Justice : Mediacités gagne en appel face à l’ancien ministre Patrick Ollier

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Le maire de Rueil-Malmaison Patrick Ollier. Photo : Patrick Ollier, maire de Rueil-Malmaison et président du Grand Paris. Photo : FlickR-JP.

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Par Nicolas Barriquand

Le président de la métropole du Grand Paris poursuivait notre journal pour nos révélations sur le dépôt d’une plainte pour « détournement de fonds publics » et « prise illégale d’intérêts » qui le visait indirectement, en tant que maire de Rueil-Malmaison.

Le temps de la justice n’est pas celui de l’information… Trois ans et huit mois après la publication sur Mediacités d’une enquête le concernant, le maire de Rueil‐Malmaison (Hauts‐de‐Seine) et ancien ministre Patrick Ollier vient de perdre, en appel, la procédure qu’il avait intentée contre notre journal pour diffamation. Dans un arrêt rendu le 11 décembre dernier, la cour d’appel de Versailles relaxe Jacques Trentesaux, directeur de la publication de Mediacités au moment de la parution, qui était poursuivi par le premier édile et son adjoint François Le Clec’h.

L’article contesté révélait l’existence d’une plainte de l’association de lutte contre la corruption Anticor pour « détournement de fonds publics », « prise illégale d’intérêts » et « faux et usage de faux » à la suite d’opérations immobilières. Il évoquait aussi l’existence de liens d’affaires entre Sébastien Ollier (fils de), Alain Luca, le directeur général des services (DGS) de la Ville, et Patrick Quinteiro, un promoteur très présent dans cette commune huppée de l’Ouest parisien de 78 000 habitants.

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Saveur particulière

Ce n’est pas la première fois que Mediacités remporte une victoire devant la justice – comme vous le savez, notre journal doit (trop) souvent défendre ses révélations à la barre des tribunaux, notamment lors de regrettables procès‐bâillons [retrouvez l’ensemble de nos démêlés judiciaires sur cette page spéciale]. Mais la décision de la cour d’appel dans l’affaire qui nous opposait à Patrick Ollier a une saveur toute particulière.

Tout d’abord, parce qu’elle infirme un jugement rendu en première instance, le 3 octobre 2023, par le tribunal correctionnel de Nanterre. Celui‐ci avait condamné Jacques Trentesaux – une première ! – à une peine de 500 euros avec sursis après avoir estimé que nous ne disposions pas d’une base factuelle suffisante pour établir une corrélation entre les terrains acquis avantageusement par les proches de Patrick Ollier et la vente d’un bâtiment communal à Patrick Quinteiro.

Pour nous, cette décision était difficilement acceptable dans la mesure où nous n’avions pas cherché à établir une corrélation. Nous nous contentions d’énoncer des faits précis à l’origine de la plainte d’Anticor. Nous avions alors aussitôt interjeté appel.

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La relaxe de Mediacités en appel est par ailleurs à saluer sur le fond. La cour d’appel de Versailles a conclu à « l’absence de fait diffamatoire ». « L’existence d’un dépôt de plainte par une association notoirement connue [Anticor] et visant un responsable politique constitue un fait informationnel qu’un média est libre de faire connaître au public et qui ne saurait dégénérer en diffamation tant que les accusations ne sont pas reprises à son compte par le journaliste », détaillent les juges dans leur arrêt.

Autrement dit, notre journal n’a pas gagné sur « la bonne foi » comme c’est souvent le cas dans les procès en diffamation (« la bonne foi » reconnaît le sérieux de l’enquête et l’absence d’intention de nuire), mais parce que la justice a considéré que notre article ne comportait pas d’allégations diffamatoires. Une décision de bon augure, alors que le 7 janvier prochain aura lieu le procès en première instance que nous intente Alain Luca, l’ex-DGS de Rueil‐Malmaison pour le même article et une autre publication.

Sentiment de gâchis

Si l’issue en appel de la procédure Ollier nous conforte dans notre mission de délivrer une information rigoureuse, elle provoque aussi un sentiment de gâchis. Gâchis de temps, gâchis d’énergie, gâchis d’argent. De dépôts de preuves en relectures de conclusions ou en audiences, cette affaire se sera étirée, donc, sur trois ans et huit mois. Elle nous aura fait perdre de précieuses heures ou demi‐journées passées à préparer notre défense et non à enquêter.

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Le maire de Rueil‐Malmaison Patrick Ollier. Photo : FlickR‐JP.

Nous empêcher de faire notre boulot : sans contester le droit à quiconque de défendre ses droits en justice s’il les estime bafoués, c’est aussi ce que recherchent nombre de plaignants qui traînent Mediacités en justice. Pour eux, la prise de risque est toute limitée : en matière de droit de la presse, les condamnations pour procédure abusive qui permettent l’obtention de dommages et intérêts sont rarissimes.

« On a gagné le combat contre la médisance et la malhonnêteté intellectuelle », s’était vanté Patrick Ollier, l’an dernier en conseil municipal, suite à la condamnation de Mediacités en première instance. L’arrêt de la cour d’appel de Versailles est venu lui rappeler que la prudence doit rester de mise tant qu’une procédure n’est pas terminée.

Pour notre part, nous nous garderons de tout triomphalisme. Depuis la création du journal, nous avons dû ou devons faire face à 21 procès. Plutôt qu’être relaxés en appel, nous aurions tout simplement préféré faire l’économie des poursuites du maire de Rueil‐Malmaison.

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