Les signes de fragilité de notre démocratie se multiplient – particulièrement au niveau local. Pour inverser la tendance, Mediacités et l’Observatoire de l’éthique publique proposent une refonte approfondie de nos règles du jeu démocratique, directement transposables en droit.
« Il faut saisir l’opportunité des élections municipales de 2020 pour donner un nouveau souffle à la démocratie locale. » Cette phrase introduit le « Livre Blanc pour une démocratie locale rénovée » que Mediacités co‐signe avec l’Observatoire de l’éthique publique.
Un think tank dédié à l’éthique publique
L’Observatoire de l’éthique publique, créé en mai 2018, rassemble des acteurs publics et des chercheurs afin de contribuer aux progrès de la transparence et de la déontologie aussi bien dans le champ de la connaissance scientifique que dans le domaine des pratiques politiques. Il est présidé par l’ancien député René Dosière.
De façon originale, un journal en ligne d’investigation locale et un observatoire d’experts ont décidé de mêler observations de terrain et compétences juridiques pour aboutir à un corpus de 28 mesures immédiatement transposables en droit. Car il faut changer les règles du jeu démocratique. Il y a urgence.
Un à un les signaux passent au rouge. L’abstention, qui a longtemps épargné les élections municipales, croît de scrutin local en scrutin local (36,5 % pour les municipales de 2014). Le sentiment de lassitude des maires gagne (51 % indiquaient ne pas être sûr de rempiler un an avant l’échéance). Même leur proximité légendaire envers leurs concitoyens s’étiole. Quand on les interroge sur l’identité de leur maire, les Français ne sont plus que 51 % à pouvoir citer son nom d’après un sondage IFOP de novembre 2017 réalisé pour le 100e congrès des maires par le Courrier des Maires.
Dans les années 80, la proportion était de près de 80 %…
Notre démocratie, qui devrait être notre joyau, ne brille plus. Pis ! Elle suscite la méfiance voire le dédain. De nombreux problèmes s’accumulent pour expliquer cette fatigue démocratique. La complexité de l’action publique, le défaut croissant de représentativité des élus, l’éviction des citoyens de la décision… Il est impossible d’en rester à ce constat et de se résigner aux accusations du « tous‐pourris » qui mine notre démocratie.
Du Manifeste au Livre Blanc
Le Livre Blanc est le prolongement naturel du Manifeste pour une démocratie locale réelle, publié par Mediacités en novembre dernier. Il propose de nouvelles règles du jeu dans quatre domaines :
- Renforcer les règles déontologiques des élus locaux ;
- Dynamiser la démocratie locale par l’implication citoyenne ;
- Réorganiser le fonctionnement des collectivités locales ;
- Accroître la transparence sur la vie locale et son financement.
L’idée n’est pas tant de renforcer les contraintes qui pèsent sur nos 500 000 élus que de fixer un cadre précis pour leur venir en appui. Les manquements au devoir de probité ne concernent que 70 élus locaux par an en France. En revanche, il y a encore trop de zones grises qui font prendre des risques aux élus. Il n’existe ainsi aucun référentiel précis pour le remboursement des frais ou de code de conduite pour les cadeaux reçus dans l’exercice de son mandat ; les règles de prise illégale d’intérêts sont peu claires ; les formations de sensibilisation aux risques de corruption quasi‐inexistantes ; le régime des incompatibilités entre fonction d’élu et certaines professions insuffisant…
Ces dernières années, les avancées en matière d’éthique ou de prévention de la corruption sont intervenues à l’échelon national. Qu’il s’agisse, par exemple, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, créée à la suite de l’affaire Cahuzac ; du registre des lobbies auprès de l’Assemblée nationale ; ou de l’attribution de la présidence de la commission des Finances à un élu de l’opposition. Il est temps de transposer certains des outils, qui ont fait preuve de leur efficacité, à l’échelon local.
Plus largement, il importe introduire une culture de la transparence, de l’implication et du contrôle citoyen tout au long des mandats locaux. Aider à l’émergence de contre‐pouvoirs citoyens, c’est la base même de la démocratie. Car, comme le dit le sociologue Julien Talpin, la démocratie c’est avant tout le conflit… Le bon conflit. Celui qui réveille les consciences et permet de trouver les compromis.
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