Ces derniers mois, de nombreuses études ont rendu compte de l’inégale exposition au coronavirus des individus en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques.
L’enquête EpiCov indique, par exemple, que si 4,5 % des Français vivant en métropole avaient développé des anticorps contre la Covid‐19 en mai 2020, cette proportion était presque deux fois plus élevée (8,2 %) parmi les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Surexposition à la Covid‐19 dans les quartiers populaires
La plus forte circulation du virus dans les quartiers les plus défavorisés peut, d’une part, s’expliquer par leur composition sociale. Les habitants de ces quartiers ont davantage maintenu leur activité professionnelle pendant le confinement que la moyenne. En effet, alors que les ouvriers sont surreprésentés parmi les actifs résidant dans des QPV, ceux‐ci ont moins eu recours au télétravail durant le confinement.
La poursuite de leur activité professionnelle, augmentant leurs contacts avec d’autres personnes (sur leur lieu de travail ou dans les transports en commun), contribue à la diffusion accrue du virus dans ces territoires. De plus, alors que le surpeuplement des logements apparaît comme étant un des facteurs déterminants de la transmission du virus, 5 % des Français vivent dans un logement surpeuplé, contre 15 % dans les QPV.
D’autre part, certaines spécificités territoriales peuvent favoriser la propagation du virus. Les caractéristiques territoriales des QPV (milieu urbain, densité d’habitants élevée) sont des facteurs qui sont corrélés à la surmortalité liée à la Covid‐19.
De plus, la concentration des personnes les plus défavorisées dans de mêmes territoires accentue l’effet des inégalités sociales sur l’exposition au virus décrit précédemment. Si les ménages occupant un logement surpeuplé sont plus enclins à profiter de leur heure de sortie quotidienne que les ménages disposant de leur propre jardin, les risques de contagion sont accrus si les premiers vivent à proximité les uns des autres. Ces ménages sont donc, plus que la moyenne, dépendants de leur environnement proche. La localisation géographique des quartiers pauvres peut, en effet, être elle‐même source d’inégalités durant le confinement, en limitant l’accès à certaines aménités.
Bienfaits de l’accès aux espaces verts en ville
Pour faire face à la seconde vague de l’épidémie, Emmanuel Macron a annoncé mercredi 28 octobre 2020 le rétablissement d’un confinement national. Parmi les motifs dérogatoires, on retrouve :
« Les déplacements brefs […] dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle […] soit à la promenade […] » (Article 51, Décret n° 2020–1262, 16 octobre)
40 % des Français pratiquant un sport déclarent effectuer leur activité physique dans un parc ou en extérieur. L’absence d’un parc dans un rayon d’un kilomètre autour de son domicile peut ainsi freiner la pratique sportive pendant le confinement, période durant laquelle il est essentiel de maintenir un minimum d’efforts physiques. La distribution des espaces verts en milieu urbain peut donc être source d’inégalités durant le confinement.
Hors de cette période exceptionnelle, l’accès aux espaces verts est facilité par les réseaux de transports disponibles. Cependant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné que l’absence d’espaces verts à proximité du domicile peut avoir des conséquences sur la santé des citadins, les niveaux de pollution ou encore la formation d’îlots de chaleur dans certains quartiers.
Disparités nationales et inégalités locales
La majorité des Français ont accès à un espace vert durant le confinement. Moins d’un citadin sur dix (8,5 %) ne dispose pas d’un espace vert dans un rayon d’un kilomètre autour de son domicile. Le terme citadin correspond ici aux habitants des unités urbaines de France métropolitaine de plus de 100 000 habitants résidant dans des voisinages où plus de la moitié de la population vit dans un immeuble.
Ce choix est motivé par le fait que les inégalités d’accès aux espaces verts sont plus pertinentes en milieu urbain et plus particulièrement pour les ménages vivant en immeuble, ne pouvant donc pas bénéficier de leur propre jardin (contrairement à certains ménages vivant dans des maisons individuelles). Cette moyenne cache des disparités selon le niveau de richesse du voisinage. La part des ménages n’ayant pas accès à un espace vert pendant le confinement est près de trois fois plus élevée parmi les 10 % des ménages vivant dans les voisinages où le taux de pauvreté est le plus élevé (11,5 %) relativement aux 10 % des habitants des voisinages les moins marqués par la pauvreté (4,5 %).
De grandes disparités existent entre les unités urbaines : moins de 2 % des citadins de l’unité urbaine de Nantes ne disposent pas d’un espace vert à proximité de chez eux contre plus de 22 % des citadins de l’unité urbaine de Nîmes. Les ménages vivant sous le seuil de pauvreté sont aussi répartis inégalement sur le territoire national (16 % des citadins de l’unité urbaine de Nantes contre 29 % à Nîmes). Les différences d’accès aux espaces verts entre les métropoles forment donc le premier élément d’explication de l’accès plus limité des ménages pauvres aux espaces verts durant le confinement.
60 % des Roubaisiens privés d’espaces durant le confinement
Plus localement, de fortes inégalités d’accès aux espaces verts sont palpables entre les quartiers. Les cartes suivantes représentent l’inégal accès aux espaces verts en fonction du taux de pauvreté du voisinage des ménages dans la commune de Marseille et l’unité urbaine de Lille. Une partie des habitants des quartiers les plus pauvres de Marseille et plus de la moitié des habitants de la commune de Roubaix (60 %) ont donc été privés d’espaces verts durant le confinement.
Alors qu’au niveau national, un ménage sur dix (11,5 %) est privé d’espaces verts durant le confinement dans les quartiers les plus pauvres, un ménage sur trois est concerné dans les zones les plus pauvres de l’unité urbaine de Lille (34,9 %) et de Marseille (31,2 %). Ces deux unités urbaines font partie des métropoles où les ménages les plus pauvres sont les plus inégalement répartis entre les quartiers.
Cependant, il n’existe pas de lien systématique entre le niveau de ségrégation des ménages à bas revenu et les inégalités d’accès aux espaces verts entre les quartiers métropoles françaises de plus de 100 000 habitants. Le cas de l’unité urbaine parisienne en est le parfait contre‐exemple. Nous observons sur le graphique suivant que l’accès aux espaces verts diminue avec le taux de pauvreté du voisinage en région parisienne, sauf pour les voisinages les plus pauvres, bénéficiant d’un accès similaire aux voisinages les plus favorisés.
Les espaces verts font partie des aménités dont la proximité peut augmenter le prix de biens immobiliers. Il est donc possible que la pression immobilière de certaines métropoles condamne les ménages les plus modestes à résider loin de ceux‐ci. Cependant, les spécificités urbaines de chaque métropole, croisées à ce mécanisme débouchent sur des situations contrastées. Par exemple, les ménages les plus pauvres vivant dans Paris intra‐muros résident en majorité à proximité du périphérique, en particulier dans le nord‐est de la capitale. Ces quartiers sont les zones où la densité bâtie est la plus faible de la ville, en partie du fait de la présence d’espaces verts.
Cependant, ces derniers ne sont pas autant valorisés que d’autres espaces verts tels que le Jardin du Luxembourg ou le Jardin des Tuileries car ils sont implantés dans un environnement globalement moins attractif. Cet exemple illustre le fait que, bien que réelles, les inégalités d’accès aux espaces verts en France ne résultent pas de politiques volontaristes comme ça peut être le cas dans certaines villes des États‐Unis où l’effet des politiques de « redlining » menées dans les années 1930 est toujours observable.
Hugo Botton, Économiste, spécialiste des inégalités territoriales, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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