« Carlton de Lille » : David Roquet vide son sac

L’ancien cadre d’Eiffage ne s’était jamais exprimé depuis sa condamnation dans l’affaire du « Carlton de Lille ». Mais depuis que son nom est réapparu dans une récente histoire de buttes en terre et de cadeaux à certains élus de la Métropole lilloise, il refuse de porter le chapeau seul. Et lève le voile sur les étranges pratiques du groupe de BTP…

David Roquet
Dans l'affaire dite du "Carlton de Lille", David Roquet a été condamné en juin 2015 à six mois de prison avec sursis et au remboursement de plus de 43 000 euros à son ancien employeur, Matériaux Enrobés du Nord, une filiale d'Eiffage. ©YOAN VALAT/EPA/MAXPPP

On en était presque à l’avoir oublié. David Roquet, l’ancien directeur de Matériaux Enrobés du Nord (MEN), filiale du groupe de BTP Eiffage située à Annay‐sous‐Lens (Pas‐de‐Calais), se faisait très discret depuis le scandale du Carlton de Lille en 2011, une sombre affaire de parties fines à laquelle était mêlé Dominique Strauss‐Kahn, l’ancien patron du Fonds Monétaire International (FMI). La justice avait reproché à ce cadre supérieur d’avoir financé pour lui et quelques ami(e)s trois déplacements à Washington, des billets de train mais aussi des notes de restaurant. Jusque‐là, rien d’illégal… En revanche, David Roquet s’était fait rembourser les additions par sa « boîte » ou les avait directement fait passer en comptabilité et régler par Eiffage, semble‐t‐il, sans l’aval de son supérieur hiérarchique.

Jean‐Luc Vergin, le directeur d’Eiffage Nord, son patron de l’époque, avait déclaré devant le juge d’instruction n’avoir jamais été mis au courant de ces petits « extras ». Ce que David Roquet a toujours contesté. Durant l’enquête, la photocopie du passeport de Jean‐Luc Vergin avait pourtant été retrouvée dans l’ordinateur de son subalterne. Etrange, tout de même… En juin 2015, l’ingénieur nordiste avait finalement été condamné par le tribunal correctionnel de Lille à six mois de prison avec sursis et au remboursement des sommes, aux motifs d’escroquerie et d’abus de confiance. A ce jour, David Roquet est toujours sous le coup de devoir rembourser 41 312,87€ hors frais à Eiffage car la société de BTP n’a jamais fait exécuter le jugement et réclamé son dû. Là aussi, voilà qui est pour le moins étrange…

Depuis, cet ingénieur de formation traîne cette affaire et cette surexposition médiatique comme un boulet. D’ailleurs, il confie qu’il ne s’en est jamais remis. « C’est encore difficile à vivre », confirme‐t‐il le visage triste, d’une voix presque fluette. « Mes parents se sont saignés pour que je fasse des études. J’ai toujours œuvré pour mon entreprise et j’ai été un salarié fidèle et obéissant. » Un père instituteur, une mère secrétaire, David Roquet a suivi un cursus d’enfant sage et studieux couronné de succès. « Math sup », « Math spé », ce premier de la classe avait décroché le concours de l’Ecole des Mines de Douai, avant d’opter pour l’Ecole supérieure des arts et métiers. En clair, rien ne prédisposait cet étudiant brillant et cet ingénieur compétent à se retrouver un jour devant un tribunal correctionnel. En 2015, il est donc tombé de haut…

Abandonné par son employeur… et ses frères !
« Là, je suis en face de vous », poursuit‐il d’une voix chevrotante. « Mais à l’intérieur, tout est cassé ! Cette histoire m’a détruit… » Incarcéré en préventive d’octobre 2011 à janvier 2012 à la maison d’arrêt d’Arras, l’ex-directeur de filiale a même envisagé le pire …

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Par Benoit Dequevauviller

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