Mediacités publie son rapport d’impact pour l’année 2021

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Que se passe-t-il lorsque nos révélations, nos décryptages ou nos indiscrétions font irruption dans la sphère publique ? / Photo : Angela Buttafoco (Unsplash)

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Par Pierre Leibovici

Près de 900 articles publiés en 2021, et après ? La rédaction de Mediacités a analysé, cette année encore, l’impact de ses enquêtes à Lille, Lyon, Nantes et Toulouse. Petite nouveauté : nos abonnés nous ont aidés dans cet exercice d’introspection salutaire.

Un élu commet une action illégale ? Un média d’investigation révèle bientôt ses méfaits ; des associations s’emparent de l’enquête ; les citoyens réclament des comptes. L’élu en question est sanctionné aux élections suivantes. Ses remplaçants se garderont bien d’agir de même… Tel est le cheminement fantasmé pour chaque enquête publiée par Mediacités.

Cet idéal habite plus ou moins consciemment l’esprit de nos journalistes lorsqu’ils mettent au jour des informations confidentielles. « L’idée selon laquelle “le journalisme est essentiel pour la démocratie parce qu’il exerce un contre‐pouvoir” […] est mobilisée par les journalistes lorsqu’ils pensent à leur travail et qu’ils cherchent à le justifier », analysent les chercheurs américains Magda Konieczna et Lucas Graves, dans un article paru l’an dernier dans la revue Journalism Studies. Mediacités ne fait pas exception : au moment de notre création, en 2016, comme dans notre Manifeste pour une démocratie locale réelle, publié en 2020, nous criions haut et fort que « la presse doit jouer un rôle de contre‐pouvoir au niveau local ».

Mais que se passe‐t‐il vraiment lorsque nos révélations, nos décryptages ou nos indiscrétions font irruption dans la sphère publique ? Pour la deuxième année consécutive, nous publions un rapport d’impact pour tenter de mesurer les conséquences de nos enquêtes. Bien sûr, celui‐ci n’est pas exhaustif : sur les 874 articles publiés sur Mediacités en 2021, nous avons sélectionné les plus emblématiques dans chacune de nos villes. Cinq ans après notre lancement, ils montrent une nouvelle fois combien l’investigation est aussi indispensable à mener dans les recoins des ministères qu’au coin de nos rues.

L’impact invisible

Nouveauté de cette année : nous avons sondé nos abonnés pour connaître leur ressenti à la lecture des enquêtes de Mediacités. Alors que la crise de confiance dans les médias s’est installée dans toutes les couches de la société — et particulièrement chez les citoyens qui ne prennent pas le temps de vérifier les informations qu’ils partagent sur les réseaux sociaux —, nos articles alimentent‐ils la défiance vis‐à‐vis des politiques, des pouvoirs économiques ou même des médias ? La réponse est… « oui » pour une majorité des abonnés qui ont participé à notre sondage (408 répondants), en janvier 2022.

62 % des abonnés de Mediacités disent éprouver de la défiance à la lecture de nos articles

Ce résultat a suscité des discussions au sein de la rédaction. Doit‐on restreindre nos révélations sur les abus des pouvoirs politiques ou économiques ? Assurément, non ! L’enquête est la marque de fabrique de Mediacités, notre singularité par rapport à des médias locaux pris entre des contraintes de vitesse et de dépendance à la publicité et notre devoir de journaliste. Vous en reconnaissez d’ailleurs très majoritairement l’importance. « Je suis heureuse que vous puissiez continuer à exister et j’apprécie vos enquêtes très sérieuses et fouillées », nous encourage par exemple Michelle, une abonnée de Toulouse.

Ceci posé, l’équipe de Mediacités est aussi convaincue de l’utilité de compléter les enquêtes que d’aucuns qualifient d’« à charge » par des articles qui analysent des initiatives concrètes pour améliorer une situation locale — ici un groupement de consommateurs à Roubaix pour lutter contre la précarité alimentaire ; là des collectifs d’habitants à Vaulx‐en‐Velin qui distillent de l’eau de rose pour se réapproprier la nature et casser l’image du béton. Plusieurs d’entre vous nous incitent à renforcer ce traitement constructif pour les mois à venir. « Ce qu’il faudrait, c’est que Mediacités ne soit pas seulement dans la dénonciation. Qu’il donne des pistes pour avancer en cas de problèmes dénoncés », nous écrit Alain, de Nantes. « Un équilibrage avec des engagements d’hommes et de femmes pour un avenir meilleur permettrait de rééquilibrer la vision de notre société dans Mediacités », complètent Stéphanie et Emmanuel, deux abonnés nantais. La cause est entendue !

Juste après la « défiance », deux autres sentiments émergent dans le questionnaire envoyé à nos lecteurs et lectrices : « L’espoir que les choses changent » (55 %) et « le sentiment d’appartenance à un territoire » (55 % également). « Vous traitez des sujets qui sont proches de mon quotidien, loin des généralités que l’on trouve dans les médias nationaux », détaille Jeanne, une abonnée lilloise. Des sujets proches de vos préoccupations au point de vouloir passer à l’action ?

Quand l’investigation pousse à l’action

C’est peut‐être l’impact le plus banal, mais aussi le plus concret de notre travail : plus des trois quarts de nos abonnés (76,1 %) disent avoir déjà « évoqué nos articles avec [leurs] proches ». Mieux : 13 % d’entre vous confient avoir déjà « utilisé le contenu d’un article pour [votre] travail ».

24,2 % des abonnés de Mediacités ont déjà utilisé utilisé le contenu d’un article pour une action militante (associative, politique)

Ce n’est pas tout : près d’un quart des répondants (24,2 %) indiquent que nos articles leur ont été utiles pour une action de mobilisation. À l’image de Catherine, une abonnée de l’agglomération nantaise : « Vos articles me permettent souvent de rédiger mes interventions au conseil municipal de ma ville ». Un phénomène qui confirme que nos publications contribuent à animer le débat public local.

Notre questionnaire aborde enfin vos recommandations pour améliorer nos articles et notre relation avec vous. Plusieurs abonnés regrettent les difficultés rencontrées pour contacter les journalistes de la rédaction. Nous en avons conscience et travaillons sur une nouvelle page de contact, qui devrait être mise en ligne au printemps.

Et puis il y a ces messages contradictoires, qui reflètent la diversité des attentes de nos abonnés : certains, comme Christian à Nantes, nous préconisent de « garder nos distances avec Mediapart », quand Dominique, à Lyon, nous demande de « faire en sorte d’être au plan local l’équivalent de Mediapart ». À celles et ceux qui réclament des articles « plus longs et documentés » (Coline, à Lille) répondent les suggestions de « découper vos enquêtes autrement, car souvent, je m’en vais avant la fin » (Dominique, Nantes).

S’il n’est pas toujours simple d’en sortir une ligne directrice, l’abondance de vos messages nous rappelle combien il est toujours utile de s’appuyer sur vous pour, sans cesse, réinterroger notre pratique du journalisme. Et pour laisser la meilleure empreinte possible dans nos villes.

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