« Excusez du peu ! », s’est exclamé le président de la Métropole européenne de Lille (MEL), non sans ironie, en dévoilant le budget de 120 millions d’euros par an jusqu’à la fin du mandat (en 2026) pour « consolider notre réseau routier, les ponts, les pistes et les voies cyclables » en introduction du dernier conseil communautaire de l’année.
Vendredi 17 décembre, le programme pluriannuel d’investissements (PPI) voirie était à l’ordre du jour. Ce dernier fixe les objectifs et le budget des opérations à réaliser en matière de voirie, d’espaces publics et d’aménagements cyclables pour la période 2022 à 2026 sur le territoire métropolitain. Au-delà des discussions sur le rapport d’orientation budgétaire (ROB), qui ont lieu chaque année à la même période avant le vote primitif de février, c’était donc l’une des grandes délibérations de la soirée.
Ce PPI 2022-2026 représente 600 millions d’euros de travaux d’ici la fin du mandat actuel, alors qu’il y a eu près d’un milliard d’euros de demandes effectuées par les maires, soit 3 100 opérations. Là encore, il a fallu arbitrer, en fonction des projets jugés prioritaires. « Il y aura comme toujours de l’impatience, de l’insatisfaction mais tout a été retenu, décalé, étalé dans le temps. [...] On ne peut pas réaliser 3 100 opérations la même année, les entreprises ne pourraient pas le faire ! », s’est justifié Damien Castelain.
Contribuer au changement des mobilités
Bernard Gérard, maire de Marcq-en-Barœul et vice-président en charge de la délégation voirie, a exposé les principales obligations de ce PPI. En premier lieu, entretenir un patrimoine métropolitain conséquent, puisqu’il comprend 3 650 kilomètres de chaussée, 9,5 millions de mètres carrés de trottoirs et de places, 660 ouvrages d’art, 900 carrefours à feux… Autre objectif d’envergure auquel peut répondre un plan de voirie ambitieux : « contribuer au changement des mobilités dans la métropole ». Enfin, il s’agit d’accompagner la transformation de l’espace public. « On réalise aujourd’hui des voiries comme on ne le faisait pas avant, a-t-il expliqué. C’est donc aussi se projeter dans une vision nouvelle et d’avenir. »
« Pour faire tout cela, il faut des moyens financiers… Et ils sont sans précédent par rapport à tout ce qui existe jusqu’à ce jour », s’est targué le délégataire, en soulignant que la somme annoncée correspond à 25 millions de plus par rapport à la moyenne des budgets prévisionnels de 2017-2020. Par ailleurs, sur les 120 millions d’euros qui vont être dédiés chaque année jusqu’en 2026, 40 millions concerneront des enjeux de sécurité ou des grands projets déjà actés comme
la liaison intercommunale nord-ouest - partie sud (LiNO sud), et 80 millions des projets établis en concertation avec les maires des communes.
Dans ce budget annuel, 15 millions d’euros seront notamment dédiés au maintien et au développement des pistes cyclables. « C’est aussi un PPI qui a pour objectif de concrétiser l’engagement énorme
d’investir 100 millions d’euros pour des aménagements cyclables », a soutenu Bernard Gérard. D’ici 2024, dans le cadre du premier programme de démarrage d’étude et des travaux, 62 millions d’euros vont donc être consacrés aux travaux d’aménagements de 220 kilomètres de voies cyclables et 270 kilomètres supplémentaires seront en études.
Un budget « pas à la hauteur des enjeux » pour les Verts
Mais cette « belle ambition partagée », selon les mots conclusifs du vice-président en charge de la voirie, n’a pas été du goût de tout le monde. Le groupe Métropole écologiste, citoyenne et solidaire (MECS) fut le seul à s’abstenir sur cette délibération. « Soyons ambitieux ! Si l’on regarde en détail, la réponse n’est pas à la hauteur », a lancé la conseillère métropolitaine Mélissa Camara après avoir rappelé que la ville de Strasbourg avait voté le même montant de 100 millions d’euros pour l’aménagement cyclable alors qu’elle compte 2,5 fois moins d’habitants.
La somme de 25 millions d’euros supplémentaires par an, dont s’est félicitée Bernard Gérard, reviendrait même à ajouter 10 millions de plus au budget pour la voiture selon l’écologiste. Un paradoxe, alors que la MEL ambitionne de réduire la part modale de la voiture. « Ces 82 millions pour de nouvelles infrastructures routières sont à comparer avec le financement des infrastructures vélo ! Ce n’est pas en leur consacrant un euro sur huit que l’on rattrapera le retard de notre métropole en la matière. Difficile dans ces conditions de lutter contre le "tout voiture" et de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre », a-t-elle déploré.
À noter qu’une clause de revoyure est prévue pour la fin 2023, où 200 millions d’euros doivent être réinjectés pour affiner les opérations jusqu’à la fin du mandat. Bernard Gérard a d’ailleurs prévenu : 15 à 20 millions seront destinés au cyclable. Ils viendront s’ajouter au programme de voies vertes de 25 millions d’euros existant, qui devrait connaître une accélération puisque la voie verte des facs devrait voir le jour avant 2024. Face à l’inquiétude de certains élus, comme Patrick Proisy qui espère que cette clause ne soit pas « juste une jolie communication mais un véritable outil d'évaluation à disposition des villes à deux ans de la fin du mandat », le vice-président à la voirie s’est engagé devant tous les élus à en faire « quelque chose qui soit une réalité et non pas effectivement un mot jeté en l'air ».