Municipales 2020 : à quand le déconfinement des médias ?

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Capture d'écran du site France 3 Paris-Ile-de-France

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Par Hugo Soutra

L’épidémie de Covid-19 a broyé le premier tour des élections municipales. Gare à ce que la concentration de la presse nationale à Paris ne brouille pas le second tour ! Seule la multiplication d'enquêtes journalistiques portant sur des enjeux locaux permettrait de raviver des campagnes atones et éviter un nouveau record d'abstention.

Finalement, le président de la République n’a pas démissionné. Pas plus que le Premier ministre n’envisage de lui‐même un retour précipité au Havre, le 28 juin au soir. A défaut d’intéresser réellement la majorité de nos concitoyens, ces deux rumeurs ont passionné une minorité de « journalistes politiques » parisiens ces dernières semaines. Vous ne trouverez nulle trace de ces « confidentiels » sur Mediacités, ni des spéculations autour des remaniements ministériels à venir. Dans un pays largement centralisé, malade de son jacobinisme diraient certains, nous préférons arpenter le terrain dans la perspective des élections municipales et métropolitaines. Un choix à contre‐courant de nos confrères et consœurs, semblerait‐il…

Éclipsées derrière la réforme des retraites en février puis la propagation du coronavirus en mars, les campagnes du premier tour avaient été peu suivies par les grands journaux, chaînes de télévision et autres radios. L’hypercentralisation du paysage médiatique menace aujourd’hui de troubler un second tour qui concerne tout de même 35% de l’électorat français. Seule la campagne du petit‐Paris trouve grâce en effet aux yeux de France info, RTL ou LCI. Il faut dire que, mis à part les réseaux publics France Bleu et France 3, la totalité des médias dits nationaux – vous avez dit parisiens ? – sont installés dans la capitale. D’après un décompte de Libération, plus de la moitié des journalistes ont fini par s’y recroqueviller, au fur et à mesure que l’Etat central déléguait des pouvoirs aux « territoires »… Allez comprendre !                   

3% des électeurs, 100% des projecteurs

Comment les journalistes confinés dans les limbes du périphérique parisien parviendront‐ils à tirer des enseignements nationaux des recompositions inattendues du jeu politique en passe d’advenir au niveau local ? Difficile de cerner, à distance, ce qui se joue à Strasbourg ou Montpellier et, surtout, en quoi ces “mid‐terms” préfigurent ou non le graal policito‐médiatique : l’élection présidentielle de 2022… Si l’« ancien monde » a fait plus que résister au premier tour – au détriment de LREM mais aussi du Rassemblement National –, la sur‐prime au sortant n’a pas franchement bénéficié, pour l’heure, à la socialiste Martine Aubry ni au toulousain Jean‐Luc Moudenc (LR). Inversement, l’écologie politique a beau avoir percé à Lyon ou Bordeaux, elle se révèle bien plus en peine à Nantes

Entendons‐nous bien : il est logique et souhaitable que la presse nationale couvre intensément la stratégique « bataille de Paris », quand bien même n’y vote qu’un peu moins de 3% du corps électoral. Le traitement journalistique aussi rudimentaire que superficiel dont cette élection capitale fait l’objet nous questionne davantage. Entre deux « petites phrases » lâchées par les porte‐flingues des trois candidates en lice se succèdent de délictueuses passes d’armes relatives à la « tranquillité publique » et à la plantation d’arbres (sic !), ainsi qu’un flot de dépêches « exclusives » rapportant les derniers sondages locaux (biaisés) ou évoquant leurs dernières promesses sur la propreté, la personnalité voire le style vestimentaire de la future maire… On vous épargne le reste.

Les journalistes ne seraient‐ils pas plus utiles à contextualiser la vague d’arrêtés municipaux du printemps et décortiquer les coups de communication des maires sortants à Nice, Bordeaux ou Nantes ? À enquêter sur les nombreux dysfonctionnements urbains ou mettre en débat n’importe quelle autre préoccupation ordinaire de nos concitoyens ? Ne devraient‐ils pas questionner, également, les marges d’actions des différents candidats promettant d’y remédier ? Et ne pourraient‐ils pas, sait‐on jamais, documenter des alternatives expérimentées au‐delà de Paris, ou bien encore veiller, demain, à ce que les nouveaux élus rendent régulièrement des comptes à leurs électeurs ? La démocratie locale mérite d’être scrutée avec attention : elle a besoin du regard acéré de journalistes vigilants, libres et indépendants, partout dans le pays.           

L’information locale, une matière profondément politique

En public, la plupart des candidats aux municipales se disent par exemple enclins à « déconfiner la démocratie » au plus vite. Dans la pratique, nombre d’entre eux rechignent à mener campagne, et ce alors que cette première élection post‐Covid menace de battre un nouveau record d’abstention… Rien de pire, pourtant, qu’un scrutin sans débat ni confrontation d’idées ! L’intérêt pour la vie publique locale se fabrique. Sans efforts de nos édiles – qui s’accommodent aisément du caractère soporifique de leurs conseils municipaux et communautaires en temps normal – comme de leurs challengers, les citoyens normalement constitués finissent par se détourner des affaires locales. 

Les maires ne sont ni de simples concierges chargés de la réfection des nids‐de‐poules, ni de gentils administrateurs de l’intérêt général. Contrôlant directement plusieurs milliers d’agents et milliards d’argent public, les élus qui présideront aux destinées du Beffroi de Lille ou de la métropole du Grand Lyon disposent de davantage de marges de manœuvres que nombre de ministres. Les collectivités ne sont pas, non plus, des prestataires de l’État gérant de vulgaires services techniques : elles ne se contentent plus d’organiser les tournées des camions‐poubelles, mais s’occupent également de l’offre de logements sociaux ou s’activent pour relocaliser l’économie depuis les dernières lois de décentralisation. Bref, il s’agit de véritables lieux de pouvoirs ! Les politiques locales, qui ont des répercussions très concrètes sur nos façons de vivre, de nous loger, nous chauffer, nous déplacer ou de travailler, appellent des choix politiques profonds.

L’enquête au coin de la rue, une ressource indispensable

Bien sûr, l’hyper-concentration de la presse nationale à Paris n’a rien de nouveau. Mais l’ancienneté de ce phénomène ne justifie pas de passer par pertes et profits le second tour des municipales, ni le « troisième tour » métropolitain prévu courant juillet. Les causes de la progression continue de l’abstention aux scrutins municipaux depuis trente ans sont profondément politiques. N’y ajoutons pas une responsabilité médiatique, comme le pointe fort opportunément le sociologue David Guéranger.

Le droit à l’information est un préalable nécessaire afin de permettre aux habitants de se forger leurs propres opinions et de choisir librement leurs représentants pour les six années à venir. Ce travail journalistique ne peut échoir uniquement à France Télévisions, Radio France ou à la presse régionale – en proie à de graves difficultés, se traduisant par une dangereuse concentration voire parfois une certaine porosité avec les pouvoirs politiques comme économiques. Les médias, nationaux comme locaux, doivent donner le temps et les moyens financiers à leurs journalistes pour réaliser des enquêtes approfondies, critiques et honnêtes, à chaque recoin de nos rues.

Une brèche dans le parisianisme ambiant

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