Métropoles : « Il faut repousser l’installation des nouveaux exécutifs »

Pour Olivier Landel, délégué général de France urbaine, une association défendant les intérêts des élus des grandes villes et métropoles, l’urgence de la crise sanitaire impose de ne pas mettre en place des nouvelles intercommunalités dès à présent, comme le souhaite pourtant le gouvernement. Il préconise un renouvellement après le second tour des municipales.

Modalités élections locales 2020
Illustration : Jean-Paul Van Der Elst

Avec le report du second tour des municipales, les intercommunalités se trouvent dans un entre‐deux complexe. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a proposé une période de transition, avec des exécutifs temporaires où cohabiteraient les nouveaux élus et les anciens issus des villes où doit se dérouler un second tour. Qu’en pensez‐vous ?

Olivier Landel : Pour France urbaine, mais aussi l’Association des Maires de France, l’Assemblée des communautés de France (AdCF), Villes de France et l’Association des petites villes de France, la meilleure solution serait que les conseillers communautaires élus le 15 mars attendent jusqu’à l’après second tour des municipales pour intégrer les nouvelles intercommunalités. Il s’agirait juste de patienter un peu plus ! 

Nous sommes en période de crise. Le temps est gelé. L’urgence est au maintien des services publics essentiels : l’eau, l’assainissement, les déchets, les transports publics… Les élus organisent chaque jour des cellules de crise. Il n’est pas raisonnable de mettre en place de nouveaux exécutifs en ce moment. Pour des raisons de sécurité sanitaire tout d’abord mais aussi parce qu’il y a mille choses qui en découlent en cascade qu’on ne pourra pas tenir. Les nominations dans les Sociétés d’économie mixte, les Sociétés publiques locales, les CHU, les instances de dialogue social… Tout cela mobilise des agents public qu’il est préférable de déployer sur des missions plus essentielles. 

Le Parlement doit trancher sur cette période transitoire d’ici demain [vendredi 20 mars]. Pensez‐vous que vous serez entendus ?

Au moins sur un allongement des délais de mise en place des nouvelles intercommunalités. Mais peut‐être pas jusqu’au-delà du second tour. J’ai l’impression que le process qui précède et suit l’installation d’un nouvel exécutif n’est pas pris en compte. Prenons un exemple simple : le vice‐président aux ressources humaines d’une intercommunalité a été battu dans la ville dont il était maire. Il possède la délégation de signature pour la paie des agents de son intercommunalité. Qui fera les paies demain si on met en place un nouvel exécutif ? Quel intérêt y a‑t‐il à vouloir instaurer des exécutifs mixtes ?

Je vous retourne la question…

Le gouvernement adopte un raisonnement quantitatif. Il nous dit que 50 % des intercommunalités sont complètes car les maires ont été élus au 1er tour (et pas forcément tout le conseil, d’ailleurs, en raison du panachage dans les communes de moins de 1 000 habitants). Il s’agit bien sûr d’intercommunalités rurales. On a proposé au gouvernement de faire un distinguo selon le type d’intercommunalités. Mais hier soir [mercredi 18 mars, ndlr], rien n’était arbitré. Même s’ils nous disent qu’il faut instaurer des exécutifs mixtes, cela ne pourra pas se faire vu l’urgence du moment. Il y a déjà des maires qui ne respecteront pas la loi. Dans l’agglomération de Mulhouse, par exemple, et face à l’urgence sanitaire, certains d’entre eux ne tiendront pas leur conseil municipal d’installation ce week‐end comme la loi l’impose.

Quelles difficultés concrètes vos membres vous remontent‐ils des métropoles ?

Il y a des soucis autour des gardes d’enfants. Les personnels des usines d’eau ou d’assainissement, par exemple, ne voient pas pourquoi la prise en charge de leurs enfants ne serait pas prise en compte et limitée aux seuls personnels soignants. Il y a beaucoup de questions pratiques sur les règles de gestion de crise. Pour les enterrements, les mariages, l’état-civil, les services indispensables (eau, assainissement, déchets, transports, etc.). Nous organisons des visio‐conférences régulières avec nos membres. Le besoin d’échange et de partage des pratiques est avéré et cela nous permet de faire remonter les questionnements et les initiatives.

Avez‐vous eu vent de demandes de droit de retrait de fonctionnaires territoriaux ?

Nous n’avons pas eu de remontées massives en ce sens. En revanche, certains débats montent. Comme le port du masque pour les agents des guichets. Ils en réclament car ils ont l’impression qu’avec un masque ils seront protégés. Or ce n’est pas aussi évident. Tout dépend notamment de la façon dont on le met et l’enlève. Et puis les masques doivent de toute façon être réservés aux personnels soignants.

Autre difficulté notable : nous constatons qu’il est beaucoup plus difficile de maintenir l’activité dans les entreprises privées, qui usent beaucoup du chômage partiel, que dans les collectivités. Or certaines entreprises accomplissent des tâches en délégation de service public. La conséquence, c’est une fragilisation supplémentaire des services publics.

[Mise à jour]

Cet entretien avec Olivier Landel a été réalisé jeudi 18 mars, en fin de matinée. Il a été publié dans le courant de l’après‐midi. Avant que le Premier ministre annonce, en début de soirée, la prolongation du mandat des actuels maires, conseillers municipaux, présidents de métropole ou d’agglomération et conseillers  communautaires « jusqu’à la  mi‐mai au moins. »

Ce faisant, Edouard  Philippe a dédit ses ministres de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, Christophe Castaner et Sébastien Lecornu, qui avaient été jusqu’à prévoir dans une circulaire les conditions sanitaires à respecter pour que les 30 125 nouveaux conseils municipaux désignent leurs maires d’ici le 22 mars en dépit de l’épidémie de Covid‐19. Suivant l’avis négatif du Conseil scientifique, le Premier ministre rejoint ainsi la position d’Olivier Landel, mais aussi de plusieurs députés de la majorité après une salve de critiques d’élus locaux. « Comment pouvons‐nous comprendre qu’on demande à la population d’appliquer un confinement alors qu’une trentaine d’élus vont se retrouver dans une même pièce ? » se demandaient ainsi six élus d’opposition de Saint‐Philbert‐de‐Grand‐Lieu dans une lettre ouverte publiée par Mediacités Nantes

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Propos recueillis par Jacques Trentesaux

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