« Femme, journaliste et rurale, Jean‐Paul Pelras, je refuse que vous parliez en mon nom »

La journaliste Emma Conquet demande à Jean-Paul Pelras de ne pas parler au nom du monde rural quand il s'en prend aux militants écologistes.

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Emma Conquet est journaliste‐pigiste depuis 2018. Membre du collectif Champ Libre, elle a fait le choix de se réinstaller dans son Lot natal pour contribuer à la décentralisation de l’info, après avoir travaillé à Marseille, Strasbourg et en Écosse. Elle collabore à différents médias comme Mediacités, Vert et Politis et travaille sur les thèmes de la politique, l’écologie, la paysannerie, les femmes et la jeunesse en zone rurale.

Elle réagit aux propos de Jean‐Paul Pelras (journaliste, écrivain et ancien syndicaliste Jeunes Agriculteurs) qui s’attaque – dans une tribune publiée le 21 mai dans Le Point - , aux récentes prises de position de l’activiste climatique Camille Étienne.

« Monsieur,

Dans votre tribune publiée dans Le Point, vous vous déclarez porte‐parole de la ruralité et de la paysannerie, pour fustiger les propos de Camille Étienne, activiste écologiste. En tant que journaliste rurale dans le Lot, fille et aidante de paysan.nes, je tiens à vous dire que je rejoins complètement le combat de cette femme. Je ne suis ni citadine, ni “bobo”, j’appartiens au monde paysan et je refuse que vous parliez en mon nom. 

Mon frère, mes parents, et tous mes ancêtres paysans se reconnaîtraient davantage dans le discours écologiste de Camille Étienne, qui sert leurs intérêts, que dans le vôtre. En vous exprimant à la première personne du pluriel, vous niez en effet la grande diversité de la campagne et vous déformez, selon moi, les valeurs de la paysannerie.

Opposer “les écolos” aux  agriculteurs, c’est méconnaître la place que tiennent les paysannes et paysans, au sens premier du terme, dans la lutte écologique. Ceux qui nourrissent les Humains, respectent la terre et le vivant et dépendent des conditions climatiques étaient écolos avant que le mot n’existe. Activistes du climat et laboureurs mènent le même combat. 

« Le fait d’avoir été maraîcher et d’être à la tête d’un hebdomadaire agricole ne vous donne pas la légitimité de parler au nom de toute la ruralité. »

Vous l’accusez de “stigmatiser le monde paysan” à la télé, mais vous faites de même en profitant d’un média national pour ne représenter qu’une vision conservatrice de la ruralité. En effet, dans le journal L’Agri, dont vous êtes le rédacteur en chef, ou à travers vos écrits, vous défendez une vision productiviste de l’agriculture, pro‐pesticides, anti‐écologiste, et pro‐chasse.

En accusant l’activiste de 24 ans de “dénoncer les pratiques agricoles”, vous reprenez aussi les codes de l’”agribashing”, instrumentalisé par les lobbies pro pesticides qui meurtrissent la terre et ceux qui la travaillent. Le fait d’avoir été maraîcher et d’être à la tête d’un hebdomadaire agricole ne vous donne pas la légitimité de parler au nom de toute la ruralité. 

Ce “nous” que vous employez, ne prend pas en compte les divergences au sein même du monde paysan. Les plus critiques de l’agriculture paysanne et du bio ne sont pas les écologistes urbains, mais bien les autres agriculteurs, souvent bloqués dans le modèle productiviste que leur imposent le libre marché et les multinationales du poison (comme Bayer‐Monsanto). Celles‐là mêmes, qui, dans la période d’après‐guerre, ont transformé les paysans autonomes, comme mes grands‐parents, en techniciens de la monoculture, assujettis à la chimie, aux semences uniformisées et aux machines. 

« Le discours que porte Camille Étienne dans les médias est indispensable pour la survie de la paysannerie. »

Les activistes et réalisatrices comme Camille Étienne participent beaucoup à la prise de conscience des pratiques agricoles destructrices de l’environnement et de la santé et à l’amélioration des conditions de vie des paysans. Parmi les générations précédentes, Marie‐Monique Robin, autrice de “Le monde selon Monsanto”, a fait prendre conscience à beaucoup d’agriculteurs, dont celles et ceux de ma famille, de la nécessité de changer de modèle.

Le discours que porte Camille Étienne dans les médias est indispensable pour la survie de la paysannerie. Lui reprocher de faire l’amalgame entre les électeurs d’extrême droite et les agriculteurs, en rédigeant une tribune dans un journal connu pour sa ligne éditoriale conservatrice, ne fait qu’alimenter les idées reçues.

« Je préfère mettre en lumière les luttes paysannes contre le détournement des terres (…) plutôt qu’accabler une militante écologiste qui œuvre à la préservation de l’eau. »

Toutefois, je suis d’accord avec vous sur un point : “La stigmatisation du monde paysan et de la ruralité a assez duré”. Nos campagnes sont sous‐représentées dans les médias et font parfois l’objet de stéréotypes. Nous, journalistes, devons donner la parole aux habitants des territoires ruraux. Il existe justement de nombreux pigistes installés en pleine campagne, qui tentent de défaire les préjugés sur la ruralité. Le collectif Champ libre, dont je fais partie, est composé de pigistes indépendants basés dans les territoires ruraux d’Occitanie. 

Pour décentraliser l’information, je préfère mettre en lumière les luttes paysannes contre le détournement des terres agricoles au profit de l’énergie (agrivoltaïsme, méthanisation…), des autoroutes, des mégabassines ou des multinationales de l’agroalimentaire, plutôt qu’accabler une militante écologiste qui œuvre à la préservation de l’eau, de la biodiversité et agit pour que la terre soit encore fertile demain. 

Alors, pour reprendre vos mots M. Jean‐Paul Pelras, à l’avenir, lorsque vous prêterez à nos paysans et à nos ruraux une quelconque opinion sur l’écologie, pensez, au préalable, à recueillir leur autorisation. »

  • Bravo pour cet article qui présente le passé et le pourquoi nos agriculteurs ont été poussés à utiliser des… De pesticides… Prévu dans les accords passés avec les USA venus nous secourir durant la dernière guerre… 

  • Les tribunes sont la plaie des journaux. Bla bla partisan sans aucune limite ni mesure. Publier des tribunes n’est pas faire du journalisme.

    • Bonjour Damien, Nous partageons votre point de vue et c’est pourquoi nous n’avons pas d’éditos dans nos colonnes et peu de tribunes. Place est réservée quasi‐exclusivement aux enquêtes et, si possible, aux scoops qui sont au coeur de notre promesse éditoriale. Dans le cas présent, nous avons laissé place à cette prise de position d’une de nos journalistes‐pigistes qui a fait un choix de vie radical et nous a semblé légitime pour réagir à la tribune initiale de Jean‐Paul Pelras. Bien à vous Jacques Trentesaux, directeur de la rédaction de Mediacités

  • Et pourquoi vous bobo , qui utilisez l’écriture inclusive (bravo continuez) vous parleriez au nom des agriculteurs. Vous qui ne rêvez que de décroissance, vous voulez tuer tout simplement la filière par idéologie. Quant à vos pigistes tous marqués politiquement ont ils tenus une fois un instrument agricole ? Vous dévoyez le monde paysan par idéologie politique.

  • M. Pelras manie l’anathème, dans un courrier à l’Agri, je lui faisais les mêmes reproches ( avec moins de talent) sur sa propension â se vouloir le représentant de la ruralité, et sa façon de fustiger l’écologie systématiquement, comme un fil rouge ne convainc pas le plus grand nombre…il est le défenseur de sa vision de la ruralité.…

  • Bonjour, ce monsieur oublie la confédération Paysanne qui s’oppose au modèle défendu par la FNSEA.
    Mais ces derniers sont si bien placés dans les sphères du pouvoir qu’ils se prennent pour des rois et pensent que leur parole est d’or.

  • Bonjour
    Tout à fait d’accord avec ce que vous ecrivez. Cette article nous concerne ici d’une certaine manière, puisqu’un projet de Megaparc photovoltaïque de Total devrait voir le jour dans le PNR sur la commune de Tour de Faur (Lot) pour commencer. J’ai écrit un papier destiné à une large diffusion que j’aimerais vous adresser.
    M Christine Forest

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Par Emma Conquet

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