Six mois de prison avec sursis, trois ans d’inéligibilité, 10 000 euros d’amende… La sentence va résonner longtemps dans les mairies communistes du Rhône. Jeudi 6 juillet, les juges du TGI de Lyon n’ont pas épargné le maire (PCF) de Givors, jugé coupable en première instance de prise illégale d’intérêt pour avoir embauché sa sœur au poste de directrice générale des services. Certes, Martial Passi devrait faire appel du jugement, ce qui aurait pour effet de suspendre la peine d’inéligibilité. A long terme, l’affaire met cependant en péril son maintien à la tête de Givors. D’autant qu’il doit aussi faire face à une enquête sur l’utilisation de ses frais de représentation. Une pierre noire dans un jardin rouge déjà fortement affaibli depuis 2014, et un mauvais présage pour le parti communiste, qui ne règne déjà plus que sur deux communes de la Métropole.
« Bientôt on va nous mettre sous verre et les gens viendront nous regarder en nous jetant des cacahuètes », rigole Ahmed, croisé un mercredi matin au marché de Givors. « C’est comme ce fruit, conclut‐il en désignant la gigantesque pastèque coincée sous son bras. C’est toujours rouge, mais ça n’a plus le goût ! » Car les villes communistes sont une espèce en voie de disparition dans le Rhône. Marquées par une « vague bleue », les municipales de 2014 ont emporté plusieurs bastions historiques du PCF. Alors que Vaulx‐en‐Velin tombait dans l’escarcelle du parti socialiste, Grigny et Pierre‐Bénite, deux autres fiefs communistes depuis 40 ans, basculaient dans celle de la droite. Dans la tempête, seules Vénissieux et Givors parvenaient à sauver les meubles.
infographie : Nicolas Certes
« C’est toujours rouge, mais ça n’a plus le goût ! »
Deux survivantes, aujourd’hui aux mains de deux « héritiers ». Dominée par le PCF depuis 1935, Vénissieux, 62 000 habitants, a vu son député‐maire historique, André Gerin, céder la place en 2009 à Michèle Picard, après vingt‐quatre ans de règne. Plus isolée, à l’extrême-sud de l’agglomération, Givors et ses 20 000 habitants sont dirigés par le PCF depuis 1953, date de l’élection de Camille Vallin. Pendant quarante ans, cet ancien résistant est resté à la tête de la ville, avant de passer la main en 1993 à Martial Passi, toujours en poste aujourd’hui.
Partout ailleurs, le parti a baissé le drapeau. « Dans les années 1990, la seule section de Lyon comptait 6 000 adhérents, contre 500 aujourd’hui », décrit Raphaël Debu, le Secrétaire fédéral du Rhône du PCF, paquet de clopes « fête de l’Huma » posé sur la table. « Lorsque nous avions nos ceintures rouges (NDLR : les banlieues qui entouraient certaines grandes métropoles françaises), nous étions une république dans la République. Aujourd’hui, le seul endroit où nous sommes encore identifiés, c’est dans nos mairies, donc à Vénissieux et Givors ». A bien des égards, les deux villes incarnent toujours à merveille ce “communisme municipal” fantasmé par ses défenseurs et honni par ses opposants, qui dénoncent l’autoritarisme des élus et des dérives clientélistes.
Une politique sociale
Pour trouver les inconditionnels du PCF à la sauce locale, il ne faut pas chercher bien loin. Assise en terrasse au Café de la paix, bistrot couru par les élus vénissians, Monique Bornu multiplie les saluts amicaux aux passants du centre‐ville. « J’embrasse tout Vénissieux ! », glisse tout sourire cette habitante des Minguettes. Aujourd’hui retraitée de la Sacoviv, l’organisme de logement social de la ville, celle qui se dit « encartée au Parti presque depuis la naissance » reste une supportrice ardente du communisme municipal. « L’ADN d’une mairie communiste est d’avoir une ville pour tous, argumente‐t‐elle. C’est la bataille pour l’emploi, l’idée de défense du logement social pour les plus modestes ou encore l’accès aux activit …