Les notes de frais des élus sont des documents que tout citoyen a le droit de consulter. L’équipe de Mediacités Lille a donc voulu y regarder de plus près en sollicitant plusieurs collectivités. Il n’est pourtant pas aussi si facile que prévu d’y accéder, la démarche suscitant l’opposition de certaines d’entre elles…
Pouvoir consulter les notes de frais des élus est un droit prévu par la Constitution. L’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen le proclame : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux‐mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » Un beau principe qui, deux cent trente‐deux ans après, reste difficile à faire appliquer.
Les notes de frais des élus sont en effet une question sensible. Ce n’est pas le président de la Métropole européenne de Lille (MEL) qui dira le contraire : trois ans après les révélations de Mediacités, Damien Castelain reste empêtré dans ce scandale que nous avions dévoilé. La carte bleue de la MEL avait payé des parfums, cartes cadeaux, soins hammam, cravates ou hôtels de luxe. Si l’élu a remboursé plus de 20 000 euros à la collectivité, l’affaire judiciaire suit toujours son (long) cours…
Damien Castelain n’est pas le seul à connaître des problèmes avec ses notes de frais. Le député‐maire de Fresnes, par exemple, a été pris pour s’être fait rembourser deux fois ses notes, comme l’ont découvert nos confrères et consoeurs de Mediapart. Parmi les grands consommateurs de notes de frais, on trouve également les présidents d’équipements publics, notamment culturels. Les révélations de Mediacités sur l’ancien directeur de l’Opéra de Lyon ont d’ailleurs conduit à la fixation d’un plafond de frais et à un renforcement des contrôles.
Un récent rapport de la Chambre régionale des comptes a épinglé l’ancien directeur du Ballet du Nord, Olivier Dubois. La chambre s’est penchée sur les dépenses de cartes bleues effectuées en 2017. Sur un total de 17 319,86 €, 4 054,32 € n’étaient pas justifiés selon les magistrats et 5 828,57 € ne pouvaient être rattachés à un déplacement professionnel entrant dans le cadre des missions du directeur artistique. Soit un total de près de 10 000 € sur une seule année donnée. Un constat qui n’a suscité que peu de réactions.
La MEL, l’agglo de Douai et de Valenciennes mauvais élèves
Les élus sont réticents à faire la transparence. Un journaliste néerlandais basé à Paris a dû aller jusqu’au tribunal administratif pour obtenir la transparence sur les notes de frais d’Anne Hidalgo. La ville s’y est opposée, au nom notamment de la « protection de la vie privée ». Un argument grotesque : s’il s’agit de dépenses payées sur fonds publics, c’est bien qu’il ne s’agit pas de vie privée.
Mediacités Lille a donc souhaité en savoir plus. Cet été, nous avons sollicité plusieurs collectivités de toutes couleurs politiques pour obtenir communication des « reçus, justificatifs, factures et notes de frais des frais de séjour, frais de déplacement, frais de restauration (avec le cas échéant, les noms des personnes invitées), frais de représentation, frais de mission et frais d’exécution des mandats spéciaux de l’exécutif et des membres du cabinet, pour les années 2019, 2020 et 2021 ». Même s’il a fallu souvent en passer par des relances, quelques collectivités nous ont déjà répondu : les villes de Lille, Roubaix, Calais, La Madeleine et Hénin‐Beaumont, ainsi que l’agglomération de Calais et la région Hauts‐de‐France.
D’autres, en revanche, restent désespérément sourdes à notre demande et nos relances. Parmi elles, la ville de Lauwin‐Planque, l’agglomération de Douai (toutes deux dirigées par Christian Poiret, également président du conseil départemental du Nord), la ville de Valenciennes et sa communauté d’agglomération Valenciennes métropole ainsi que… la Métropole européenne de Lille. Nous avons donc saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), une autorité indépendante chargée de veiller à la liberté d’accès à ces documents et aux archives publiques.
Sa saisine est un préalable nécessaire avant, éventuellement, de saisir le tribunal administratif pour obtenir gain de cause. Sans surprise, la Cada nous a donné raison : elle estime que les documents demandés, s’ils existent, sont communicables à toute personne qui en fait la demande. En dépit de la transmission des avis, les collectivités récalcitrantes ne nous ont toujours pas répondu. Nous allons donc à présent saisir le tribunal administratif.
Sans attendre, Mediacités va restituer le résultat des premières données obtenues dans une prochaine enquête. À suivre…
Nous avons les mêmes difficultés à Leucate dans l’Aude commune touristique de 4500 habitants. Le maire perçoit chaque année 20 000 euros sans fournir les justificatifs correspondants
ET pourquoi pas Tourcoing ?