Notre Manifeste pour engager la « transition démocratique »

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Par Jacques Trentesaux et Adrien Disson

A l’aube des élections municipales 2020, la rédaction de Mediacités part en campagne. Non pour briguer une place quelconque, mais pour provoquer un débat de fond sur l’état de notre démocratie locale et les moyens de la renforcer. De la réenchanter, pourrait-on dire, tant les signes de faiblesse se multiplient.

« Généraliser l’élection directe des élus intercommunaux » ; « révéler le nom des soutiens financiers des candidats » ; « intensifier les droits des conseillers municipaux de la majorité comme de l’opposition » ; « établir un registre des lobbys à l’échelle locale »… Voici quelques‐unes des 25 mesures concrètes et argumentées qui composent le « Manifeste pour une démocratie locale réelle » que Mediacités publie ce mardi 5 novembre 2019. Des propositions, illustrées de bonnes pratiques, de preuves par l’absurde ou d’exemples internationaux, qui n’ont qu’une ambition : donner un nouveau souffle à notre démocratie locale.

Bizarrement, les lois de moralisation et de transparence de la vie publique qui se sont succédé en France ces dernières années portent uniquement sur le niveau national. Le local, lui, demeure le grand absent des réformes. On impose un registre des lobbys nationaux ? Rien au niveau local. La présidence de la commission des finances de l’Assemblée nationale revient de droit à un élu de l’opposition ? Pourquoi n’en serait‐il pas de même dans les conseils municipaux ? Etc, etc.

La démocratie se construit par le bas. A partir du terrain. Elle suppose l’existence de contre‐pouvoirs locaux à la mesure du poids grandissant des collectivités locales. Et pourtant, rien ne bouge. Ou si peu…  Il arrive certes, ici ou là, qu’une poignée de maires éclairés ravalent la façade de la démocratie représentative en la coloriant d’un peu de participatif ; il est vrai que de plus en plus de candidats annoncent qu’ils associeront davantage les citoyens aux décisions. Mais au‐delà des promesses qui n’engagent, on le sait, que ceux qui les croient, Mediacités veut démontrer par ce Manifeste l’ampleur des progrès qui restent à accomplir pour passer d’une démocratie formelle, qui endort, à une démocratie locale réelle, vivante.

Mais au fait ? Est‐ce à un média d’investigation locale de s’engager dans une telle démarche ? Nous sommes persuadés que oui. Que l’avenir appartient à une presse plus engagée – et non partisane –, qui provoque la réflexion, met en mouvement autant qu’elle bouscule les puissants comme nous le faisons depuis bientôt trois ans. Nous sommes convaincus que seule la pression permanente de contre‐pouvoirs – qu’il s’agisse de journaux, d’acteurs associatifs ou de collectifs citoyens – est à même de nourrir la démocratie locale. De la démocratiser, en somme.

Au fur et à mesure de nos enquêtes, les journalistes de Mediacités ont été confrontés à la faible culture démocratique de trop nombreux élus locaux ; à une concentration excessive des pouvoirs sur la seule personne du maire ou du président de l’intercommunalité ; à des assemblées locales qui ressemblent à des chambres d’enregistrement soporifiques ; à une démocratie que le public considère – à tort ou à raison – confisquée par les élus.

Ceux qui suivent l’aventure Mediacités depuis ses débuts ne seront donc pas surpris de cette initiative. Mediacités a toujours assumé défendre des valeurs de transparence, de responsabilité aussi. Dans notre Manifeste fondateur, nous affirmions notre volonté de voir la presse « jouer un rôle de contre‐pouvoir », d’aider les lecteurs « à participer activement et librement à la vie de leur cité ». Nous annoncions que Mediacités serait « engagé mais non partisan ».

Notre nouveau Manifeste n’a pas pour but de donner des leçons. Il n’accuse pas tant le personnel politique en place qu’il insiste sur la nécessité de revisiter profondément le fonctionnement de nos collectivités locales afin de redonner le goût de la démocratie à nos concitoyens. Il constitue la synthèse d’observations de terrain mais aussi de réflexions d’intellectuels interrogés dans nos colonnes (Soigner la démocratie, Penser les municipales) et de propositions historiques portées par divers experts de la chose publique (dont l’Adels, Anticor, AELO, Démocratie Ouverte, Démocratiser radicalement la démocratie, SJF, etc.).

Nous ne sommes ni maires, ni présidents de métropoles, ni députés ou ministres. Nous restons journalistes et souhaitons simplement favoriser l’émergence d’un débat d’intérêt public sur un sujet qui nous tient à cœur. Notre « Manifeste pour une démocratie locale réelle » n’a pas la prétention d’épuiser le sujet ni de susciter l’unanimité. À vous de vous en saisir, d’apposer éventuellement votre signature, de le commenter, le critiquer, l’illustrer par des témoignages. Et aussi de le faire connaître autour de vous. Notre démocratie le vaut bien.

 

  • Des propositions pertinentes dans ce manifeste. A l’heure où le pluralisme de la PQR s’apprête à succomber en Limousin avec la probable disparition du titre l’Écho ce mercredi 6 novembre 2019. Un des derniers journaux d’opinion de gauche qui apportait un autre point de vue à l’actualité locale. Au 108 titres de presse disparus en 10 ans s’ajoutera celui‐ci ? Le juge rendra sa décision ce mercredi 6 novembre 2019 à 17h55 au tribunal de commerce de Limoges.

  • D’accord avec 80% des propositions.
    Par contre, en tant qu’habitant d’une petite commune, je pense qu”,il y en a quelques unes qui ne sont pas applicables, pour ne pas dire nuisibles dans les petites communes.

  • Bonjour,
    merci pour votre manifeste, aux propositions intéressantes.
    Une idée supplémentaire pour les chapitres II ou III.
    Renforcer le rôle des Conseils de quartier :
    – en créant les procédures d’élaboration d’observation, d’analyse et de formulation de propositions dans une relation construite avec les élus.
    – en leur permettant de siéger durant un laps de temps lors du conseil municipal et du conseil d’arrondissement. (sur le modèle du conseil territorial du 1er arrondissement de Lyon), mais avec en plus, un suivi des réponses apportées pour savoir si le CDQ estime qu’il a réellement obtenu de la part des élus une réponse à sa question et une ouverture à la concertation).
    Christine Bolze

  • Ce Manifeste est vraiment intéressant et nombre des propositions très pertinentes.
    Je retrouve dans ce document des propositions que je défends depuis longtemps [ notamment au sein du Réseau Démocratiser radicalement la démocratie /1995] Par exemple la nécessité de‐sacraliser la fonction de maire en lui retirant la présidence du conseil municipal [ c’est d’ailleurs le cas dans la quasi totalité des pays européens], et en instituant un exécutif beaucoup plus collégial.
    Ou encore l’élection au suffrage universel direct les assemblées intercommunales.
    Mais je ne l’ai pas signé car il y a des manques criants comme la nécessite de donner les moyens à l’opinion publique locale de s’autonomiser par rapport au pouvoir local [ cf Tarso Genro dans « Quand les habitants gèrent vraiment leur ville »]. Et surtout parce que dans sa deuxième parti le Manifeste adopte un ton trop suspicieux par rapport aux élus. Il faut rappeler que les centaines de milliers d’élus locaux ne perçoivent pas d’indemnités pour leur action au service de l’intérêt général, ou dans le cas des maires très faibles. Et que ceux ‑ci sont incroyablement dévoués.
    Et puis nombre de ces mesures proposées par Mediacites nécessitent des dispositions législatives, réglementaires voire constitutionnelles, ce Manifeste vient donc trop tard. Mais je souhaite qu’il contribue à un débat indispensable pour revivifier la démocratie

  • Excellente initiative de journalisme engagé ! Elue à la métropole de Lyon, il nous semble urgent et impératif d’instituer à la métropole de Lyon une commission permanente composée de tous les groupes politiques et non du seul exécutif. Cette confusion du délibératif et de l’exécutif participe du déni de démocratie. De même le cabinet, chambre noire du pouvoir exécutif, doit rendre des comptes aux élu.e.s de leurs orientations et décisions. Enfin, le CHSCT ne doit comprendre que des élu.e.s qui y participent et cessent de bloquer des sièges vacants. La commission de suivi et d’évaluation des politiques publiques de la métropole doit être réhabilitée après avoir siégé quelques mois seulement.

  • J’aurais de nombreuses propositions à formuler sur la plan de la démocratie comme, par exemple, la pierre angulaire que constitue la commission des marchés publics où devraient siéger des usagers, associations (pourquoi pas tirés au sort) pour co‐élaborer les cahiers des charges.

  • Très bien, mais c’est à ajuster en fonction des tailles de communes.
    Et je n’ai rien vu concernant les enquêtes publiques dont 97% sont favorables à l’autorité responsable du projet soumis à enquête. De quoi inspirer certains autocrates africains qui n’atteigne pas forcément ce score.
    Alors qu’aujourd’hui la commission d’enquête est nommée par le président du tribunal administratif, Il faudrait que la commission d’enquête fasse elle‐même l’objet d’une validation par une commission citoyenne qui devra examiner le dossier des futurs commissaires enquêteurs de façon à s’assurer qu’ils ne sont pas systématiquement favorables aux lobbies de la construction ou des labos pharmaceutiques ou … Et plus généralement qu’ils ont les compétences pour comprendre un projet et en dégager un avis solidement motivé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : quand on ne comprend qu’à demi mot mieu vaut se ranger du côté du plus fort (et de celui qui paie).

  • Dans toutes vos propositions, combien sont effectives ? Aucune ! J’habite un petit village de 1060 habitants le maire et son équipe ont pris tous les pouvoirs puisque aucune opposition dans ce conseil, église fermée, complexe sportif fermé, seul les assos ont le droit de s’en servir. Pour les municipales de 2020, il y n’y aura q’une seule liste constituée de 80 % de l’ancienne et bien sur sans contre pouvoir et vote à liste entière !. Je crois que seule la France offre ce type de mécanisme politicard ou la démocratie est complétement absente lors des municipales. J’aimerais aussi savoir combien de nos petits maires ont une fois dans vie ouvert et lu notre constitution ?

  • Je m’associe tardivement à ce manifeste évoqué par Rémi Lefebvre dans une interview dans Médiapart s’inquiétant que les élections municipales ne soient qu’un « trompe‑l’œil démocratique » .
    Je pense qu’il serait opportun de compléter ces propositions d’un volet spécifiquement dédié aux échelons supra‐communaux (EPCI et syndicats inter‐EPCI) au sein desquels le débat politique est souvent totalement interdit et où les décisions (projet et utilisation de l’argent) échappent à tout contrôle citoyen

  • indispensable dans le contexte politique actuel ; les citoyens doivent exiger de leurs futurs élus exemplarité, transparence, honnêteté, respect de la société civile et des citoyens. Nous ne voulons plus entendre dire « c’est nous les émus ». Dans ma commune, Feyzin, je constate une opacité totale sur la mise à disposition des salles et moyens municipaux aux associations, aux participations au Forum des associations, à l’attribution des subventions. Mutisme et arrogance sont les seules réponses obtenues.

  • Un point est oublié pour les communes de taille moyenne :
    ‑Réunir une liste citoyenne de candidats sans support d’un parti ( 35 pour 10.000 habitants) avec parité homme‐femme alors qu’au maxi une liste aura même pas 5 élus = TACHE TITANESQUE avec une possibilité de budget en général inférieur à 1000€… Résultat les citoyens se retrouvent avec au maxi 2 listes dont celle du maire sortant et une opposition minoritaire & politicienne donc ne proposant RIEN.

    Une solution aussi est oubliée création d’une association citoyenne qui réunisse les citoyen(e)s une fois tous les 2 mois débattant, proposant et interpellant le conseil municipal.
    Enfin les référendums doivent être obligatoirement à propositions multiples évitant le détournement de l’objectif du dit référendum.

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