Poubelles lyonnaises : les effets pervers de la privatisation

L’information est passé inaperçue : depuis 2017, les ordures ménagères du Grand Lyon sont majoritairement ramassées par le secteur privé. La privatisation du secteur ne va pas sans difficultés : postes d’agents de la Métropole supprimés, ententes illicites entre acteurs, incinérateurs fréquemment à l'arrêt…

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Depuis l'an dernier, les opérateurs privés que sont Suez, Nicollin et Pizzorno assurent la collecte de 57% des ordures ménagères du Grand Lyon. Photo : A.Campi/We Report.

« Si je gagne au loto, je monte mon quai de déchargement de déchets. Puis, je me prends une manade [un troupeau] de taureaux dans le Sud… Comme Nicollin ! » Au cœur du port Edouard‐Herriot de Lyon, Fred se sent comme un poisson dans l’eau. Chauffeur de camion‐poubelle pour la Métropole, il vide chaque jour, ici, à l’usine d’incinération de Gerland, ses tonnes d’ordures ménagères collectées dans les rues de l’agglomération. Les déchets sont brûlés et leur combustion valorisée pour le chauffage urbain, l’électricité ou l’entretien de la voirie sous forme de mâchefers. « Derrière nous, ce sont les cendres. Elles sont nettoyées. Puis, elles serviront pour les routes, pour la couche juste en dessous du goudron », montre Fred, au pied de l’incinérateur.

Le temps d’un après‐midi d’hiver, Fred a guidé Mediacités dans son univers. Un monde peuplé d’hommes, de détritus et de poubelles, où se croisent ripeurs (les éboueurs à l’arrière des camions qui ramassent et vident les bacs), politiciens et entrepreneurs du déchet. Des géants mondiaux, comme Veolia et Suez, aux sociétés plus « familiales » tel Pizzorno ou Nicollin. Des « semi » de 38 tonnes « d’OM » (pour ordures ménagères) sur le quai de transfert de Givors, jusqu’aux « ballottins » de plastique du centre de tri de Saint‐Fons. Un monde à ciel ouvert, dur et physique. « On se sent un peu libres, mais c’est aussi un métier difficile, confie Fred, de nombreuses années de chauffeur au compteur. Quand tôt le matin, dans mon rétro, je vois toute la poussière des poubelles… Vingt ans à respirer les odeurs, pour les ripeurs, c’est pénible. » Dans cet univers méconnu, les marchés publics de la Métropole de Lyon se chiffrent en dizaines de millions d’euros pour les sociétés privées. « Les ordures ménagères sont une mine d’or », sourit Fred, l’air entendu.

Rondes de nuit. photos : A.Campi (We Report)

A la Métropole, la direction de la propreté dégraisse

Avec plus de 2 000 agents publics, la direction de la propreté est l’un des plus importants services de la Métropole de Lyon. Depuis 2004, elle se divise entre la collecte des déchets ménagers (le ramassage de vos poubelles) et le nettoiement (nettoyage des rues, trottoirs et autres espaces publics). Historiquement, notamment pour des raisons de coût, le Grand Lyon a délégué une partie de la collecte à des sociétés privées jusqu’à atteindre 50% du volume de déchets collectés en 2007 (part inchangée en 2012 à l’occasion du renouvellement des contrats).

En 2017, le marché de la collecte est de nouveau réattribué et pour la première fois dans …

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Par Mathieu Martinière (texte) et Alberto Campi (photos) / We Report

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