du lycée Clemenceau de Nantes, directement engagés au quotidien dans la formation des élèves, n’avons eu de cesse d’alerter, depuis des semaines, notre hiérarchie et l’opinion publique sur les conséquences catastrophiques de cette réforme, tout en assurant nos missions malgré des conditions de travail particulièrement dégradées.

Nous renvoyons au Ministre la responsabilité de ce chaos et demandons, avec nos organisations syndicales SNES‐FSU et SNFOLC, l’annulation de cette session, l’abandon des E3C et le retour à des épreuves terminales, anonymes et nationales du baccalauréat.

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Par Les personnels du lycée Clémenceau, à Nantes

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