Sa main n’a jamais tremblé. « De toute façon, c’était soit ça, soit crever de mon côté. » À 26 ans, Anas Kournif, étudiant en troisième année de science politique, revient de loin. Assis dans le salon du domicile familial à Saint‐Étienne, il parvient à évoquer sa « tentative de suicide politique », il y a quatre ans devant le Crous de Lyon. Sans difficulté apparente, d’un ton presque neutre, s’autorisant même quelques traits d’humour. En revanche, pour ses parents, l’épreuve reste dure à encaisser. Alors qu’Anas se lance une nouvelle fois dans le récit précis des faits, ils s’éclipsent sur la pointe des pieds.
Son acte résulte d’une « accumulation », analyse le jeune homme. Alors, le 8 novembre 2019, un peu avant 15 heures, Anas se rend devant les bâtiments administratifs du Crous de La Madeleine à Lyon. Il choisit cet endroit car il s’agit d’une représentation de l’État et parce qu’« il n’y a personne ». Muni d’un bidon d’essence, il s’en asperge et s’enflamme.
Un ouvrier d’un chantier voisin lui sauve la vie en éteignant les flammes avec un extincteur. Sur le bord du trottoir sont restés son sac contenant ses papiers et son téléphone. Anas Kournif, dont les parents sont tous les deux marocains, raconte : « Quand ma sœur a été appelée par la police, la première chose qu’ils lui ont demandée, c’est si j’avais une double nationalité, car ils pensaient que je pouvais être un terroriste… »
En réalité, l’élève marxiste ambitionne surtout de « faire peur à la bourgeoisie ». Forcément, son geste entre en résonance avec celui de Mohamed Bouazizi, vendeur de légumes à Sidi Bouzid, qui, par son suicide, a lancé la révolution tunisienne fin 2010. Anas Kournif en avait entendu parler durant ses études de science politique.
En cet automne 2019, « rien ne va » pour le jeune homme. Il