Manque de places ULIS au collège : enfants en danger, familles en détresse

[TRIBUNE] Au sud de Nantes, dans le secteur de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, un collectif de parents s’inquiète du manque de places en collège pour leurs enfants en situation de handicap. Et alerte sur l’avenir qui leur est réservé.

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Couloir d'école (image d'illustration) / Photo by kyo azuma on Unsplash

Nous sommes un collectif de parents de la circonscription de Saint‐Philbert‐de‐Grand‐Lieu dont les enfants sont scolarisés ou ont été scolarisés en dispositif ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire). Les ULIS école, collège, lycée sont des dispositifs souples permettant aux élèves souffrant de handicap de poursuivre leur scolarité dans un établissement ordinaire, avec des enseignements adaptés à leurs besoins spécifiques et à leurs difficultés.

Ils alternent entre des moments en classe spécialisée (12 élèves maximum) par petits groupes et des moments en classe ordinaire en fonction de leurs acquis. Si ces enfants sont affectés en ULIS, c’est parce qu’ils seraient incapables de suivre en cursus ordinaire sur l’intégralité de leur temps scolaire.

Manque de places adaptées au collège

Nos enfants vont quitter l’école élémentaire et doivent poursuivre leur scolarité en collège ULIS à la rentrée 2021 comme leur parcours l’exige. D’autres attendent une place en IME (Instituts Médicaux Educatifs) ou dans d’autres structures spécialisées. En novembre, nous avons pourtant été informés du manque de places en collège ULIS à la rentrée de septembre. Certains seront donc peut‐être dirigés en 6e ordinaire avec uniquement 9 heures par semaine d’AESH (Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap).

Vivant les problèmes quotidiens de nos enfants, nous savons d’ores et déjà qu’ils ne pourront pas suivre au sein d’une classe ordinaire et que les 9 heures d’aide humaine qui nous sont proposées en palliatif ne seront pas suffisantes au regard du manque d’autonomie, de niveau scolaire souvent faible (niveau CE1/CE2 pour certains) et de certains troubles du comportement parfois très graves nécessitant un cadre particulier.

Nos enfants sont soumis à des troubles émotionnels puissants et ont besoin d’être souvent recadrés, recentrés, réconfortés, ce qui est impossible hors dispositif spécialisé. Nous savons tous pertinemment qu’une affectation en classe ordinaire sera la voie ouverte à de graves défaillances d’apprentissages, voire à la déscolarisation, aux discriminations liées au handicap, à un risque plus important de harcèlement et à une détresse psychologique accentuée par la traversée de l’adolescence.

Nos enfants ont des besoins plus importants que les autres à tous les niveaux et nous refusons que leur orientation soit aussi incertaine. S’ils ont reçu une affectation en ULIS, c’est parce que la Maison Départementale des Personnes en situation de Handicap (MDPH) a reconnu que ce dispositif est ce qui répond le mieux à ces besoins.

Que vont devenir nos enfants ?

Nous tenons à rappeler que certains enfants qui sont orientés vers les IME doivent attendre la plupart du temps plusieurs années pour pouvoir y être acceptés, faute de places et sont donc orientés vers les ULIS, par défaut. Le manque de places en IME ne permet pas de libérer des places en ULIS et cela devient une chaîne sans fin.

Par ailleurs, les AESH manquent également à l’appel et sont en nombre insuffisant face aux fortes demandes. Nous n’avons aucune garantie à ce jour que nos enfants pourront bénéficier de cette aide humaine. Que vont‐ils donc devenir ?

Je vais prendre le cas de mon fils Lélio. Né en 2009, diagnostiqué avec un TED (trouble envahissant du développement avec autisme atypique) dès 3 ans, je vous passe les détails du parcours du combattant que nous avons menés, son papa et moi, jusqu’à aujourd’hui et des nombreux spécialistes qui ont analysé notre fils, l’ont détaillé, observé, regardé, écouté etc. Aujourd’hui, il a trouvé son équilibre en classe ULIS, dispositif qui lui permet de progresser à son rythme et de poursuivre ses apprentissages dans un cadre sécurisé et rassurant.

Il aurait pu intégrer ce dispositif dès 2016 à la suite d’un CP en classe ordinaire mais déjà, à l’époque, faute de place, il n’avait pu l’intégrer qu’un an plus tard, l’obligeant à doubler son CP avec un AESH à l’appui. Sur liste d’attente, il n’avait pu suivre le parcours le plus adapté à ses difficultés qu’un an après.

Un dispositif adapté est indispensable

Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation similaire. La MDPH s’est prononcée pour un renouvellement d’orientation scolaire en collège ULIS mais son avenir à la rentrée reste incertain. Il est inenvisageable pour notre fils qui a un niveau CE1/CE2 d’intégrer une classe ordinaire en 6e.

Très volontaire, travailleur, disposant d’une grande culture générale, aimant apprendre et se rendre à l’école, Lélio souffre cependant d’une grande lenteur qui le freine dans ses apprentissages ; il souffre également d’un manque d’autonomie et les stimuli du groupe le décentrent et le déconcentrent. Enfant particulièrement angoissé, sous des abords pourtant toujours faussement joyeux, il est régulièrement perturbé par des questions anxiogènes et a besoin de consolider ses acquis et de poursuivre ses apprentissages dans des petits groupes et dans un cadre réduit. Adoptant parfois des comportements atypiques quand il n’est pas avec ses camarades d’ULIS, il est impensable qu’il ne soit pas rassuré par un dispositif adapté.

Ne pouvant accepter que l’avenir de nos enfants – au moins une douzaine dans notre seule circonscription scolaire, beaucoup d’autres dans le département – soit si opaque, nous avons décidé de nous mobiliser. Nous avons déjà réalisé un certain nombre de démarches pour bousculer les différents partenaires et voulons toucher l’opinion publique.

Chacun d’entre nous a envoyé de nombreux mails à l’enseignant référent, l’Inspection de circonscription, l’Inspection académique, la MDPH, l’ARS, à certains services sociaux, au Ministre de l’Education Nationale, au Président de la République, etc. Le maire de Saint‐Philbert‐de‐Grand‐Lieu, Stephan Baugé, et le député du Pays de Retz, Yannick Haury, ont eux‐aussi contacté l’inspecteur d’Académie et le ministère.

Notre détresse est immense

A ce jour, les seules et rares réponses que nous avons reçues de l’Inspection nous informent que l’implantation des dispositifs ULIS fait l’objet, chaque année, d’une réflexion départementale et que notre demande sera étudiée dans le cadre des prochaines mesures de carte scolaire. Certes, cela nous donne un peu d’espoir mais malheureusement aucune certitude et surtout aucune réponse claire permettant de nous rassurer concernant l’avenir scolaire de nos enfants. Les autres destinataires n’ont pas encore daigné nous répondre, nous laissant dans l’ignorance. Notre détresse est donc immense.

Nous demandons pourtant simplement que soit respectée la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté qui garantit à chaque élève l’école qui lui convient et voulons confirmation que toutes les orientations MDPH seront appliquées, sans interruption de parcours.

Nous sommes conscients des contraintes budgétaires, de l’organisation et de la gestion de structures spécialisées et des efforts importants qui ont déjà été déployés en direction du handicap. Ils demeurent néanmoins insuffisants au regard de nos enfants qui restent trop longtemps sur listes d’attente, parfois pendant plusieurs années. Une société juste et humaniste est une société qui se donne les moyens de remédier aux problèmes graves des plus défavorisés d’entre les siens.

Nous attendons du département et des autorités que la cause de nos enfants soit entendue et que soit ouvert au moins un nouveau dispositif ULIS dans l’un des collèges d’une ville voisine de Saint‐Philbert‐de‐Grand‐Lieu.


Pour contacter le collectif Les Ailes d’ULIS, rendez‐vous sur sa page Facebook

Publié le

Temps de lecture : 4 minutes

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Par Carole Martini, pour le collectif Les Ailes d'ULIS

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