C’est une personnalité peu connue du grand public mais à l’influence certaine. L’avocate lilloise Muriel Ruef a fait de la défense des autres l’engagement d’une vie. « J’admire les gens qui militent », argue‐t‐elle en toute sincérité. Pas étonnant dès lors que de nombreuses associations (Parc Saint‐Sauveur, Nada, Patat…) se soient tournées vers elle pour mener leurs combats.
Pour Mediacités, elle revient sur son parcours et ses engagements en faveur des libertés publiques, de la défense des migrants ou de la protection de l’environnement. Mais aussi sur un projet qui lui tient à coeur : celui de créer une structure à même de mieux défendre les gens du terrain qui ne veulent pas se résigner à voir leur environnement modifié sans qu’on tienne compte de leur avis. Car derrière les dossiers juridiques que Muriel Ruef mènent, la volonté d’œuvrer en faveur de l’émancipation citoyenne n’est jamais loin.
Vous êtes devenue avocate sur le tard, à l’âge de 31 ans. Qu’est-ce qui vous a poussée à choisir finalement cette voie ?
Je suis arrivée au droit par l’histoire, qui était mon premier amour. Je me suis lancée dans un double cursus à la fac de Villeneuve d’Ascq. À la fin de mes études, je suis allée passer un an au Canada. Au retour, j’ai enseigné le droit pendant deux ans à des étudiants en BTS d’un établissement de la métropole lilloise. J’ai adoré enseigner, j’avais à peine quelques années de plus que mes étudiants. Mais les voir s’en aller à la fin de l’année scolaire tout en sachant que j’allais rester là, ça ne m’allait pas.
J’ai fini par partir en Inde pendant un an et demi, le temps de me demander de quoi j’avais vraiment envie. L’enseignement c’était plutôt alimentaire, je ne savais pas quoi faire de ma vie. C’était au début des années 2000. J’avais 27 ans et j’étais seule avec mon sac à dos. Mon objectif, c’était de rester un an sans miroir. L’Inde m’a transformée. Je m’y suis découverte, je me suis mise en danger… enfin, un danger relatif car j’avais tout de même une carte bancaire et un passeport. J’ai compris que l’ennemi de la liberté, c’est le confort. Au retour, je savais ce que je voulais faire : défendre les autres.
Vous avez grandi à Lille, dans le quartier de Wazemmes. Dans quel environnement ?
Mon père était informaticien, diacre et aumônier de prison à Loos, et ma mère médecin scolaire. Mes parents n’étaient pas politisés mais très engagés. Ils logeaient régulièrement des demandeurs d’asile, des gens qu’on ne connaissait pas. Mon père a toujours voté à droite, pour Philippe Séguin notamment ; ma mère votait pour les communistes. Ça ne les empêchait pas de s’aimer beaucoup !
À Lille j’avais une bande de potes avec qui on se marrait bien. On avait un fanzine, on faisait ce qu’on appelait du “don à l’étalage” en glissant nos journaux dans …