Abonnez‐vous qu’ils disaient !

Bidule lisant des journaux
Illustration : Jean-Paul Van der Elst

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Par Nicolas Barriquand

Payer pour s’informer ? Qui plus est sur Internet ? Convaincre des vertus et de l’importance de l’abonnement demande patience et pédagogie… Réflexions internes et anecdotes à l’appui.

L’histoire remonte à quelques semaines. Mon téléphone sonne. Au bout du fil, la responsable communication d’une institution du Rhône sollicitée quelques jours auparavant pour une enquête : « Bonjour Monsieur Barriquand, j’ai vu que votre article était sorti. Vous pouvez me l’envoyer ? ». Bien entendu que je peux, mais « vous pouvez sinon vous abonner », répond‐je. Maladroitement a priori – on n’enseigne pas les techniques de vente en école de journalisme… fort heureusement ! – car mon interlocutrice se braque.

Je rame : « Je m’étonne que votre institution ne soit pas déjà abonnée… » ; « Si l’article avait été publié par Le Progrès ou tout autre titre papier, n’auriez-vous pas spontanément acheté le journal en kiosque ? » Bref, notre échange se conclut par l’envoi gracieux de l’enquête en question, et la promesse, en face, « de regarder » nos offres d’abonnement. Il illustre à merveille les difficultés que nous rencontrons au quotidien pour faire accepter de payer pour s’informer. Qui plus est sur Internet.

Je passe sur les commentaires lus, ici ou là, sur les réseaux sociaux… Comme cette internaute qui, sur Facebook, lance au‐dessous d’un post Mediacités : « Quelqu’un peut‐il m’envoyer l’article gratuitement ? ». Faire entendre à nos lecteurs que l’information a un coût, et donc un prix à payer, est un travail de longue haleine. Les convaincre de s’abonner nécessite de faire oeuvre de pédagogie et de transparence. Expliquer notre modèle économique – nous l’avons détaillé dans un précédent article de La Fabrique. Expliquer pourquoi nous croyons qu’il est plus sain d’être financé par ceux qui nous lisent que pas les annonceurs – je vous renvoie, cette fois‐ci, à cet article.

Expliquer aussi que le copier‐coller de l’intégralité d’une enquête sur un blog ou dans un mail envoyé à des dizaines de contacts ruine, in fine, le travail du journaliste qui a passé plusieurs semaines à creuser son sujet, à interviewer des dizaines de personnes. Ne vous méprenez pas : nous ne sommes pas contre le partage de nos publications. Au contraire, c’est d’ailleurs à cela que sert le petit bouton rouge « Offrir cet article » qui apparaît sur les écrans de nos abonnés, en haut et en bas de nos articles – à utiliser pour faire connaître Mediacités à vos proches, comme on découpe l’article d’un magazine pour son voisin ou son collègue de bureau. Tout est question de dosage.

« Pense à t’abonner… Parce qu’à Mediacités, ils ne vivent pas que d’eau fraîche ! »

Une anecdote encore : le mois dernier, j’étais invité à venir parler de journalisme dans un festival de films documentaires organisé à Décines, en banlieue de Lyon. Dans l’assistance, des professionnels du secteur du cinéma (exploitants de salles, distributeurs, etc.). A la fin de la table‐ronde, je découvre, au gré de mes discussions, que nombre d’entre eux ont lu et remarqué notre enquête, publiée quelques mois auparavant, sur Thierry Frémeaux, patron de l’institut Lumière (à côté de sa fonction de délégué général du festival de Cannes) et, à ce titre, grand manitou du milieu du cinéma dans la région. Mais pas un seul abonné à Mediacités dans la salle ! « On m’a envoyé le PDF par mail », me confie‐t‐on à chaque fois, sans voir où se trouve le problème.

Pour autant, les raisons de persévérer dans la voie d’une presse payante sur Internet ne manquent pas. Voir les succès de Mediapart (150 000 abonnés) ou du Monde numérique (180 000 abonnés). Voir aussi les reprises régulières de nos enquêtes (ici sur France Inter, là sur France 3), les marques de reconnaissance et les soutiens toujours plus nombreux. Voir enfin, ces petits signaux qui nous indiquent que le message, selon lequel une information indépendante a de la valeur et donc un coût, est de plus en plus audible. Par exemple cette réponse, toujours sur Facebook, d’un abonné à l’un de ses « amis » : « Ok, je t’envoie cette fois‐ci l’article par mail, mais pense à t’abonner… Parce qu’à Mediacités, ils ne vivent pas que d’eau fraîche ! ».

  • Oui il faut inciter nos amis à s abonner à un média qui ne porte pas les lourdes chaines de la subvention. Je considère que de continuer à accepter que les « grands » médias soient autant subventionnés est un véritable scandale. Maintenir des médias sous perfusion d’argent public parce qu ils n ont pas su captiver leurs lecteurs est une erreur mais aussi un calcul politique qui compte sur la reconnaissance et le dicton qui empêche de « mordre la main de celui qui te nourrit » et ne pas mordre pour un média subventionné se résume à des articles malhonnêtes avec des partis pris flagrants non avoués, en oubliant que son rôle est d informer sans concession le lecteur.

  • Pourquoi ne peut on savoir facilement quels sont les médias subventionnés et quelles sont les subventions dont ils bénéficient ? La transparence en la matière (et pas que) est bien obscure .… c’est pourtant un pognon de dingue qui est dilapidé même si les économistes diront que c est si peu par rapport à la dette. Pour moi il n’y a pas de petites économies et par exemple dans le budget d’un ménage responsable c’est d’abord les petites économies qui s’imposent pour sauver les postes plus lourds mais plus indispensables.

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