Jeudi 22 février, une centaine de personnes ont participé à l’étape nantaise des États généraux de la presse indépendante. Un moment unique pour aller à la rencontre des acteurs régionaux de cette presse « aussi sérieuse qu’irrévérencieuse ».
Les uns promettent de « l’investigation sans concession », les autres se présentent comme « indisciplinés » ou « sale gosse de la presse »… Une dizaine de médias de la presse indépendante ont rencontré le grand public le jeudi 22 février au Mediacampus de Nantes dans le cadre de l’étape nantaise des États généraux de la presse indépendante (EGPI). Après Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et avant Lille, c’était donc au tour de Nantes de rassembler ces professionnels pour échanger sur l’avenir de cette presse si singulière.
En réaction aux États généraux de l’information lancés en octobre 2023 par Emmanuel Macron afin de “poser les bases d’un modèle d’espace médiatique et numérique“, une centaine d’organisations et médias indépendants ont décidé d’alerter sur les enjeux de l’indépendance à travers des rencontres un peu partout en France.
À Nantes, deux tables rondes ont rassemblé des médias locaux [voir liste ci‐dessous] autour des thèmes : “La presse indépendante, à quoi ça sert ? Ses relations avec les pouvoirs locaux“ et « Garantir le modèle économique et donc l’indépendance de la presse ».
Une presse qui fait bouger les lignes
Au cours des échanges, les journalistes ont pointé la place essentielle de ces médias locaux d’investigation. « On est un contre‐pouvoir y compris de la presse locale », estime Ray Clid, l’un des dessinateurs de La Lettre à Lulu, le journal satirique nantais créé il y a 23 ans et vendu à 2500 exemplaires. C’est une presse « aussi sérieuse qu’irrévérencieuse », ajoute Marie Coq, rédactrice en chef du Sans‐Culotte 85 vendu à 6000 exemplaires en Vendée.
Une presse de contre‐pouvoir, mais aussi avec des impacts sur les territoires. « Nos enquêtes ont le mérite de créer du débat et ne passent pas inaperçues », affirme Jacques Trentesaux, le directeur de Mediacités. Le journal en ligne réalise même chaque année un rapport d’impact sur chacune de ses villes.
Un regard partagé par Pierre‐Yves Bulteau, l’un des cofondateurs de Splann, le média d’enquête indépendant en Bretagne. « Nous avons démontré la dangerosité des implants de contraception fabriqués par Bayer. Suite à cette enquête, 28 000 femmes ont décidé de lancer une action de groupe auprès de l’État pour non‐assistance à personne en danger », se félicite le journaliste breton.
Une presse fragile
Tous les intervenants à ces EGPI l’ont rappelé : ils restent fragiles économiquement. Refusant la publicité et les gros actionnaires, ces médias locaux cherchent à développer leur lectorat/auditorat. Et lorsque l’audience n’est pas au rendez‐vous, « on est obligé de se diversifier pour faire vivre notre activité principale », reconnait Marie Bertin, la rédactrice en chef des Autres Possibles. Avec une épée de Damoclès au‐dessus de la tête : les procédures judiciaires qui visent à faire taire les journalistes. « En sept ans, nous avons dépensé 50 000 euros en frais de justice et même lorsque l’on gagne les procès, ce qui est très souvent le cas, on perd de l’argent », se désole Jacques Trentesaux.
Le risque est de voir disparaitre cette presse indépendante et de créer ainsi des « déserts informationnels » des « trous noirs démocratiques » comme les nomme le directeur de Mediacités qui cite ce chiffre terrible : une centaine d’agences locales d’information a disparu en 10 ans.
Pour réécouter les deux tables rondes de ces États généraux de la presse indépendante à Nantes, rendez‐vous sur le site de la FRAP, la Fédération des radios associatives en Pays de la Loire :
- A quoi sert la presse indépendante et quels sont ses liens avec les pouvoirs locaux ?
- Comment garantir le modèle économique et donc l’indépendance de la presse ?
A l’issue des deux tables rondes, un « village médias » a rassemblé participants et médias partenaires des États généraux de la presse indépendante : Mediacités, les Autres Possibles, La Lettre à Lulu, le Sans‐Culotte 85, Splann !, la Topette , le Club de la Presse Nantes Atlantique et la FRAP. L’occasion pour les journalistes de ces médias d’aller à la rencontre du public pour expliquer leur métier, leur engagement pour plus de pluralisme.
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