Modernes, connectées, contrôlées, segmentées… A quoi ressembleront nos métropoles à l’avenir ? Dans Les Furtifs (éditions La Volte), l’auteur de science‐fiction Alain Damasio livre sa vision d’un futur urbain sur le point d’éclore. Une cité privatisée, où les espaces publics ont disparu, peuplée d’individus tracés en permanence, préférant leurs confortables « technococons » numériques à toute forme d’action collective.
La lecture des Furtifs surprend par le sentiment de familiarité – voire de malaise – que l’on éprouve page après page : urbanisme déshumanisé, ségrégation sociale et spatiale, smart city, naming, gentrification, systèmes de surveillance… Cette métropole de 2040 est, en partie, déjà la nôtre. Face à cette « ville des communs » qui se délite peu à peu, Alain Damasio ménage une porte de sortie. Il nous invite à réinventer notre rapport à la ville et à notre quartier. Cette interview s’inscrit dans le cadre de notre série d’entretiens « De quoi les métropoles sont‐elles le nom ? » [lire l’encadré à la fin de l’article].
La question de la métropolisation – phénomène de concentration de population et d’activités au sein de grandes agglomérations – agite les géographes, les urbanistes, les philosophes… Dans Les Furtifs, vous décrivez une ville qui capte les traces, contrôle, coupe l’espace, qui individualise. C’était déjà le cas dans La Zone du dehors (1999), mais l’action se déroulait alors loin, sur un satellite de Saturne. Dans votre nouveau roman, nous sommes en France, dans quinze ans. Décrivez‐vous une ville possible, probable, ou déjà existante ?
Alain Damasio : C’est déjà en partie notre présent, mais un présent intensifié. Pour l’instant ce sont des îlots dans la ville contemporaine, des tendances encore modestes que je généralise. L’idée qu’il y ait des espaces qui soient privatisés, des espaces privilèges destinés à une catégorie sociale capable de payer, et qui ne soient pas accessibles à d’autres …