A la suite de nos révélations sur le dépôt d’une plainte de l’association anticorruption Anticor pour « détournement de fonds publics » et « prise illégale d’intérêts », le maire de Rueil-Malmaison a publié un communiqué au vitriol et annoncé une batterie de plaintes. Faut-il s’en inquiéter ?
Le communiqué de presse n’a pas tardé. Jeudi 15 avril, jour même de la parution du premier volet de notre enquête, le maire de Rueil‐Malmaison (Hauts‐de‐Seine) Patrick Ollier publiait sur sa page Facebook et celle de sa commune un texte au titre cinglant : « Je ne laisserai pas une officine de justiciers aux arrières‐pensées politiques se substituer à la justice et salir ma probité ». Et l’ancien ministre et actuel président du Grand‐Paris d’assurer à l’AFP avoir demandé à son avocat, Me Pierre‐Rémy Drai, de porter plainte « dès lundi » [19 avril, ndlr] contre l’association anti‐corruption Anticor pour « dénonciation calomnieuse » et contre Mediacités pour « diffamation ».
Dix jours plus tard, nous n’avons toujours rien reçu. Et cela risque de durer… Car à 77 ans, Patrick Ollier est un vieux renard de la politique. La stratégie est éprouvée : la meilleure défense est l’attaque. Rapide, de préférence. Une fois le soufflet médiatique retombé, il sera urgent… de ne rien faire. Mais dans l’immédiat, le contre‐feu est parfait. Anticor dépose plainte le 23 mars pour « détournement de fonds publics » et « prise illégale d’intérêts » « faux et usage de faux » ? Aussitôt le principal protagoniste concerné annonce dégainer des plaintes. Dans l’opinion publique, le match est nul : 1 partout, la balle au centre. Et on passe à autre chose.
#PatrickOllier déclare à l’#AFP qu’il porte plainte pour dénonciation contre @anticor_org & pour diffamation contre @Mediacites
C’est ce que le président du #GrandParis et maire de #RueilMalmaison avait déjà dit y a des années. On attend encore sa plaintehttps://t.co/22wu0YggPz— Christophe Grébert (@grebert) April 15, 2021
Dans cette guerre médiatique, Patrick Ollier assène ses vérités avec force. Il écrit qu’« Etienne Merle, auteur de l’article de Mediacités, fait déjà l’objet d’une plainte en diffamation de ma part, d’un de mes adjoints et d’un fonctionnaire de la ville, avec constitution de partie civile, pour un article diffamatoire paru à notre encontre début 2021 ». L’article en question révélait l’embarrassant lobbying de deux proches de Patrick Ollier en faveur d’une société de sécurité privé. Publié en janvier 2021, il n’a apparemment donné lieu à aucune suite judiciaire. Contacté, le service juridique d’Actu.fr, le site de presse concerné, nous a indiqué n’avoir reçu aucun courrier en ce sens à ce jour et n’être au courant de rien.
Remontons le temps. En octobre 2017, nos confrères de Mediapart évoquent ces « affaires immobilières qui menacent le président du Grand Paris ». Les faits sont jugés suffisamment sérieux par Anticor qui envoie un signalement au Procureur de la République de Nanterre. Quatre ans plus tard, c’est en partie cette même affaire qui donne lieu au dépôt de plainte avec constitution de partie civile du 23 mars par l’association anticorruption, la justice n’ayant pas bougé dans l’intervalle. Patrick Ollier réagit alors exactement de la même façon. Dans un communiqué de presse du 28 novembre 2017, que nous reproduisons ci‐dessous, il soutient avoir « déposé trois plaintes » : une première pour « outrage public », une deuxième pour « diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public électif » ; enfin, le maire s’attaque directement à Anticor avec une plainte pour – déjà ! – « dénonciation calomnieuse ».
CP – ville de Rueil 2017Trois ans et demi plus tard, Anticor n’a toujours rien reçu. La responsable juridique de l’association de lutte contre la corruption va même plus loin. « Patrick Ollier a sans doute publié son communiqué [du 15 avril 2021, ndlr] sans avoir pris soin d’en parler à son avocat, indique‐t‐elle. Sinon, il aurait su que sa plainte à notre encontre pour dénonciation calomnieuse n’avait aucune chance d’aboutir. » L’article 226–10 du Code pénal indique en effet qu’une dénonciation calomnieuse découle de la divulgation d’un fait qu’on sait pertinemment faux en raison d’une décision de justice préalable ou qu’on sait ne pas être imputable à la personne dénoncée. En somme, tout l’inverse d’un dépôt de plainte auprès d’un procureur…
Il y a ainsi peu à craindre des rodomontades de l’ancien ministre et président du Grand‐Paris. Sauf à considérer que le public est quand‐même un peu dupe de ce subterfuge médiatique.
Droit de réponse de Patrick Ollier
Publié le 24 juillet 2021
« Homme politique depuis 50 ans, j’ai l’habitude de dire ce que je fais et de faire ce que je dis.
C’est d’ailleurs pour ces raisons que les citoyens de RUEIL MALMAISON me font confiance depuis 2004.
ANTICOR a décidé de déposer une plainte contre moi. C’est son droit le plus absolu.
Estimant n’avoir rien à me reprocher, estimant qu’ANTICOR ne faisait que réitérer une plainte déjà déposée sans succès en 2017, j’ai mandaté mon avocat, Maître Rémi‐Pierre DRAI, pour déposer une plainte pour dénonciation calomnieuse.
Contrairement à ce qu’affirme cet article, il n’y aucun subterfuge médiatique, cette plainte est bien entre les mains de Madame la Procureur de la République du Tribunal judiciaire de Nanterre et elle sera instruite lorsque la plainte déposée contre moi par ANTICOR sera classée sans suite, ce dont je ne doute pas.
S’agissant de MEDIACITES, il n’y a aucune rodomontade de ma part.
Oui, une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique a été déposée contre le directeur de la publication de MEDIACITES, contre le journaliste auteur de l’article incriminé, Monsieur Etienne MERLE, et vous pourrez annoncer dans un prochain article votre propre mise en examen.
De même, une plainte a été déposée en janvier 2021 contre Monsieur MERLE pour diffamation publique, cette fois‐ci en qualité de pigiste pour ACTU.FR.
Il pourra lui aussi annoncer sa seconde mise en examen.
Durant toute ma carrière, je n’ai jamais été condamné ni inquiété par la justice. Je ne suis ni au‐dessus, ni au‐dessous des lois, il en est de même pour les journalistes et les directeurs de la publication. »
Petite erreur dans l’article : Patrick Ollier a 77 ans
Merci pour votre vigilance.
Merci pour votre vigilance… mais sauf (nouvelle) erreur, il n’a encore que 76 ans ! Et 77 en décembre prochain 😉