Et si l’écologie, c’était plutôt de rouler avec nos vieilles voitures ?

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Renault 4 - GTL. Photo : Lukasz Jablonski

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Par Gaëtan Mangin (The Conversation) et The Conversation

En 2022, 18 % des émissions de gaz à effet de serre françaises provenaient du trafic automobile. Pour réduire l'empreinte carbone du secteur, les pouvoirs publics misent sur l'électrification des véhicules. Et s'il fallait plutôt miser sur les vieilles bagnoles ? C'est le surprenant parti-pris du sociologue Gaëtan Mangin, auteur d'une thèse sur l'attachement aux voitures anciennes.

L’urgence écologique nous impose désormais de repenser nos mobilités, seul secteur pour lequel les émissions n’ont jamais cessé de croître. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics multiplient les directives qui enjoignent les citoyens à abandonner leurs voitures thermiques pour des véhicules électriques. En témoignent les récentes annonces du gouvernement qui entend généraliser leur possession par des subventions massives permettant à de nombreux ménages de s’équiper pour une centaine d’euros par mois.

Mediacités et The Conversation

Ce texte est la reprise d’un travail initialement paru sur le site The Conversation, média indépendant qui publie des articles d’universitaires et de chercheurs sur des sujets d’actualité. Il est signé Gaëtan Mangin, docteur en sociologie, ATER à l’Université d’Artois. Hormis le chapô nous le reproduisons ici in extenso.

Un certain nombre de zones à faibles émissions mobilité (ZFE‑m), qui consistent à restreindre l’accès aux véhicules qui dépassent un certain seuil d’émission de gaz polluants, ont ainsi été instaurées dans quelques métropoles : Paris, Lyon ou Grenoble par exemple. Avec la loi « climat et résilience » adoptée en 2021, l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants seront concernées d’ici 2024.

ZFE dans les grandes villes : des zones à forte exclusion ?

De fait, dans ces zones, seules les voitures qui répondent à des normes écologiques très récentes (majoritairement électriques ou hybrides) seront autorisées à circuler. Nous assistons dès lors à une épuration de grande ampleur du parc automobile, qui traduit une conception pour le moins enchantée des mobilités électriques présentées comme salvatrices. Cette vision fait reposer le problème de la pollution de l’air sur les usagers de voitures qui, parce que trop anciennes, ne répondent plus aux exigences actuelles en termes d’émissions polluantes, soit celles disposant d’un moteur thermique et construites avant les années 2010.

Notre thèse de doctorat en sociologie menée entre 2017 et 2022, qui se donne pour ambition de comprendre la possession et l’usage d’une voiture de plus de 20 ans à l’époque contemporaine, révèle pourtant que les impératifs de durabilité ne sont pas étrangers à de telles mobilités. Dans la quarantaine d’entretiens réalisés, l’analyse de la presse spécialisée, mais aussi les moments plus informels de bricolage et de discussion dans des garages ou en rassemblements de passionnés d’automobiles qui ont constitué les terrains de cette thèse, il devient même possible d’entrevoir, chez certains usagers, qu’ils soient urbains ou ruraux, des engagements forts en faveur d’une certaine écologie.

Se servir de l’existant

Dans une large majorité, les propos des usagers de vieilles automobiles expriment une rhétorique du réemploi opposée à la production et la consommation de masse. Il s’agit de promouvoir une écologie priorisant l’usage d’outils fonctionnels (ou réparables) au recours à du neuf. Dans leurs discours, cette écologie du réemploi apparaît comme davantage réaliste parce qu’elle se veut plus accessible financièrement, et correspondrait à un mode de vie sobre dont l’expertise existe déjà dans les catégories populaires qui la développent au quotidien.

Peu coûteuse à l’achat comme à l’entretien, la voiture d’occasion désuète serait aussi écologique parce que le coût écologique de sa production a déjà été assumé.

« Il n’est pas évident d’expliquer à nos chers écolos que conserver et faire rouler une “vieille” auto à la place d’en fabriquer une neuve permet d’économiser des hectolitres d’eau, des kilos d’acier, de caoutchouc et de plastique, etc. C’est tout le problème de ne s’en tenir qu’à la pollution des gaz qui sortent de l’échappement, plutôt que d’analyser le cycle de vie total, de la fabrication au recyclage en passant par l’usage… » (Richard, s’exprimant dans la revue « Youngtimers » n°79)

Prendre soin, pour redéfinir ce qui est durable

Comme tout objet technique, une voiture a besoin d’être entretenue pour durer, et une vieille automobile nécessite une attention soutenue, à l’état de ses organes de sécurité notamment (plusieurs fois par an).

Aujourd’hui, un grand nombre de concessions automobiles ne sont plus équipées pour intervenir sur des véhicules dénués de systèmes de diagnostic électronique, et les mécaniciens ne sont plus formés pour intervenir sur une mécanique commercialement dépassée. Dès lors, la maintenance incombe largement aux possesseurs qui développent, aux fil de leurs interventions, un attachement à la voiture dont ils prennent soin, ainsi qu’une connaissance fine qui leur permet de croire que leur objet perdurera encore longtemps à leurs côtés.

« Moi, ma voiture, je l’entretiens ! Pour qu’elle soit belle et pouvoir continuer de rouler avec. Je voudrais l’user jusqu’à la corde, celle‐là. Attends, une Golf comme ça, je fais 300 000 kilomètres avec ! Elle peut encore vivre 30 ans, ma voiture ! » (Larry, 64 ans, décorateur retraité, roule en Volkswagen Golf 3 de 1993)

Refuser une transition écologique soupçonnée de « greenwashing »

Refuser de passer à une voiture plus récente relève également d’un scepticisme assumé envers les intentions écologiques des constructeurs. La voiture contemporaine, surtout lorsqu’elle est électrique, est soupçonnée d’être bien plus polluante qu’il n’y paraît, notamment par sa production qui nécessite l’extraction de métaux précieux tels que le lithium ou le cobalt.

Ses équipements électroniques et numériques font eux aussi l’objet de méfiance quant à la planification de leur obsolescence. C’est, là aussi, la logique de remplacement précoce qui est critiquée, et avec elle la stratégie consistant à rendre chaque modèle rapidement obsolète en le remplaçant par un autre ou en en proposant une version restylisée.

« Par leur fiabilité, elles se retrouvent plus vite à la casse qu’une voiture ancienne. Elles ont pas vocation à durer, non… le but, c’est de consommer ! Avant, on faisait des voitures robustes ! La Saab 900, c’est de la voiture robuste. Pourquoi ? Parce qu’on n’était pas dans cette démarche‐là, de consommation ! » (Yannis, 40 ans, Chef d’entreprise, roule en Saab 900 de 1985)

Rompre avec la frénésie pour rouler « moins mais mieux »

Si on les compare aux voitures récentes, les voitures de plus de 15 ans sont moins confortables et moins sécurisées, ce qui requiert une attention plus soutenue de la part du conducteur qui devra davantage faire preuve d’observation et d’anticipation.

Elles sont aussi plus exigeantes à conduire, ce qui sollicite davantage ses cinq sens. Par exemple, elles ne bénéficient pas de régulateurs de vitesse, d’aide au freinage d’urgence, ni même parfois de direction assistée, ce qui complique particulièrement les manœuvres. Parce qu’elles se trouvent à l’opposé des impératifs d’efficacité, de telles voitures deviennent l’outil idéal pour tenir à distance un sentiment d’accélération qui caractérise notre époque, en s’immergeant dans des mobilités « douces » car convoquant un imaginaire du voyage, empreint de lenteur et de contemplation.

« Mes parents, ils sont là‐dedans. Ils gagnent du temps, ils ont le petit boîtier pour passer au péage et puis tout est prélevé sur leur compte… Moi, je trouve ça effrayant ! C’est effrayant ! T’as l’impression que c’est simple, mais au final, ça va encore plus vite ! » (Lucas, 22 ans, étudiant en philosophie reconverti en charpentier traditionnel, roule en Renault 4 de 1982)

Tenir à distance… l’automobilisme !

Plus encore que des marchandises et un système économique, c’est aussi tout un système de mobilité qui se trouve tenu à distance. Pour bon nombre d’usagers en effet, faire persister la centralité de la voiture dans l’aménagement du territoire et dans les mobilités quotidiennes, ce serait manquer d’ambition face aux enjeux écologiques contemporains.

Ainsi, nombre d’usagers de vieilles voitures plaident pour une refonte ambitieuse du système de mobilité qui ferait la part belle aux mobilités alternatives, et qui prendrait notamment au sérieux la bicyclette en tant que moyen de transport efficace. Aussi, tous affirment qu’ils se passeraient de voiture au quotidien si cela leur était possible.

« Moi, je suis pas nostalgique. Je pense que cette société d’avant, celle de la conquête, on se trompait. Elle a oublié la finitude des choses, comme je pense qu’aujourd’hui on oublie qu’il y a des perspectives ! La perspective c’est le vélo par exemple […] Avec le vélo, on va dans des endroits où la voiture ne va plus, on s’affranchit des embouteillages, voilà. On peut se projeter de nouveau ! » (Fabrice, 47 ans, enseignant‐chercheur, roule avec plusieurs Citroën des années 1970 à 2000)

La composante d’un mode de vie sobre

Rouler en vieille voiture, c’est donc pour certains une manière de vivre ses mobilités de façon plus sobre, en privilégiant la qualité (du trajet, de l’objet…) à une forme d’abondance.

« Je trouve qu’on a été trop loin sur certaines choses, qu’on va trop loin par rapport à la planète aussi, la pollution, tout ça. Je veux pas rentrer là-dedans, enfin je veux plus. Un de mes rêves, ce serait d’être autonome au niveau énergétique. Donc il y a, dans ma démarche, quelque chose d’écolo… Oui, écolo ! On peut dire écolo. » (Bruno, 56 ans, éducateur spécialisé, roule en Renault 4 de 1986).

Cette éthique de la sobriété se trouve bien souvent au fondement d’un mode de vie plus frugal, et suppose une posture réflexive quant à nos actions et leurs conséquences. Si convertir tout un chacun à la « vieille voiture » ne peut représenter un projet de transition écologique, le rapport de tels usagers à leurs mobilités nous invite toutefois à ne plus prendre la route à la légère. Il exhorte, au contraire, à questionner la banalité de notre recours à la voiture pour penser un automobilisme plus éclairé.

The Conversation
Gaëtan Mangin (The Conversation) et The Conversation

  • Pas un seul chiffre provenant d’une analyse de cycle de vie dans votre article ?
    Ça entretient le doute sur les actions qui ont de l’impact.
    Pour rappel, une petite voiture est amortie d’un point de vue carbone en france à partir de 40000 km (chiffres Ademe), alors le monsieur avec sa voiture à 300000 km alors oui il faut la mettre à la casse ou alors très peu se déplacer.

    • En effet, les chiffres c’est bien, mais il faut encore ne pas les sortir de son chapeau. Que signifie « une petite voiture est amortie d’un point de vue carbone » ? Ça n’a aucun sens (une voiture n’absorbe pas de carbone donc pas de rentabilité).
      Alors, si la phrase avait été « une petite voiture ELECTRIQUE amortit sa SUR‐ÉMISSION de carbone liée à sa création », cela pose 2 problèmes :
      ‑le prétendu chiffre de 40.000 km ne se retrouve nulle part dans la littérature de l’ADEME. on est sur du 60.000km pour une 60kWh, soit la limite « écologique » tracée par l’ADEME, soit plus petit que la majorité des véhicules vendus (https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/5877-avis-de-l-ademe-voitures-electriques-et-bornes-de-recharges.html)
      ‑au bout de combien de temps ces « vieilles voitures assassines » produisent‐elles plus (à la conduite) que ces vertueuses petites voitures (à la construction plus la conduite)

      Alors comme tout le monde chouine pour des chiffres, je m’y colle. J’ai pris arbitrairement la Golf 3 de 1993 ci‐dessus, que j’imagine en 1.8L (moteur médian haut) et en essence (pire cas). VW annonce 197 g CO2/km (https://www.ultimatespecs.com/fr/car-specs/volkswagen/3102/volkswagen-golf‑3–18-90.html). Mais sur le même site, on voit 165g/km pour un diesel atmo, et 137g/km pour la TDI (là encore 1993).
      On compare donc le fait de GARDER cette vieille voiture polluante et de PRODUIRE ET ROULER avec un vehicule électrique de 60kWh, selon les chiffres de l’ADEME (p.4 du rapport).
      ‑le vehicule 60kWh « compact » de l’Ademe est plus vertueux après 60.000km de maintient en vie de la golf essence.
      ‑par contre, par rapport à la golf TDI (donc particules fines), le vehicule 60kWh « compact » de l’Ademe est plus vertueux après … 200.000km !
      Diviser tous ces chiffres par deux pour la citadine elec de 22kWh, celle que l’ADEME se désole de voir si peu vendue.

      Même si le titre de l’article mérite la levée de boucliers des commentaires, rappelons que chaque voiture a un usage différent, et qu’il semble assez peu probable de réussir à faire passer un propriétaire de vieille voiture à une voiture électrique, tant les usages et les projections sont différentes.

  • Nouvel abonné, c’est le genre d’article (?) qui me fait douter d’un renouvellement. Rien n’est sourcé, l’analyse du cycle de vie n’est pas étudié, la « propreté » de l’électricité pas prise en compte, etc. Les vieux moteurs, sans filtre aucun, ne sont en aucun cas désirables.
    La voiture électrique n’est pas la solution de mobilité idéale et ne doit surtout pas remplacer chaque véhicule thermique sur la route aujourd’hui (seulement une fraction) mais elle reste un des engrenages de réduction de l’impact carbone des transports.

    • Bonjour,
      Merci pour votre message. Cet article n’émane pas de la rédaction de Mediacités. Il est signé d’un universitaire et a été publié par The Conversation un site indépendant qui publie des textes de chercheurs sur des sujets d’actualité et propose à d’autres médias de les reprendre. C’est ce que Mediacités fait de temps en temps quand nous estimons qu’un article peut intéresser nos lecteurs et/ou susciter le débat. C’est apparemment le cas. Mais l’analyse demeure celle du chercheur et pas celle de la rédaction de Mediacités. 

  • Et bien oui !
    Garder une petite voiture à essence (sans trop circuler si possible et en l’entretenant régulièrement) me semble une bonne option. On verra quand elle sera vraiment usée.
    On néglige toujours l’énergie grise, celle qui correspond à la construction d’une voiture.

  • En tant que nouvel abonné, je partage la position d’un commentaire précédent. À savoir, ce type d’article m’interroge quand à un futur renouvellement. Le contenu est confus, non structuré et non étayé par des données factuelles. Il essaye d’entretenir un sentiment nostalgique au travers d’arguments très parcellaires, sans vision globale des enjeux écologiques dont celui qui nous concerne en priorité de façon indubitable est le réchauffement climatique. Comment dans ce contexte faire la promotion de véhicules écologiquement obsoletes et polluants ?
    La sobriété oui, faire en sorte de proposer des véhicules propres, maintenables et évolutifs, oui.
    Mais cet article se trompe vraiment de débat. Comment pouvez‐vous publier de tels articles ?
    AB

  • Je ne sais pas ce qui m’afflige le plus : les affirmation « café du commerce » non sourcées et non démontrées de l’article… … ou les affirmation « café du commerce » non sourcées et non démontrées des commentaires qui veulent démonter l’article.

  • Bonjour tout le monde,
    Et bien que d’animation dans les commentaires !
    C’est un article de sociologie, c’est écrit dans l’introduction. Apparemment certains ne savent pas ce que c’est. Ce n’est pas basé sur les chiffres (oui cela peut perturber) ni sur la volonté de démonter les arguments des personnes interrogées. On s’intéresse à leur position en tant que personne, leurs sensations.

    Moi je dis bravo pour cette ouverture, sur un avis que j’émets souvent. L’accélération de la vie par la technologie et l’aspect réparable des produits (ici d’une voiture très ancienne ; années 2000 ça ne compte pas vraiment) sont très importants et très mal vécu, le fait de vendre des voitures hyper électronisées, que même les garagistes ne maitrisent pas, alors les clients … c’est une des causes du populisme et un vrai frein à une consommation durable.
    Oui je comprends le caractère « sobriété » chez ces personnes même si en équivalent CO2 cela ne fonctionne pas. Le gros problème ici c’est l’autosolisme et les infrastructures routières uniquement dédiées à l’autosolisme.… ce à quoi ne répondent pas du tout les voitures électriques.

  • J’aime les débats qui incitent à réfléchir même (et surtout) quand le titre est un tantinet provocateur.
    Tant que nous ne disposerons pas de données incontestables et compréhensibles (mais peut‐être existent‐elles : vite, nous les communiquer), nous pourrons nous poser des questions.
    Ne nous faisons pas d’illusions :
    – Les constructeurs automobiles (en particulier français) ont raté le virage de l’électrique. Les investissements dans la voiture thermique étant plus ou moins amortis, se pose la question : à quels nouveaux investissements procéder ? Sous la pression des constructeurs chinois et avec la bénédiction des autorités politiques et des « écologistes », il peut paraître « raisonnable » de changer de perspective.
    – La position des « écologistes » n’a pas toujours été aussi nette. Je me souviens d’un débat télévisé au cours duquel le représentant de l’ADEME (et des Amis de la Terre) posait la question : Quid de la voiture consommant 2 litres aux 100 km ? Si (ce que je souhaite) Pierre R. lit cet article, j’aimerais connaître son point de vue aujourd’hui.
    Cela étant, restent deux problèmes :
    – la voiture thermique bardée de capteurs et, davantage, la voiture électrique nous rendent encore plus dépendants d’une technologie qui nous échappe.
    – la solution réside plutôt dans un usage moins intensif de la voiture.

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