Depuis le 4 novembre, le journal local d'Auvergne reprend des informations dévoilées par Mediacités sur l'industriel Alma, un des poids lourds de l'eau minérale en bouteille, sans respecter les principes de base de la déontologie de notre profession.
« Soupçons de fraude : St‐Yorre, Vichy Célestins et Châteldon en eaux troubles » : le 1er novembre, dans une enquête signée par Daphné Gastaldi et Mathieu Martiniere du collectif We Report, Mediacités Lyon révèle que l’industriel Alma est dans le collimateur de la répression des fraudes. En cause : un ajout de gaz carbonique non signalé dans la Châteldon, et l’utilisation de sulfate de fer (une substance non autorisée pour cet usage) pour traiter la Vichy Célestins et la St‐Yorre que produit, en Auvergne, ce géant des eaux minérales en bouteille.
Quelques jours plus tard, La Montagne se fait l’écho de nos révélations. « Un goût de scandale » titre en Une son édition vichyssoise du 4 novembre. En fond, une photo de trois bouteilles du groupe Alma : Vichy Célestins, St‐Yorre et Châteldon. Dans ces cas‐là, en général, on se réjouit que nos informations rencontrent de nouveaux lecteurs et contribuent à faire (parfois) bouger les choses. Sauf que…
En parcourant, la double‐page que nos confrères auvergnats consacrent à « l’affaire », nous avons la désagréable surprise de découvrir que Mediacités, contrairement aux usages de la profession, n’est cité que du bout de leur plume, dans les derniers paragraphes de l’article principal. Tout laisse à penser au lecteur de La Montagne que la quasi‐totalité des informations qu’il lit sont révélées par le journal local. La méthode est trompeuse : l’article en question reprend l’ensemble des éléments dévoilés quelques jours auparavant par Mediacités.
🚰 [Révélations] Soupçons de fraude : St‐Yorre, Vichy Célestins et Châteldon en eaux troubles
Enquête de @WeReport_eu https://t.co/UhSuX9rLGm
— Mediacités (@Mediacites) November 2, 2022
Les journalistes de La Montagne n’en restent pas là. Le 4 novembre, toujours, Matthieu Perrinaud, responsable de l’agence de Vichy du journal, est invité sur le plateau de Public Sénat. Il relate l’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sans ne jamais citer l’origine de l’information et en laissant croire aux téléspectateurs, une fois encore, que ces révélations proviennent de son titre.
Une dernière goutte pour la route : dans son édition du 5 novembre, La Montagne s’approprie définitivement notre travail en consacrant un article sur les répercussions des « révélations sur la Châteldon », annoncé en Une.
Principe de base
Pourquoi s’en offusquer ? En agissant de la sorte, La Montagne s’assoit sur un principe de base : un journaliste « cite les confrères dont il utilise le travail ». Ce serait cocasse si ce n’était pas navrant : ce principe est écrit noir sur blanc dans la Charte d’éthique professionnelles des journalistes, citée en référence par la Charte de déontologie du groupe Centre‐France, dont dépend La Montagne.
Ce principe est une question de déontologie et de respect : les révélations publiées par Mediacités ont nécessité plusieurs mois d’enquête. Elles s’inscrivent dans un travail plus large que mène le collectif We Report sur l’industrie de l’eau (Water stories). Ce travail a de la valeur, il a aussi un coût. En ne daignant pas citer correctement Mediacités, La Montagne bafoue l’un et l’autre.
Loin de nous l’intention de faire de cette histoire une tempête dans un verre d’eau, mais, avec les auteurs de l’enquête, nous avons interpellé par mail Matthieu Perrinaud et le médiateur de Centre‐France, Julien Bonnefoy, le 4 novembre. Notre message est resté sans réponse. Pour le moment ? Si nos révélations sur St‐Yorre et consorts sont parvenues jusqu’à la rédaction de La Montagne, on ose désormais espérer que notre présent article sera lu avec la même attention.
Actualisation 8 novembre - Sur Twitter, La Montagne a répondu à notre interpellation en soulignant qu’elle est signataire de la charte sur la traçabilité. « C’est une notion à laquelle nous sommes très attachés », tweete le journal. Justement ! Que dit la Charte sur la traçabilité de l’information ? Le premier engagement auquel sont tenus ses signataires est le suivant : « Sourcer explicitement et assez haut dans l’article le média à l’origine de l’information exclusive (enquête, investigation) qui a été reprise. » « Explicitement » et « assez haut dans l’article », ce sont bien ces deux principes qui, selon nous, n’ont pas été respectés dans l’édition du 4 novembre de La Montagne, sans parler de l’article diffusé le lendemain ou de l’intervention sur le plateau de Public Sénat.
J’adhère sans réserve.
C’est navrant. Même un pathétique . Moi même journaliste en province, j’ai sorti une fois une affaire de meurtre que des quotidiens régionaux se sont empressés de reprendre à leur compte sans jamais me citer. C’était le pot de terre contre le pot de fer.
Bien à vous.
La Montagne est devenue un journal lamentable simplement dédié à cirer les pompes du pouvoir, se foutant allègrement de la déontologie.…
Magnifique ! On signe la charte et donc… on est dans les clous !
A quand une charte du contribuable réfractaire, du passager SNCF ?
Certains journalistes en mal de sujet osent tout. C’est même à ça qu’on les reconnait.
Salut les copains !
De 1999 à 2012, j’ai dirigé le mensuel L’Effronté. Sorte de canard enchainé institutionnel sous‐titré « Canard auvergnat à plume dure ». De 3 000 à 5 000 exemplaire vendus. Notre plus bel argument de vente était l’indicible putasserie du « Grand Quotidien du Centre ‑France », rebaptisé par nous « La Pravda ». Bien entendu ce quotidien lêche‐bottes a plusieurs fois repris nos infos (L’Effronté faisait dans l’investigation, sport inconnu de son grand confrère) sans jamais nous citer.
Ce qui, en creux, était un honneur. Alors sachez vous contenter de cet honneur là ! Bon travail et bon courage…
Recherchons dans les gènes : La Montagne a été dirigée longtemps par Bernard Tapie !
Où en est l’enseignement de la déontologie dans les écoles de journalisme…indépendantes car ici à Toulouse elle est dirigée en douce par l’empire Baylet. La presse régionale a un rôle de lien social important, et souvent elle est pillée sans qu’on la cite par des confrères nationaux mais ce que vous dénoncez est pitoyablement vrai. Souvent les rédacs chefs qui ne sont que des petits chefs et petits journalistes s’assoient sur cette obligation de citer les confrères. pour récupérer un peu de talent.
Soutien ! Vous avez bien raison !
Soutien à vous et honte à cette « montagne » plate et ses collabos Bonnefoy et Perrinaud qu’il ne faut pas hésiter à nommer tant il faut nuire à la bêtise des suceurs de roues. Ne serait‐ce que pour leur faire la publicité qu’ils méritent…