Professeur de géographie et d’urbanisme à l’école polytechnique de Lausanne (EPFL) Jacques Lévy dirige le laboratoire Chôros. Avec trois de ses membres, il a publié en juin dernier Atlas politique de la France aux éditions Autrement. Leurs travaux universitaires battent en brèche un certain nombre d’idées reçues sur les inégalités entre les métropoles et les territoires périurbains et ruraux.
Vous écrivez dans votre Atlas politique de la France que le pays est en proie à des « révolutions silencieuses ». Lesquelles ?
Nos cartes sont éloquentes : le temps des oppositions entre blocs régionaux homogènes, le Sud‐Ouest contre le Nord‐Est de la France par exemple, est clairement fini. Depuis le début des années 1990, les différences socio‐économiques comme celles héritées des cultures régionales s’estompent. Un nouveau clivage territorial s’est peu à peu imposé, entre les centres et les banlieues des grandes villes d’un côté, et le périurbain et les petites villes de l’autre. Ainsi, le cœur et la périphérie proche de Bordeaux ressemblent bien plus à ceux de Lyon et Lille – voire de Paris – qu’aux petites villes et villages de la Gironde, du Lot ou des Landes.
Concentration des diplômés de l’enseignement supérieur, baisse du nombre d’ouvriers, vote Macron : les métropoles sont‐elles toutes devenues des « citadelles à bobos » réservées aux « gagnants de la mondialisation » ?
Qu’entendez-vous par « citadelle à bobos » au juste ? Il ne faut pas oublier que le taux de mixité sociale est plus fort dans les métropoles qu’ailleurs. 85% des pauvres vivent dans les aires urbaines, où le coût de l’immobilier et en conséquence le coût de la vie sont d’ailleurs plus élevés [voir ci‐dessous le cartogramme de la pauvreté]. Et les 15 % restants résident essentiellement dans les « communes isolées », à distance des villes, petites ou grandes. Et non pas, comme cela s’entend trop souvent …