C’est le premier parti de France, celui qui, inlassablement, remporte toutes les élections, dans un pays où le vote est considéré comme un droit et non un devoir : l’abstention. Alors que les élections municipales de mars 2020 ne devraient pas déroger à la règle, Céline Braconnier, directrice de Sciences Po de Saint‐Germain‐en‐Laye, questionne cet angle mort de la politique locale dans La démocratie de l’abstention (Gallimard, 2007), co‐rédigé avec son homologue Jean‐Yves Dormagen, professeur de sciences politiques. Elle décrypte pour Mediacités ce phénomène qui, conjugué à la non‐inscription sur les listes électorales, fait des ravages démocratiques. Elle livre également ses pistes pour aboutir à un regain de participation électorale.
L’abstention est traditionnellement plus faible aux élections municipales qu’aux législatives ou aux européennes. Peut‐on se réjouir de cet engouement ?
Certes, le problème de l’abstention est plus contenu pour les élections municipales que pour d’autres scrutins intermédiaires : elle n’était « que » de 38% aux municipales de 2014. Ce taux n’en reste pas moins inquiétant car, depuis 1983, il progresse de scrutin en scrutin. De plus, c’est un constat en trompe‐l‐œil. La moyenne nationale cache d’énormes disparités spatiales, qui dissimulent mal l’ampleur du problème de l’abstention dans les métropoles. A peine 25% des inscrits se sont abstenus dans les petites communes en 2014, contre 43% dans les villes de plus de 10 000 habitants. Elle cache aussi de graves inégalités de participation électorale au sein de la population.
Quelles sont ces inégalités de participation électorale que vous dénoncez ?
Les déterminants sociaux de la participation restent forts et s’accentuent avec le temps. Ceux qui votent le plus aujourd’hui en France sont essentiellement des citoyens aisés, titulaires d’un Bac+2 ou plus, âgés de 55 à 64 ans. Les plus abstentionnistes sont au contraire des jeunes de 25 à 29 ans, des citoyens peu diplôm …