Tribune – L’industrie aéronautique, une activité du passé, vraiment ?

Capitale d’un secteur aéronautique en crise, Toulouse n’est pas condamnée au déclin. Le délégué syndical CGT d’Airbus Xavier Petrachi et l’économiste Gabriel Colletis prônent toutefois un changement de modèle radical. Il s’agit de la seule solution, selon ces deux membres de l’association du Manifeste pour l’Industrie, permettant à la ville rose d’éviter un « syndrome à la Détroit. »

airbus_A380 par Dmitry A. Mottl
Airbus emploie 12 lobbyistes à l'UE et a dépensé près d'1,5 million d'euros dans cette activité en 2022./ Photo Dmitry A Mottl / Wikimedia Commons

Et si Toulouse et sa région subissait le destin de Détroit, « ancienne capitale étasunienne de l’automobile devenue une ville presque fantôme » ? C’est l’hypothèse formulée, fin avril, par quatre représentants locaux de la Fondation Copernic, d’Attac, des Amis du Monde Diplomatique et de l’Université Populaire de Toulouse, dans une contribution critique mais fouillée de treize pages. Comparant Airbus à « un colosse aux pieds d’argile », ils pointent la dépendance de la métropole toulousaine et plus globalement de l’Occitanie à cette mono‐industrie. Et dressent un parallèle avec la chute de la sidérurgie lorraine ou les mines du Nord‐Pas‐de‐Calais dans les années 1970… 

Soucieux de faire vivre le débat autour du devenir de l’aéronautique, les deux membres du « Manifeste pour l’industrie » que nous sommes estiment encore possible d’éviter un tel scénario‐catastrophe. C’est pourquoi nous avons souhaité rebondir et affiner cette analyse. Après une courte rétrospective, nous dressons plusieurs constats à court, moyen et long‐terme, puis esquissons dix propositions pour finir.

Avertissement

Plusieurs passages de la contribution « Toulouse, un futur Détroit ? » (texte de la Fondation Copernic, d’ATTAC, des Amis du Monde Diplomatique et de l’Université populaire de Toulouse) sont repris dans le présent texte, au début de nos trois parties et sous‐parties (en italique, entre guillemets et en couleur bleue). Nous développons notre propre argumentation à la suite immédiate de ces passages.

1. Rappel : rétrospective et prospective avant et après la pandémie

1.1. Les prévisions du marché global avant la crise du COVID19

Airbus prévoyait la fabrication de près de 40 000 avions nouveaux d’ici 2038 pour le marché mondial, dont 75% de monocouloirs. 14 000 avions seraient issus du remplacement de la flotte, tandis que la progression du trafic aérien supposait 25 000 avions nouveaux. Seuls un peu moins de 9 000 avions continueraient à être utilisés par les compagnies aériennes, car faisant partie des avions les plus récents.

Trois régions dans le monde se partagent principalement la demande de nouveaux avions : l’Asie-Pacifique (42%), l’Europe (19%) et l’Amérique du Nord (16%), pour 77% du marché mondial.

Le carnet de commandes d’Airbus était évalué avant la crise du Covid‐19 à plus de 7 500 avions, dont une majorité issus de la famille des A320. En 2019, Airbus a livré un peu plus de 900 avions, soit un record dans l’histoire de l’aéronautique. Nous pouvons considérer que le carnet de commandes actuel (avant annulations et reports de commandes dûs à la crise sanitaire) représente l’équivalent de huit années de production.

1.2. Les effets de la crise du COVID 19

La reprise d’activité espérée du secteur aéronautique par certains dépendra en grande partie, essentiellement en fait, des compagnies aériennes qui sont en grande difficulté comme les constructeurs et leurs sous‐traitants. Si elles, les compagnies, ont transporté plus de 4 milliards de passagers en 2019, Airbus s’attend à ne recevoir aucune commande de leur part pour le reste de l’année 2020. Une année noire en quelque sorte qui fait ressortir la hantise des « queues blanches » (les avions fabriqués et stockés sur le tarmac et qui ne sont pas siglés car ils n’ont pas trouvé preneur) qui ont alimenté la chronique toulousaine du secteur dans les années 80.

L’hypothèse la plus vraisemblable semble donc être, a minima, un arrêt de la croissance sans fin du nombre de passagers et donc du nombre d’avions nécessaires pour les transporter (resteront quand même les besoins de renouvellement des flottes).

Le transport aérien et son corollaire l’aéronautique ne retrouveront pas, jamais sans doute, le niveau de croissance qui a été le leur ces dernières années ; et il est vraisemblable qu’ils auront même de la difficulté à même revenir au niveau qui précédait l’actuel coup d’arrêt. La bulle va se dégonfler…

Depuis la crise du Covid‐19, Airbus a annoncé des réductions de cadence de 35%. Boeing est quasiment à l’arrêt du fait aussi des problèmes liés au B737MAX, à la suite de catastrophes aériennes.

D’après le cabinet Archery Strategy Consulting cité dans un dossier d’Air & Cosmos publié mi‐avril, il faudra au moins trois ans pour retrouver le niveau de 2019 et au moins dix ans pour rattraper la trajectoire d’avant-crise. En matière de perspectives de marché, les consultants d’Archery prévoient un scénario sombre et un scénario rebond. Le scénario sombre table sur une réduction de 60 % de la demande d’avions pour les cinq prochaines années. Le scénario rebond prévoit une baisse de 40 % sur la même période mais une reprise par la suite et, au final, 3 000 commandes de moins sur un besoin de 40 000 à l’horizon 2040.

Certes, Airbus comme Boeing, s’attendent à ne plus recevoir de commande massive à court terme. Cette situation pourrait cependant évoluer dans le cadre de négociations pour anticiper la modernisation de la flotte de certaines compagnies aériennes. Mais – et c’est là l’essentiel – avec un carnet de commandes de huit ans de production, l’avenir d’Airbus ne semble pas compromis.

Si Airbus, comme d’autres constructeurs aéronautiques, risque de prolonger la période de réduction de cadences, cela ne ressemble donc en rien à la mise à mort de l’industrie aéronautique. Autre enjeu fondamental : la « qualité » des nouveaux avions – correspondant aux nécessités qu’impose la transition écologique – pourrait compenser à terme la baisse du volume des avions vendus

 

2. Débat sur les constats à court/moyen/long‐terme

2.1. Une chute de la demande en volume

Un emballement du rythme des nouvelles zoonoses : VIH, grippe aviaire H5N1, qui refait surface périodiquement depuis 1997 et notamment en 2006, SARS en 2003, grippe porcine en 2009, MERS en 2012, Ebola en 2014, jusqu’au Covid‐19 (la liste n’est pas exhaustive).

Marc Barthélémy, chercheur au CEA et dans une équipe mixte CEA‐CNRS- université de l’Indiana qui a modélisé la diffusion des épidémies à partir des bases de données de l’IATA, conclut en 2008 que « l’avion est le facteur clé de propagation (des épidémies) au niveau mondial. […] Les lignes sur lesquelles il y a de gros flux de passagers créent des chemins préférentiels pour la maladie ».

La question est celle du seuil de tolérance qu’ont les populations face à ce genre de menaces de contracter une maladie fortement létale. 

Tout ceci pour dire qu’il semble difficile qu’avec le niveau d’information qui est maintenant le sien, la population puisse reprendre l’avion pour aller en vacances (les touristes sont, nous allons le voir, le premier segment de clientèle des compagnies aériennes) comme si de rien n’était…

Comme le texte de la fondation Copernic, d’Attac, des AMD et de l’Université populaire de Toulouse, une tribune de Green Cross France & Territoires du 22 avril 2020 aborde la question de l’utilité du transport aérien.

Il est indéniable que les préoccupations sanitaires des voyageurs conduisent à repenser en profondeur les déplacements, en particulier aériens, qu’il s’agisse de l’approche et de l’arrivée à l’aéroport, des contrôles et du transit aéroportuaire, du parcours aérien proprement dit, et de l’arrivée à destination. La réponse aux préoccupations sanitaires s’accompagnera probablement d’une recherche de tourisme plus durable, qui générera des comportements différents des opérateurs sur le plan financier et écologique.

Concernant les déplacements professionnels, le remplacement de l’avion par le train pour les courtes et moyennes distances (inférieure à 3 heures) est une hypothèse vraisemblable et souhaitable… si les dépenses d’équipement ferroviaire sont à la hauteur, ainsi que le développement de l’intermodalité.

Si l’arrêt ou un fort reflux du tourisme de masse peut entraîner une modification profonde des modèles low‐cost des compagnies aériennes, cela ne devrait pas signifier la fin du tourisme sur la planète, mais un autre tourisme, plus respectueux des humains comme de la nature.

2.2 Des surcapacités ?

On sera face à un appareil productif énorme, fait pour produire de très grosses quantités et qu’il faudra sous‐utiliser ; ce qui veut dire qu’on sera confrontés à une vague importante de licenciements et de fermetures d’usines. Les opérateurs du secteur regardent aussi avec inquiétude l’Asie (qui représente 40 % des commandes des 20 prochaines années), et notamment l’Asie du Sud‐Est, comme potentiel « annulateur » massif de commandes.

Un marché risque de sortir « gagnant » de la crise, c’est celui de l’occasion. De nombreuses compagnies de taille moyenne vont sans doute disparaître en laissant leurs actifs en plan. Nombre d’avions, qu’ils appartiennent en propre à ces compagnies ou bien qu’ils soient, comme c’est la plupart du temps le cas, propriété de loueurs comme AerCap, Gecas ou Avolon (selon le CSE central d’Air France, les avions en leasing représentent 41 % de la flotte mondiale), vont venir alimenter un marché de l’occasion qui retardera d’autant la fabrication et la vente de nouveaux avions…

Cette analyse en termes de « surcapacités » est fondée sur une approche en volume. Bien évidemment, il faudra faire évoluer l’outil industriel pour que celui‐ci soit à l’avenir orienté par la perspective de l’amélioration de la qualité des avions et non la satisfaction des seuls intérêts des actionnaires.

Par ailleurs, les avions d’occasion étant, par définition, des avions plus anciens, il va sans doute falloir s’en défaire progressivement, en favorisant leur recyclage quand cela est possible. Une des réponses immédiates pourrait être une incitation au démantèlement des avions de la flotte consommant plus de 30 % de carburant de plus par kilomètre/passager que ceux de leur gamme, comme le suggère Green Cross France & Territoires.

Les plans de reprise des compagnies devraient se faire avec la remise en service des avions les plus sobres, les plus récents. Airbus évoque l’A321 XLR, qui est souvent présenté comme ayant les coûts de fonctionnement d’un moyen‐courrier mais avec les capacités d’un long‐courrier.

On pourrait proposer que les États qui soutiennent les compagnies aériennes par des aides financières puissent demander des contreparties de rajeunissement de la flotte : une sorte de prime à la casse. Et parallèlement, il est nécessaire de développer plus avant une filière de démantèlement d’avions, à partir de l’expérience de l’entreprise Tarmac Aerosave, basée à Tarbes.

2.3. Dépendances : dépendance des entreprises, dépendance du tissu industriel régional

Une entreprise de la filière aéronautique et spatiale du Grand Sud‐Ouest sur quatre travaille exclusivement pour le marché aérospatial, et une sur cinq est fortement dépendante de ce marché (plus de 75 % de son chiffre d’affaires est dédié à cette filière). Une entreprise sur quatre seulement est davantage diversifiée (moins de 25 % de son chiffre d’affaires dédié à la filière).

En 2018, la filière aéronautique représentait 159 000 emplois dans le sud‐ouest, dont 69 % en Occitanie avec la majorité en Haute‐Garonne, autour de Toulouse (Airbus, Safran, ATR, Thales, Alenia Space…) ; soit 110 000 salariés en Haute‐Garonne dont 70 000 rien que sur le territoire de la métropole toulousaine.

Le possible (et aujourd’hui vraisemblable) effondrement de la commande d’avions ne se traduira pas par une disparition sèche et immédiate de tous les emplois du secteur aéronautique (…) mais la violence de la crise qui s’annonce ne doit surtout pas être sous‐estimée…

La double dépendance des entreprises du secteur vis‐à‐vis d’Airbus et de la région à l’égard de l’aéronautique n’est pas contestable. Nous l’avons en temps et en heure dénoncée nous‐mêmes au sein du Manifeste pour l’Industrie.

Mais nous pouvons aussi dire que cette dépendance existe également en sens inverse. Airbus n’existerait pas sans l’organisation industrielle et ses relations avec son écosystème. Une analyse en termes d’implantation nous conduit à dire qu’Airbus n’est pas simplement localisé dans la région toulousaine mais est ancré territorialement.

2.4. Airbus et l’organisation industrielle

Les États (et la France n’y échappe pas) se sont désengagés de ce secteur industriel (comme de bien d’autres) et ce sont des actionnaires privés qui tiennent désormais la barre. Airbus (enfant, très lointain maintenant, de Sud‐aviation et de la SNIAS) a désormais comme fonction première de rémunérer des capitaux. Airbus est aujourd’hui une structure quasi totalement financiarisée. Et peu importe où et comment sont fabriqués les avions. La délocalisation de la production a déjà commencé avec la création de lignes d’assemblage en Chine et aux États‐Unis.

Tout ceci pour dire que, si se profile une crise « conjoncturelle » (liée aux conséquences prévisibles de la pandémie) couplée avec l’évolution du secteur (délocalisations, perte de maîtrise d’une partie de l’appareil productif), celle‐ci va ouvrir une autre crise, profonde et durable celle‐là, du secteur.

Il nous semble, ici, que l’analyse proposée est trop rapide et lacunaire. Nous nous proposons de la préciser sur deux plans : celui de la gouvernance d’Airbus et celui de son organisation industrielle.

S’agissant des actionnaires de référence, certes, les États fondateurs d’Airbus ont réduit leur participation. Mais on oublie souvent qu’ils demeurent les seuls actionnaires de référence.

Lors de la privatisation d’Aérospatiale en 1998 – prélude à la création d’EADS puis d’Airbus –, le gouvernement Jospin a mis en avant de nouveaux actionnaires de référence (Lagardère en France, et Daimler en Allemagne). Objectif : créer un champion européen pouvant rivaliser face aux constructeurs mondiaux. A l’arrivée, Daimler et Lagardère sont tous les deux sortis de la destinée d’Airbus. Le capital de l’entreprise est désormais composé de 74 % de capital flottant et de 11 % pour l’État français, 11 % pour l’État allemand et 4 % pour l’État espagnol. Les trois États européens mentionnés détiennent donc ensemble le quart du capital d’Airbus, ce qui est très loin d’être négligeable.

À la suite de la volonté exprimée par Tom Enders, Airbus est devenu une entreprise « normale », avec comme seuls indicateurs le niveau de l’action et les résultats des dividendes. Il n’en reste pas moins qu’Airbus reste une société européenne, toujours ancrée dans les quatre pays fondateurs d’Airbus et en relation avec des territoires que sont, en France, l’Occitanie, les Pays de la Loire et les Hauts‐de‐France.

Les États actionnaires ont renoncé à utiliser leur droit de véto, laissant jusqu’ici le marché dicter la marche à suivre d’Airbus. Il semble impératif que les États actionnaires jouent désormais leur rôle afin que les intérêts stratégiques des différentes nations représentées dans le capital du groupe soient pleinement intégrés dans les objectifs de l’entreprise.

Pour ce qui est de l’organisation industrielle d’Airbus, celle‐ci s’appuie sur une large chaîne de partenaires et de sous‐traitants, que sont les motoristes, les équipementiers, les systémiers, les fournisseurs de matières premières composites et métalliques, les sous‐traitants en aérostructures, en systèmes de connexion, des entreprises de services et du numérique.

Airbus : le cauchemar de la sous‐traitance en cascade

Nombre de ces ressources sont présentes dans les territoires les plus proches des usines d’Airbus : Nantes, Saint‐Nazaire et Toulouse. Idem pour sa filiale Stelia : Méaulte, Saint‐Nazaire, Rochefort et Bordeaux. Cette organisation industrielle s’appuie aussi sur des acteurs collectifs privés (le Gifas, en particulier) et aussi publics. Que ce soit sur le plan :

  • financier : Banque de France, Banque Publique d’Investissement, Caisse des Dépôts
  • économique : Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), Direction Générale des Entreprises (DGE), Région…
  • celui de l’innovation : Onera, Corac, IRT, Cnes, CNRS, Laas, CEAT…
  • et en lien avec la navigation aérienne (DGAC, Aéroports, services de maintenance) sans oublier, bien sûr, les compagnies aériennes dont les États sont souvent actionnaires : Air‐France/KLM, etc.

C’est cet écosystème complexe qui développe l’ensemble de la valeur d’échange mais aussi d’usage d’un avion. Il ne se réduit donc pas à l’assemblage final sur les chaînes d’Airbus.

S’agissant de l’organisation industrielle stricto sensu, c’est-à-dire articulant Airbus et ses fournisseurs, on observera que la CGT a initié depuis plusieurs années une coordination entre syndicats du donneur d’ordre (Airbus) et de ses sous‐traitants. Une logique qui se justifie au titre de la reconnaissance de la communauté de travail dans la filière aéronautique, qui permet de produire des avions, objets complexes, mobilisant des savoir‐faire et des compétences de niveau exceptionnel.

Cette perspective en termes de communauté de travail s’oppose presque terme à terme à la logique des délocalisations qui, au contraire, se situent essentiellement dans la mise en concurrence des salariés et la recherche du moindre coût. Les délocalisations des unités de production ont concerné essentiellement les pays à bas coûts tels que la Tunisie et le Maroc, le Mexique et les pays de l’Est comme la Pologne, la Bulgarie, la République Tchèque, la Russie.

Quand la production aéronautique échappe au Sud‐Ouest

Les compensations d’achats d’importants lots d’avions ont également conduit à des délocalisations en Chine (Harbin), en Inde et dans les Etats du Golfe. Airbus s’est mondialisé avec une nette augmentation de ses effectifs aux États‐Unis, en Chine et en Inde.                

La logique omniprésente de contraction des coûts, centrale dans les opérations de délocalisation, s’exprime dans tous les « compartiments » de l’entreprise. Venues de l’automobile, les méthodes de management, type Lean, ont été introduites dans la filière aéronautique, suite aux augmentations de cadences. Les indicateurs de performance ont pris le pas sur le travail bien fait.

On observera que la loi sur le devoir de vigilance, votée en 2017, devrait être bien plus largement utilisée pour intervenir sur les conditions de travail effectuées dans l’ensemble de la chaîne de sous‐traitance et sur la responsabilité des donneurs d’ordres (comme ici Airbus) dans le respect des exigences sociales et environnementales.

 

3. Quelles propositions ?

3.1. Sortir de la mono‐industrie

Au‐delà de ces constats, certains évoquent la capacité de sortir de cette mono‐industrie aéronautique. Mais le chemin risque d’être long.

En l’état, les alternatives au tout aéronautique ressemblent à un leurre.
Au‐delà de la confirmation du futur passage à vide du secteur, on retiendra que la fin de la monoculture économique sur Toulouse et sa région repose actuellement sur des micro‐secteurs d’activité qui mettront des dizaines d’années pour constituer une alternative au « tout aéronautique ».

Comme il a été dit plus haut, nous avons nous‐mêmes et depuis longtemps alerté sur le risque de dépendance de la région toulousaine à l’égard de l’aéronautique. Nous considérons cependant que nombre d’acteurs de la filière aéronautique ont les compétences nécessaires pour produire des biens autres que pour cette filière. Cela a d’ailleurs été observé dans la situation d’urgence qui est celle de la crise sanitaire liée au Covid‐19. 

À moyen‐court terme, le potentiel de redéploiement de ces acteurs vers d’autres secteurs devra être analysé finement et soutenu. Au‐delà du redéploiement partiel des acteurs de la filière aéronautique vers d’autres activités, il est erroné de considérer qu’en dehors de l’aéronautique Toulouse et sa région ne peuvent faire reposer leur développement économique que sur des micro‐secteurs.

Pour rester dans le domaine industriel, l’espace, les systèmes embarqués, l’électronique automobile, l’informatique, l’intelligence artificielle, sans oublier l’agroalimentaire, la mécanique, la chimie, la chimie fine et pharmaceutique et le textile ne sont pas des « micro‐secteurs » en région toulousaine. Il est peu entendable de considérer que ces activités mettront des « dizaines d’années » pour constituer une alternative.

On pourrait aussi ajouter que la crise sanitaire actuelle fournit de multiples occasions pour le tissu industriel dans son ensemble de se redéployer vers des activités pour lesquelles la question de l’autonomie productive régionale va constituer un enjeu très important dans les années qui viennent : santé, alimentation, transport, énergie, bâtiment, etc.

3.2. Quid de la crise climatique ?

Enfin, question de noircir encore le tableau, se profile une autre crise. En fait, elle est déjà là. C’est la crise climatique. Nul besoin de s’interroger sur son existence. Le consensus scientifique autour des travaux du GIEC est avéré. Nous savons que le maintien de notre modèle de développement et nos modes de production, d’échanges et de consommation (dans lequel le transport aérien prend toute sa place), avec leurs conséquences sur l’écosystème humain, est une pure folie. 

Ce que nous vivons actuellement dans le cadre de la pandémie liée au Covid‐19 n’est qu’un avant‐goût de ce qui nous attend si nous ne faisons pas un grand pas de côté, si nous n’initions pas collectivement une bifurcation radicale pour prendre le chemin d’un autre modèle ; modèle qui conjuguera décroissance de certains secteurs (comme le transport aérien – les carburants verts annoncés par certains n’y changeront rien…) avec la mise en œuvre de nouveaux modes de vie et de consommation. Il n’y a pas d’avenir pour le transport aérien de masse (le modèle actuel) dans le projet de société à mettre en œuvre pour espérer un futur qui ne sera pas synonyme de crises à répétition voire de guerres. Et nous n’avons pas 50 années devant nous. L’échéance du basculement, c’est 10 ans !

La question de la crise climatique et, plus largement, celle de la crise écologique, loin d’être une contrainte de plus qu’Airbus et l’industrie aéronautique dans son ensemble auraient à affronter est une opportunité historique. Elle doit être saisie de façon urgente et à moyen et long‐terme.

Les transports représentent 31 % des émissions des gaz à effet de serre (GES) en France en 2018. Même si le transport aérien représente moins de 4% des émissions de GES liés au transport en France (contre 94 % pour le transport routier), la question du réchauffement climatique, celle de la pollution des villes (qui n’est pas qu’atmosphérique) constituent des enjeux majeurs pour l’industrie aéronautique mondiale.

Un rapport du Sénat de juin 2013 évoque ces enjeux afin d’inciter les entreprises du secteur à développer des technologies de rupture en vue de diminuer de 50 % les émissions de GES à l’horizon 2050.

Loin d’être une lubie, l’utilisation de carburant vert pourrait être une solution partielle transitoire dans la mesure où cela n’entraînerait ni compétition avec l’alimentation humaine, ni occupation de foncier agricole ou consommation de ressources en eau ou en biodiversité, comme le propose Green Cross France & Territoires. Mais il est clair que cette solution, à elle seule, ne saurait résoudre la question centrale de la consommation d’énergie des avions.

Un éventuel arrêt de la R&D concernant l’avion décarboné serait une très grave erreur alors qu’Airbus vient de concrétiser l’arrêt du E‑Fan X, le seul démonstrateur d’avion électrique développé par Airbus et Rolls‐Royce. L’avion plus électrique, utilisant davantage de matériaux nouveaux plus légers, employant l’hydrogène pour tous les systèmes non propulsifs des appareils, constituent des voies prometteuses qui ne devraient en aucun cas être sacrifiées au court terme, au maintien d’une rentabilité à atteindre « coûte que coûte ».

Une réduction des programmes d’investissement serait la pire des options pour la compétitivité future de l’avionneur européen. On rappellera ici que le ratio dépenses de R&D/chiffre d’affaires a déjà sensiblement baissé entre 2010 et 2018, passant de 7,7 % à 4,6 %.

3.3 Toulouse : un futur Detroit ?

L’hypothèse d’un arrêt complet et à effet immédiat de la filière aéronautique, avec ses conséquences en cascade sur l’emploi (voir les éléments de chiffrage de l’emploi évoqués précédemment), est bien sûr peu vraisemblable. Mais, à coup sûr, nous allons droit vers une crise d’ampleur, profonde et dévastatrice. Toulouse est‐elle un futur Detroit (ancienne capitale étasunienne de l’automobile devenue aujourd’hui une ville presque fantôme passée d’1 500 000 habitants en 1970 à 713 000 en 2010) ? Il n’est pas déplacé d’avancer aujourd’hui cette comparaison.

Adieu Toulouse 2030. Prenons nos affaires en main. Mais on peut déjà affirmer, sans risque de se tromper, que les pertes d’emplois directs et indirects vont se compter par dizaines de milliers dans les mois et les années qui viennent. Comme nous l’avons déjà dit, on peut craindre, sans trop se tromper et nous le répétons, un scénario proche de ceux des mines et de la sidérurgie dans les années 70 et 80.

Les mesures essentielles pour changer la donne (NDLR : voici une sélection de propositions formulées dans la contribution « Vers une crise économique majeure dans Toulouse et sa région. Toulouse, le syndrome Detroit ? » D’autres mesures – à caractère général et non spécifique à l’aéronautique – sont également proposées) :

Arrêter ou geler immédiatement tous les grands projets (3ème ligne de métro, Teso, Tour Occitanie, LGV, Parc des expositions…) et ouvrir un débat citoyen sur leur devenir.

- Consacrer tous les moyens au développement du transport ferroviaire de petite et moyenne proximité sans obsession de la vitesse ; mailler et conjuguer tous les moyens de transport qu’ils soient individuels ou collectifs

- Initier des Assises sur le devenir économique de Toulouse et de sa région pour élaborer une stratégie alternative au tout‐aéronautique avec l’objectif impérieux de reconvertir les outils de production pour produire des biens en rapport avec la bifurcation écosocialiste rendue nécessaire par la conjugaison de la crise sanitaire et de la crise climatique

- Mobiliser les syndicalistes et les salariés de l’aéronautique en s’appuyant sur leur connaissance « interne » des enjeux et perspectives (réorientation des outils de production en particulier).

Nous estimons que « comparaison n’est pas raison » : l’industrie aéronautique n’est pas une activité du passé, mais elle doit impérativement changer de modèle !

En évoquant comme hypothèse la plus crédible ou quasi‐inéluctable celle de dizaines de milliers de suppressions d’emploi dans l’aéronautique, n’emboîte-t-on pas ainsi le pas à certains des dirigeants d’entreprises aéronautiques qui pourraient être tentés de se saisir de la crise actuelle pour légitimer des suppressions d’emplois qui devront plus à la financiarisation des stratégies qu’à un recul posé comme inéluctable de la production ? Ne prend‐on pas le risque de pousser à la « consolidation » – en d’autres termes, à la concentration – du secteur ?

Les périodes de crise, comme on le sait, sont souvent le moment pendant lequel les entreprises les plus vulnérables disparaissent ou se font absorber par les plus puissantes. Ces dernières ont parfois une grande responsabilité dans leur vulnérabilité du fait des conditions léonines qu’elles leur ont imposées (objectifs de prix et de délais toujours plus contraints, objectifs de délocalisation…).

Detroit a souffert à la fois d’erreurs de gamme de la part des constructeurs automobiles américains, et des délocalisations effectuées par ceux‐ci le long de la frontière entre les États‐Unis et le Mexique. Rien à voir ou si peu avec la situation d’Airbus et celle de l’industrie aéronautique dans la région de Toulouse.

Les solutions que nous proposons dans ce texte sont rassemblées ci‐après. Avant de les exposer en les fondant pour la plupart sur l’analyse qui précède, nous voudrions indiquer que si elles peuvent être examinées et mises en œuvre une à une, sur une base individuelle, elles font cependant système et devraient sous‐tendre un grand programme de développement d’une autre industrie aéronautique respectueuse des hommes et des femmes et de la nature. Voici ces dix mesures : 

  1. Un soutien à la transition écologique aussi bien du côté des compagnies aériennes que de celui des constructeurs. Les aides publiques, quelle que soit leur modalité, doivent être conditionnées à la réalisation d’objectifs de réduction de la consommation de carburant, de baisse de la consommation de kérosène, d’utilisation de carburants alternatifs, d’augmentation, plus globalement, des investissements de R&D pour des avions plus propres, plus sûrs. Une incitation au démantèlement des avions de la flotte consommant plus de 30 % de carburant de plus par kilomètre/passager que ceux de leur gamme devrait être envisagée. Il s’agit le plus souvent d’avions qui ont déjà 20 ans ou 25 ans de service. Aides et incitations ne devraient cependant être engagées qu’en la faveur des seules entreprises ou groupes ayant renoncé à verser des dividendes à leurs actionnaires.
  2. Un soutien à la diversification des activités aussi bien des acteurs de la filière aéronautique que de l’ensemble du tissu économique de la région toulousaine. Loin d’être inexistantes, ces activités sont d’ores et déjà bien présentes mais leur développement doit être renforcé et orienté vers la transition écologique et la réponse aux besoins vitaux : santé, alimentation, énergie, etc. L’enjeu est celui d’une écologie industrielle de proximité en même temps que celui d’une autonomie productive plus forte du système économique métropolitain. Combiner développement (et non « croissance ») et transition écologique constitue LA priorité. 
  3. Un soutien de la pyramide des fournisseurs de rang 3 et 2 et, en cas de besoin avéré, de rang 1. Le chiffre d’affaires de ces fournisseurs devrait fortement baisser dans les semaines et les mois qui viennent, entraînant des défaillances en cascade. Leur diversification et, éventuellement, leur regroupement doivent être encouragés.
  4. Aide à la constitution volontaire de systèmes autonomes de PME dans l’aéronautique capables d’évoluer de la sous‐traitance vers la co‐traitance. Dans la grande région de Toulouse comme dans nombre de territoires de la région Occitanie ou d’autres régions françaises (Nouvelle‐Aquitaine, Pays de la Loire, Hauts‐de‐France) existent des systèmes autonomes de PME qu’il convient de renforcer car ils disposent de savoir‐faire techniques et organisationnels souvent très anciens et néanmoins parfaitement adaptés aux enjeux de l’industrie de demain. La démarche « Territoires d’Industrie » a identifié certains de ces dispositifs de PME basés sur la confiance et les relations de réciprocité. Ces dispositifs peuvent à la fois se hisser à la fonction de co‐traitants et se diversifier en dehors de l’aéronautique.
  5. La protection des intérêts patrimoniaux. Un certain nombre d’entreprises de l’aéronautique vont voir leur situation financière se dégrader rapidement. Il convient d’éviter que ces entreprises ne deviennent des proies faciles pour des fonds spéculatifs ou des intérêts étrangers qui chercheraient à se renforcer dans le secteur stratégique de l’aéronautique. Interventions en fonds propres et non‐autorisation de cession pourraient être utilisés dans le respect de règles communautaires qui devraient évoluer dans le sens de la défense des intérêts patrimoniaux de l’industrie européenne.
  6. L’activation du devoir de vigilance. Cette loi devrait être largement utilisée pour intervenir sur les conditions de travail effectuées dans l’ensemble de la chaîne de sous‐traitance et sur la responsabilité des donneurs d’ordres comme Airbus dans le respect des exigences sociales et environnementales.
  7. Des mesures de soutien spécifique au personnel intérimaire de l’aéronautique qui risque de faire les frais des décisions de court terme de compression des coûts salariaux.
  8. Un soutien aux bureaux d’études travaillant pour le secteur aéronautique de manière à leur laisser le temps de trouver d’autres débouchés.
  9. L’engagement d’une mutation très profonde du sens et des moyens de la gouvernance des entreprises les plus importantes du secteur. Il revient à l’État actionnaire de favoriser la transition écologique. Le gouvernement, après avoir fait adopter la loi Pacte qui introduit dans le droit français l’entreprise « à mission » prenant en compte les enjeux de société et environnementaux, peut‐il ignorer ces enjeux ? Ne doit‐il pas utiliser tous les leviers dont il dispose et, notamment, sa place d’actionnaire chez l’un des principaux clients d’Airbus et de l’industrie aéronautique : Air France ? Doit‐il renoncer au nom d’une « normalité » qui ne connaît que les seuls intérêts d’actionnaires financiers à peser sur les choix stratégiques d’Airbus, Safran, Thales dont il est un actionnaire très significatif ? Si l’État actionnaire doit contribuer à fixer un horizon stratégique de long‐terme et de la prise en compte de l’objectif central de transition écologique, il n’est cependant pas le seul acteur « partie prenante » à pouvoir s’inscrire dans cette perspective. Les travailleurs et leurs organisations représentatives devront prendre toute leur place dans les processus de décision. Ce n’est qu’à cette condition que pourra reculer l’actuel pouvoir actionnarial à la recherche plus de placement que d’investissement.
  10. L’organisation d’Assises du développement écologique et industriel pour Toulouse et sa région qui associeraient – outre les élus de tous bords – les « forces vives » de l’agglomération. En particulier, les organisations syndicales de salariés, les organisations patronales, les chercheurs, les universitaires ainsi que les représentants d’associations diverses.
Cette tribune est également accessible et téléchargeable en format PDF

L’industrie aéronautique doit changer de modèle (Colletis et Petrachi) _ Mediacites

Auteurs de la précédente note « Toulouse, un futur Détroit ? » à laquelle l’association du Manifeste pour l’Industrie répond dans cette tribune, Pascal Gassiot, Pierre Bonneau, Jean‐Pierre Crémoux et Gilles Daré nous ont fait parvenir une réponse, en retour. Ces quatre membres des antennes toulousaine de la Fondation Copernic, d’Attac, des Amis du Monde Diplomatique ainsi que de l’Université Populaire de Toulouse réaffirment leurs prédictions : selon eux, c’est un avenir à la mode « pastel » qui attend Toulouse, pas un pays de cocagne…

  • Bravo et merci pour ce moment de journalisme qui s’adresse à l’intelligence et au débat d’idées. Pas facile à lire au début mais nous devons aussi faire des efforts similaires aux vôtres. Le dogme économique heavy metal asséné par temps de pandémie mortifère sortie d’un pet de chauve souris ou d’un sushi de pangolin a t il encore sa place ? Ce journalisme contradictoire consubstantiel de la liberté de penser et de dire nous fait du bien et j’espère que le lobby Airbus qui rebat les cartes au profit de cet employeur qui sait si bien placer ses plantules dans le terreau politique local en prendra de la graine. Comme les camarades du CAC 40 de la Corée du Nord.

  • Je ne comprends pas la position des auteurs de cette tribune : persévérer dans l’aéronotique alors que nous devons revoir nos modes de déplacement ? Je n’ai pas lu l’analyse contre laquelle s’inscrivent l’association du Manifeste pour l’industrie mais elle me semble beaucoup plus convaincante.

    • Bonjour. Les deux auteurs évoquent ces questions de transition écologique, des déplacements professionnels ou du tourisme dans les points 1.2, 2.1 et 2.2 ainsi que 3.2 de leur tribune. Leur position ne consiste pas vraiment à persévérer, comme hier, sans rien changer. D’ailleurs, ils ne s’inscrivent pas véritablement contre l’analyse de Copernic‐Attac‐AMD‐UPT (accessible ici : http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article2035) mais rebondissent sur le débat stratégique, opportun et intéressant que ces derniers ont lancé, avec des points d’accords et de désaccords.

  • Merci pour ce papier complet et bien documenté.
    Je suis d’accord qu’évoquer un syndrome « Detroit » sans essayer de trouver des pistes de solutions n’est pas une bonne idée et permettrait de dédouaner des financiers pressés de se désengager d’une région plutôt que de valoriser les compétences extraordinaires qui sont mises en œuvre dans cette industrie de pointe qu’est l’aéronautique.
    J’aurais une critique sur le fait de citer un peu vite les études du cabinet Archery Strategy Consulting qui annoncent des scénarios de ‑40 et ‑60% de perte d’activité pour le secteur. Sauf preuves du contraire bien argumentée, ces scénarios sont essentiellement « politiques », pour ne pas perdre la confiance des investisseurs et annonceurs, et personne n’a d’estimation valable à ce jour. Il est possible que le choc soit beaucoup plus raide et ce ne seront pas les cabinets de conseil mainstream qui l’auront annoncé correctement…
    Le reste de l’article est juste et montre que l’essentiel des leviers se situe dans le cadre de ce qu’on peut appeler une politique industrielle et territoriale qui sera le fait d’un État fort ou d’une Europe soudainement stratège en la matière. On en est réduits à croiser les doigts.

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Par Membres de l’Association du Manifeste pour l’Industrie

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