Révéler et après ? Que se passe‐t‐il une fois les enquêtes de Mediacités publiées ? Cette question, nous nous la posons chaque semaine et, souvent, nous y apportons une réponse avec la publication de nouveaux articles, des « compléments d’enquête ». Il n’empêche ! À l’heure des bilans de fin d’année, l’interrogation sur l’utilité et le rôle d’un média comme le nôtre revient avec plus d’acuité que d’habitude : concrètement, cela sert à quoi l’investigation locale ?
Pour la troisième année consécutive, nous nous sommes replongés dans les publications des douze derniers mois – près de 200 pour la seule édition toulousaine – afin de dresser notre « Rapport d’impact 2022 ». Nos enquêtes ont‐elles fait bouger les lignes ? Ont‐elles contribué à améliorer ou à mettre fin aux dysfonctionnements qu’elles révélaient ? Ont‐elles initié un débat, une prise de conscience, une procédure judiciaire ? Ou, à l’inverse, sont‐elles passées inaperçues et, pour le dire autrement, ont‐elles fait un flop ?
Voici quelques éléments de réponses.
1 – Les étranges pratiques du directeur de cabinet de Jean‐Luc Moudenc
Rappel des faits – Accusations de harcèlement, épuisements des équipes, démissions en cascade… Après six mois d’enquête, Mediacités publie le 22 octobre 201 une longue enquête qui fait grand bruit. Elle met au jour l’ambiance délétère qui règne au sein du cabinet du maire de Toulouse. Au centre des accusations : le comportement du directeur de cabinet, Arnaud Mounier. À l’époque, Jean‐Luc Moudenc réitère « toute [s]a confiance, sans réserve aucune, et l’entreprise de dénigrement formée par ces basses accusations est pour moi l’occasion de la réaffirmer plus fortement encore. »
Impact – Moins d’un an plus tard, le maire de Toulouse lâche son fidèle directeur de cabinet et le propulse au poste de directeur général délégué de la tête de la Cité de l’espace. Un parachutage en or (110 000 euros brut de salaire annuel) qui suscite la polémique, Arnaud Mounier n’ayant aucune expérience particulière à faire valoir en matière de gestion d’équipements publics.
Nos articles à (re)lire :
- À Toulouse, le système Mounier fait des ravages au Capitole
- À la Cité de l’Espace, l’arrivée prochaine d’Arnaud Mounier crispe les salariés
A Toulouse, l’hémorragie de collaborateurs se poursuit au cabinet de Jean‐Luc Moudenc
- Départ d’Arnaud Mounier, bras droit du maire de Toulouse : « C’est une rupture, une éviction »
- À la Cité de l’espace, l’arrivée prochaine d’Arnaud Mounier crispe les salariés
2 – Le directeur de l’hôpital Ducuing démis de ses fonctions
Rappel des faits – En décembre 2021, en pleine 5e vague de Covid, le service de médecine interne et polyvalente de l’hôpital Joseph‐Ducuing de Toulouse ferme ses portes. L’événement est la goutte d’eau qui fait déborder le vase d’un ras‐le‐bol des équipes médicales. Depuis quelque temps, les départs se multiplient en raison d’une vive opposition envers la direction de l’établissement et son mode de management jugé « agressif ».
Impact – La mobilisation d’une bonne partie des personnels, actuels et anciens, et la médiatisation de la situation de crise à l’hôpital – notamment par Mediacités – aura finalement eu raison du directeur de l’Hôpital Joseph Ducuing Eric Fallet, qui a été démis de ses fonctions le 25 février 2022 par son conseil d’administration, quatre ans après son arrivée.
Nos articles à (re)lire :
- Le service de médecine interne de l’hôpital Joseph Ducuing ne fonctionne plus
- Le directeur de l’hôpital Joseph Ducuing sur la sellette
- Contesté en interne, le directeur de l’hôpital Joseph Ducuing a été remplacé
3 – La pénurie de généralistes à Toulouse déconcerte
Rappel des faits – Le 19 septembre 2022, Mediacités publie la première enquête d’une série consacrée à la pénurie de médecins généralistes et aux moyens d’y remédier. Notre décompte exclusif montre que, sur la seule ville de Toulouse, il manque 169 médecins pour hisser la commune dans la moyenne française de la présence médicale. Pire : 58 % des Toulousains vivent même, selon nos calculs, dans un désert médical à l’échelle de leur quartier (c’est-à-dire des zones où la densité médicale est inférieure de 30 % ou plus à la moyenne nationale).
Impact – Nos données vont à rebours d’une pensée dominante selon laquelle la pénurie de médecins n’impacte que les zones rurales. Elles contribuent à une prise de conscience de ce problème qui, au vu de la démographie médicale et des départs à la retraite, a toutes les chances d’empirer dans les années à venir. Mediacités prolonge sa série d’enquêtes par l’organisation d’une conférence publique, recueille des témoignages de patients et s’emploie à faire émerger les solutions qui pourraient résorber en partie cette pénurie préoccupante.
Nos articles à (re)lire :
- Plus d’un Toulousain sur deux vit dans un désert médical
- Face à la pénurie de médecins, les patients s’adaptent comme ils peuvent
- Comment Toulouse tente de soigner la pénurie de médecins généralistes
4 – Comment l’agglo du Muretain a fait gagner un million à un promoteur
Rappel des faits – Mediacités révèle, le 12 septembre, les conditions de vente d’un terrain à un promoteur par l’agglomération du Muretain à un prix nettement inférieur à l’estimation des Domaines, ce qui est strictement interdit par la loi.
Impact – L’opposition municipale s’empare du dossier et réclame des explications au maire de Muret en conseil municipal le 6 octobre dernier. Parallèlement, elle annonce saisir la chambre régionale des comptes et avoir écrit au préfet d’Occitanie et à la ministre en charge des collectivités locales. De son côté, l’association de lutte contre la corruption Anticor prépare un signalement pour « des atteintes présumées à la probité » auprès du procureur de Toulouse.
Nos articles à (re)lire :
- Comment l’agglo du Muretain a fait gagner un million d’euros à un promoteur immobilier
- Vente au rabais à Muret : un opposant LREM interpelle les autorités
Vente au rabais à Muret à un promoteur : un opposant LREM interpelle les autorités
5 – Quand Pôle emploi Occitanie veut rendre les chômeurs plus zen
Rappel des faits – Alors que le gouvernement planche sur une nouvelle réforme de l’assurance chômage plus contraignante, six agences d’Occitanie recrutent discrètement – via un cabinet prestataire – des spécialistes de la gestion de conflits. Ces chargés / chargées de mission en relation interpersonnelle sont recrutés en CDD à hauteur de 1 330 euros bruts par mois pour 25 heures par semaine. Leur mission ? Apprendre aux demandeurs d’emploi à mieux gérer leur « charge émotionnelle ».
Impact – L’initiative est révélée par Mediacités le 31 octobre 2022. Elle suscite un tollé parmi les organisations syndicales de Pôle emploi qui considèrent que cet argent pourrait être bien mieux placé en embauchant, par exemple, des agents d’indemnisation dont le nombre a beaucoup baissé… ce qui contribue à agacer les demandeurs d’emploi. Bizarrement, les annonces ont été retirées au lendemain de notre prise de contact avec le service de Pôle emploi en charge des relations presse.
Notre article à (re)lire :
Quand Pôle emploi Occitanie veut rendre les chômeurs plus zen
6 – Handicap : le Cric de Toulouse à la dérive
Rappel des faits – Le Centre de rééducation pour les invalides civils (Cric) est une organisation incontournable à Toulouse dans le secteur de l’insertion professionnelle et sociale des personnes handicapées. Le 17 octobre, Mediacités décrit une structure « à la dérive ». Valse des managers et des formateurs, difficultés de communication, arrêts maladie à répétition… Le Cric serait devenu un « lieu maltraitant » selon les nombreux salariés que nous avons interrogés. Pour les agents comme pour les résidents.
Impact – Trois jours après la publication de notre enquête, le président du Cric Jean‐Claude Clermont annonce son retrait – non sans avoir qualifié Mediacités de « presse à scandale ». Le 14 décembre, l’Agence régionale de santé, qui assure la tutelle du Cric et lui verse 10 millions de subventions par an, sort enfin de sa réserve et reçoit une délégation de salariés. Pour calmer la situation, le directeur de l’ARS impose la création d’une cellule de médiation entre la direction du Cric et les syndicats à partir de janvier 2023.
Nos articles à (re)lire :
- Le Cric, une association d’aide à l’insertion des personnes handicapées à la dérive
- Le président du Cric annonce son départ trois jours après notre enquête
- L’ARS réagit, mais la situation continue de se dégrader au Cric
Notre impact en 2022, ville par ville
Quel a été l’impact des enquêtes de Mediacités ? Voici notre troisième rapport d’impact décliné ville par ville :
- Audencia, Navibus, Treillières… L’impact des enquêtes de Mediacités Nantes en 2022
- Dragon de Calais, “bébés Coca”, bizutage… L’impact des enquêtes de Mediacités Lille en 2022
- Signalements à la justice, remous politiques et « chasse aux sorcières » : les impacts des articles de Mediacités Lyon en 2022
- Moudenc, Cric, pénurie médicale… L’impact des enquêtes de Mediacités Toulouse en 2022
Bravo : poursuivez votre action
mercés plan !
Ce qui est chouette c’est aussi de lire les papiers des autres villes. On a la presse locale qui nous ressemble et c’est toujours triste quand elle se porte mal. Qui parlera de nous ? De nos vies ?
Vous posez aussi le problème d’une presse d’opinion. Peut‐on encore équilibrer ses comptes en annonçant une couleur ? Le débat du 16 promet d’être riche.
Tres heureux d’être un de vos nouveaux abonnés.