« On peut être gentrifieur un jour et gentrifié quelques années plus tard »

Pour la sociologue Anaïs Collet, le terme de gentrification est devenu trop fourre-tout. Observatrice attentive du phénomène, elle rétablit, pour Mediacités, toute sa complexité et démonte les idées reçues sur le profil et la responsabilité supposée des gentrifieurs. Interview.

AnaisCollet
Anaïs Collet est sociologue, maître de conférence à l'Université de Strasbourg. Photo : DR

En conclusion (provisoire) de notre enquête participative sur la gentrification des quartiers populaires, et pour répondre aux vœux de certains lecteurs désireux d’avoir un point de vue académique sur la question, nous sommes allés interroger Anaïs Collet, sociologue et maîtresse de conférence à l’Université de Strasbourg. Auteure d’une thèse sur le changement urbain et social dans les quartiers du Bas‐Montreuil et de la Croix‐Rousse, à Lyon, elle a écrit ou co‐dirigé plusieurs ouvrages sur le sujet dont « Rester bourgeois, les quartiers populaires, nouveaux chantiers de la distinction » (La Découverte, 2015), « Gentrifications » (Editions Amsterdam, 2016) et « Les bobos n’existent pas » (PUL, 2017). 

Mediacités : Peut‐on donner une définition de la gentrification ?

Anaïs Collet : La gentrification est devenue un terme un peu fourre‐tout. Il faudrait presque s’en débarrasser. L’idée centrale à retenir, c’est qu’elle implique un rapport d’appropriation pour certains, et de dépossession pour d’autres, d’espaces autrefois populaires. C’est une des modalités de l’embourgeoisement, parmi d’autres. On constate d’ailleurs depuis les années 1990 que les quartiers qui s’embourgeoisent le plus vite ne sont pas les quartiers populaires mais les quartiers déjà bourgeois. C’est là que la concentration de classes supérieures augmente le plus fortement. Des quartiers populaires peuvent aussi s’embourgeoiser juste du fait des trajectoires de mobilité, d’ascension sociale des habitants, sans qu’il y ait forcément un afflux de populations extérieures, de transformation de l’image des lieux, ni même de flambée des prix de l’immobilier.

« Les quartiers qui s’embourgeoisent le plus vite sont les quartiers déjà bourgeois »

La gentrification concerne‐t‐elle uniquement les grandes métropoles, telles que Paris, Nantes, Bordeaux ou Toulouse ?

Il est vrai qu’on observe davantage ce phénomène dans les grandes villes. C’est lié au nombre de « gentrifieurs » potentiels des classes moyennes et supérieures, qui augmente du fait de l’évolution de la structure socio‐démographique, mais aussi de la concentration des emplois les mieux rémunérés dans les métropoles et des politiques d’attractivité que mènent ces dernières. On peut toutefois repérer des petits phénomènes ponctuels de gentrification dans des villes de taille plus modeste. Un lieu se gentrifie dès lors que la composition sociale des gens qui l’habitent se modifie en même temps que sa valeur symbolique et économique.

La gentrification de Wazemmes à Lille est‐elle comparable
À creuser
Nous reformulons ici la question que nous posait Fred sur la plateforme #DansMaVille : « Y a‑t‐il selon vous des spécificités, des différences, entre …

Nous vous offrons l’accès à cet article

Et à toutes nos enquêtes pendant deux jours  !
Oui, on est généreux 😉 Mais pensez aussi à vous abonner  !

En renseignant votre adresse, vous acceptez nos conditions générales d’utilisation.
Mediacités s’engage à ne pas céder votre adresse à des tiers. En cas d’échec, écrivez à contact@mediacites.fr
  • J’accède aux 4 éditions de Mediacités (Lille, Lyon, Nantes et Toulouse)
  • Je découvre un média 100 % indépendant, avec 0 % de publicité

Attention, journal en danger !

Depuis huit ans, Mediacités propose un journalisme d’investigation sur les pouvoirs locaux et ses enquêtes ont de l’impact dans les villes. Aujourd’hui notre existence est menacée.
Soutenez la rédaction, ses journalistes et la démocratie locale :

Je soutiens Mediacités

  • en vous abonnant (69 € par an ou 7,90 € par mois, résiliable à tout moment et facilement) pour lire toutes les enquêtes
  • en effectuant un don (défiscalisable à 66%) pour soutenir le travail et assurer la survie d’un journal local indépendant, sans pub et à impact.

Publié le

Modifié le

Temps de lecture : 10 minutes

Favorite

Par Propos recueillis par Yves Adaken et Adrien Disson

Attention : journal en danger !
Soutenez Mediacités !

Depuis bientôt huit ans, notre journal d’investigation propose des enquêtes sur les pouvoirs locaux dans les grandes métropoles. À Lille, Lyon, Nantes et Toulouse, des dizaines de journalistes publient en toute indépendance des informations inédites qui nourrissent le débat public et produisent de l’impact.
Aujourd’hui, notre campagne de financement participatif a dépassé 75% de l’objectif. Aidez-nous à atteindre les 100% d'ici au 31 décembre !
On vous explique tout ici :

Comment soutenir Mediacités ?

D’ici au 31 décembre, chaque coup de pouce compte !

Ceci fermera dans 25 secondes