A quoi sert une enquête une fois publiée ? Que deviennent nos articles après leur mise en ligne ? Comment les lecteurs reçoivent‐ils ces informations ? Comment s’en emparent‐ils ? Sont‐elles utiles ? Permettent‐elles de faire bouger nos villes ? Contribuent‐elles à faire évoluer la société ?
A Mediacités, ces questions ont toujours été une obsession. Tel que nous le concevons, le rôle social et citoyen d’un journal d’investigation ne peut se limiter à dénoncer ce qui va mal. Pour être utile, il faut encore que ses enquêtes ouvrent et nourrissent un débat public. Qu’elles contribuent à l’émergence d’une solution aux problèmes posés. Qu’elles participent à réduire les injustices. Bref, qu’elles soient utiles à ceux qui les lisent et, plus globalement, à tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par la situation traitée.
C’est pourquoi, depuis 2020, nous tentons d’évaluer les effets de notre travail en publiant chaque année un rapport sur l’impact de nos enquêtes. Pour un site d’investigation comme Mediacités, cet impact peut prendre des formes bien différentes, ce qui ne rend pas sa mesure très facile. La reprise de nos enquêtes dans des médias locaux ou nationaux donne, par exemple, un plus large écho à nos informations, ce qui facilite l’ouverture d’un débat public. Mais il s’avère vite fastidieux de recenser ces mentions de façon exhaustive.
De la même manière, il nous a semblé un peu vain de tenter de compiler scrupuleusement toutes les utilisations de nos articles lors de séances de conseils municipaux, métropolitains, départementaux, régionaux, voire à l’Assemblée ou au Sénat. Aussi importantes soient‐elles, ces répercussions nous échappent là encore trop souvent.
Pour ce rapport, nous avons donc renoncé à la quête d’une impossible exhaustivité pour vous proposer une sélection (déjà longue) des plus importants impacts identifiés en 2024 et les années précédentes. Un florilège, en quelque sorte, des articles ayant fait bouger les lignes de manière évidente, initié un débat public fécond ou débouché sur une procédure judiciaire.
Suffisant pour démontrer, une fois encore, l’utilité d’un journalisme d’investigation à l’échelle locale ? Vous en jugerez, mais nous y croyons dur comme fer. Sans pour autant nous bercer d’illusions : vous le verrez, nous avons aussi choisi certains articles qui, à notre grand regret, n’ont pas produit le moindre effet. La preuve qu’il n’y a pas que dans l’espace que, parfois, personne ne vous entend crier.
Le travail journalistique n’est rien s’il ne trouve pas de relais chez les lecteurs, les citoyens, voire leurs représentants. C’est la raison pour laquelle nous avons fait du renforcement de notre impact l’un des enjeux de notre grande campagne de financement participatif et l’un de nos axes de développement pour 2025. La multiplication des rencontres et des débats locaux, la création de nouvelles newsletters thématiques ou encore le lancement d’une nouvelle version de Radar, notre outil de suivi des promesses et de l’action des élus, doivent nous permettre de toucher un public plus large, de donner plus d’écho à nos enquêtes et provoquer plus de réactions. Pour qu’investigation ne rime plus seulement avec indignation, mais plus souvent avec action.
Le rapport d’impact de 2024
Les exemples d’impact de 2024
Un prêtre accusé de viol enfin éloigné de sa paroisse
En mars dernier, Juliette Mazet a témoigné dans nos colonnes des viols que lui aurait imposé Franz de Boer, un prêtre lotois, en 2013. Ces faits étaient connus du diocèse du Lot depuis 2015, mais celui‐ci n’a pris aucune mesure pour mettre le curé hors d’état de nuire.
👊 Impact Le prêtre a été éloigné de sa paroisse, suite à la publication de l’enquête de Mediacités.
Le président du Département revoit les travaux de son bureau à la baisse
Mediacités a mis la main sur le projet de réaménagement de l’espace de travail de Sébastien Vincini, le président du conseil départemental de la Haute‐Garonne. Un chantier d’un montant global de plus de 85 000 euros, qui interrogeait vu les contraintes budgétaires pesant sur les finances départementales et la baisse drastique des subventions aux associations.
👊 Impact Interrogée par Mediacités avant la publication de l’enquête, la collectivité s’est opportunément souvenue de ses difficultés financières pour affirmer qu’une partie des travaux avaient été annulés. Une prise de conscience tardive vu que le projet était encore sur les rails quelques semaines plus tôt…
Les pompiers interviennent plus vite
Après la publication de notre enquête sur les mauvais délais d’intervention et le manque de moyens des services de secours en Haute‐Garonne, le directeur des pompiers a reconnu l’utilité de notre travail.
👊 Impact L’enquête de Mediacités lui a permis de comprendre que les statistiques que ses services fournissaient depuis six ans au ministère de l’Intérieur étaient incorrectes. Il a ainsi pu corriger le tir. Le délai moyen d’intervention pour l’année 2024 serait de l’ordre de 15 minutes 30. C’est mieux que les 20 minutes précédentes, mais c’est toujours supérieur de plus de trois minutes à la moyenne de Sdis de même catégorie, ce qui maintient la Haute‐Garonne en queue de peloton, au niveau national.
Une lanceuse d’alerte poursuivie
Est‐ce de la faute de Mediacités ? Toujours est‐il qu’après la publication de nos articles sur les maltraitances au sein de l’Ehpad l’Ecuyer, à Toulouse, le groupe DomusVi, dont dépend cet établissement, s’en est pris à la lanceuse d’alerte. Fille d’un résident malmené par le personnel, Juliette Loore a dénoncé le scandale grâce à des enregistrements sonores clandestins.
👊 Impact DomusVI l’a attaqué en justice en février pour exiger qu’elle leur remette les enregistrements, puis, en mai, pour lui retirer le mandat de protection future que son père lui avait confié, l’autorisant à prendre des décisions en son nom. Dans les deux cas, les requêtes ont été rejetées.