TRIBUNE – Gérard Collomb, un Gaulois réfractaire au changement

En décidant de se représenter à Lyon en mars 2020, le ministre de l’Intérieur perpétue cet exercice vertical et clanique du pouvoir municipal, grand classique – et travers – de notre vie publique, juge Jacques Dupont du collectif reGénération. Un paradoxe, selon lui, pour le parti présidentiel qui prône le renouvellement des pratiques et des visages.

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En annonçant qu'il sera candidat "à Lyon", Gérard Collomb soulève de nouveau la question d'une limitation du cumul des mandats dans le temps. Photo : CC ©European Union/F.Guerdin

Gérard Collomb a décidé de briguer à 71 ans un quatrième mandat de maire, soit son vingtième mandat politique personnel, ce qui représente plus de 100 années de mandats cumulées [lire à ce sujet sur Mediacités « Cumul des mandats : le hit‐parade des dinosaures du Rhône »].

Je ne connais pas ses motivations personnelles et mon propos n’est pas de mesurer les conséquences de cette candidature en termes de bilan et de programme pour la ville. Il est de s’interroger sur quelques données de fond : n’est-il pas nécessaire à 71 ans de passer la main et de jouer un rôle différent ? Comment rester pertinent, innovant dans une même fonction pendant 25 ans ? Combien de talents ont renoncé à jouer un rôle face à un système qui semble verrouillé ?

De moins en moins de citoyens supportent ces pratiques. Ceci explique que, depuis quelques années, de nombreux mouvements citoyens se soient créés, guidés par le refus de cet état de fait, ayant conscience qu’il est possible d’agir directement sur le cours des choses. Ce sentiment s’est d’autant plus répandu que des préoccupations sociétales majeures telles que le climat, le chômage de masse ou les sujets éthiques ne sont pas véritablement traités.

Dépassement, renouvellement, transformation

En Marche s’est développé sur cette tendance sociétale. Ce n’était pas un véritable mouvement citoyen dans la mesure où il a été construit pour porter la candidature d’Emmanuel Macron. Néanmoins ceux qui s’y sont engagés ont apprécié le principe d’un « casting » très ouvert à la société civile, avec des gens ne faisant pas de la politique un métier ou une carrière. Ce mouvement répondait aussi à une volonté de renouvellement de la classe politique. Il a intégré – sans être le plus radical en la matière – des propositions limitant le nombre de mandats dans le temps.

Il y a quelques jours, dans sa première circulaire interne traitant des élections municipales, la direction de La République en Marche (LaREM) a annoncé une campagne toujours basée sur les mêmes principes politiques : le dépassement, le renouvellement et la transformation. Concernant le renouvellement et les investitures, le document précise : « Le renouvellement des pratiques et des visages : telle est la deuxième ligne directrice de LaREM ».

« En Marche semble être passé d’une horizontalité bienveillante au fonctionnement vertical d’un parti classique »

Gérard Collomb fut l’un des premiers à soutenir ce mouvement avant même sa création officielle, en prenant le risque de remettre en cause une situation bien établie au PS, son parti d’alors. Deux ans plus tard, le même Gérard Collomb, par sa décision, laisse apparaître un écart entre le discours et les actes. A l’épreuve du pouvoir, le mouvement semble être passé finalement assez rapidement d’une horizontalité bienveillante au fonctionnement vertical d’un parti classique. Il confirme que l’engagement politique est devenu inéluctablement un métier et le cumul des mandats une carrière à gérer.

Gérard Collomb était un symbole en rejoignant Emmanuel Macron. Il en demeure un avec cette décision de se représenter. Difficile quand on est maire de la capitale des Gaules de ne pas rester un Gaulois réfractaire au changement…

Surprise(s) en 2020 ? 

Il y a deux ans, reGénération avait proposé « 10 mesures pour changer la politique » en tête desquelles figurait une mesure phare : le mandat unique et pas plus de deux mandats successifs dans le temps. Force est de constater que si les citoyens n’imposent pas cette pratique, ce ne sont pas les élus qui le feront. Une fenêtre va s’ouvrir avec les municipales de 2020. La surprise viendra peut‐être des nombreux mouvements municipalistes qui émergent un peu partout en France.

La commune est l’échelon idéal où la démocratie directe, les initiatives citoyennes et une pratique collective du pouvoir peuvent s’exprimer. La vague citoyenne sera‐t‐elle assez forte pour renverser les baronnies locales ?

A propos de l’auteur

ReGénération est un mouvement citoyen lillois qui s’engage pour promouvoir de nouvelles pratiques démocratiques comme le contrôle et la participation citoyenne et pour favoriser le renouvellement et une meilleure représentativité des élus.

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Publié le

Temps de lecture : 3 minutes

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Par Jacques Dupont, membre de reGénération

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