Quel a été l’impact de Mediacités à Toulouse en 2024 ?

Les enquêtes de Mediacités Toulouse ont-elles eu des impacts en 2024 ? Dans ce cinquième rapport, votre média d’investigation locale explore les répercussions des enquêtes publiées ces douze derniers mois.

Toulouse rapport d’impact 2024

C’est une intervention qui tombe à point nommé. Le jour de la publication de notre rapport d’impact, un député interpelle le gouvernement sur « la nomination et l’absentéisme des hauts‐fonctionnaires » en s’appuyant sur le travail de plusieurs médias, dont Mediacités.

Dans sa question écrite au ministre de la Fonction publique, qui s’inscrit dans le cadre du débat parlementaire sur le budget 2025 du gouvernement, François Piquemal, représentant LFI de la quatrième circonscription de Haute‐Garonne, fait part de ses doutes sur « la réalité du travail effectué » par une personnalité « nommée au Contrôle général économique et financier du ministère de l’Économie et des Finances (CGefi) par M. Sarkozy », en 2008. Citant « plusieurs enquêtes journalistiques », François Piquemal vise sans le nommer Jean‐Luc Moudenc, dont Mediacités et d’autres (France 3 Occitanie, notamment) ont documenté l’intriguant cumul d’emplois.

Une contribution au débat national et local, qui s’inscrit pleinement dans le « journalisme utile » auquel souscrit Mediacités depuis son manifeste fondateur. « Utile », certes, mais utile comment ? C’est pour répondre à cette question que nous nous dressons chaque année depuis quatre ans notre « rapport d’impact ».

Comme en 2020, 2021, 2022 et 2023, nous avons passé en revue les 177 articles écrits depuis douze mois (de novembre 2023 à octobre 2024) pour l’édition toulousaine, en nous demandant s’ils avaient contribué à faire bouger les lignes. Voici le résultat de ce nouveau coup d’œil dans le rétroviseur.       

La justice s’est‐elle saisie de nos révélations ?

Et non. Sur la trentaine d’enquêtes publiées ces derniers mois, aucune n’a donné lieu à l’ouverture d’une procédure judiciaire, à Toulouse. Faut‐il y voir l’incapacité de Mediacités à renouveler le coup de Cugnaux ? La publication d’une série d’articles sur cette commune fin 2019 avait convaincu le Parquet de Toulouse de diligenter une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts, trafic d’influence passif, corruption passive et blanchiment et recel de prise illégale d’intérêts à l’encontre de Roger Montibert, l’ancien adjoint à l’urbanisme. Un dossier sur lequel nous gardons un œil attentif.

Depuis lors, plus rien. Une bonne raison explique ce constat : nous lançons souvent nos investigations quand une plainte a déjà été déposée. La justice étant sollicitée la première, nos enquêtes peuvent – au mieux – apporter des éléments nouveaux sur les affaires concernées. Même si parfois, elles contribuent à accélérer le processus judiciaire.

Faire bouger les lignes

Si nous n’avons pas fait bouger la justice cette année, nous avons incité l’Église catholique à mettre de côté quelques moutons noirs. En septembre 2023, un prêtre du Lot a été mis en retrait, après nos révélations sur sa condamnation – tenue secrète par l’évêché – pour atteintes sexuelles sur mineur. Il travaille depuis aux archives du Diocèse.

Rebelote en mars dernier dans le même département. Cette fois, c’est une jeune femme qui a témoigné dans nos colonnes des viols que lui aurait imposés un autre prêtre lotois. Des faits là aussi connus du diocèse, sans que celui‐ci n’ait pour autant pris au sérieux ses accusations. Encore une fois, il a donc fallu que le scandale devienne public pour que le prêtre soit éloigné de sa paroisse, le temps que l’enquête préliminaire touche à sa fin.

La plaignante n’aura pas de réponse judiciaire avant plusieurs années, mais son témoignage lui a permis de se défaire d’un lourd secret. « La publication m’enlève un poids, ça me donne l’impression d’avoir fait une thérapie d’un an », nous a‑t‐elle déclaré, raffermie par les nombreux messages de soutien reçus entre temps.

Améliorer le service public

L’impact journalistique ne se limite pas au champ judiciaire. Cette année, Mediacités a permis à un service public très apprécié de la population d’améliorer ses pratiques. Ainsi, après la publication de notre enquête sur les mauvais délais d’intervention et le manque de moyens des services de secours en Haute‐Garonne, le directeur des pompiers a reconnu l’utilité de notre travail. L’enquête de Mediacités lui a en effet permis de prendre conscience que les statistiques que ses services fournissaient depuis six ans au ministère de l’Intérieur étaient incorrectes.

Après avoir corrigé le tir, il s’avère que le délai moyen d’intervention serait en fait de l’ordre de 15 minutes 30 en 2023. Cinq minutes de mieux que ce que les données antérieures concluaient ! Pas de quoi cependant faire sortir la Haute‐Garonne de la queue de peloton du classement, car ce chiffre reste supérieur de plus de trois minutes à la moyenne des Sdis de même catégorie. 

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Faire des économies

Nos informations permettent parfois aussi d’éviter quelques dépenses superflues. Cet été, Mediacités a mis la main sur le projet de réaménagement de l’espace de travail de Sébastien Vincini, le président du conseil départemental de la Haute‐Garonne. Ce chantier d’un montant global de plus de 85 000 euros interrogeait, vu les contraintes budgétaires pesant sur les finances départementales et la baisse drastique des subventions aux associations.

Interrogée par Mediacités avant la publication de l’enquête, la collectivité s’est opportunément souvenue de ces difficultés financières pour affirmer qu’une partie des travaux avait été annulée. Une prise de conscience tardive, car que le projet était encore sur les rails quelques semaines plus tôt, mais salvatrice – quoique symbolique – vu l’état des finances publiques

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Pousser les associations à revoir leur gouvernance

Nos révélations permettent aussi d’améliorer le fonctionnement de certaines structures. L’intronisation, lors de la dernière assemblée générale de la Maison du Vélo, de deux nouveaux membres au conseil d’administration, sans lien apparent avec l’association et proches du Parti socialiste, avait provoqué la stupéfaction.

Comme l’a documenté Mediacités, c’est surtout le mode opératoire, qui a posé problème à de nombreux bénévoles et salariés de l’emblématique association toulousaine : l’adhésion d’une quarantaine d’adhérents quelques minutes avant le démarrage de l’AG, et le changement d’ordre du jour permettant d’avancer le vote en tout début de séance, empêchant de ce fait plusieurs personnes de s’exprimer… Le tout, orchestré par les deux dirigeants historiques de la Maison du Vélo. 

Depuis notre enquête, quelques lignes ont bougé. Est‐ce en lien direct avec la publication à venir de notre article ? Avant même qu’il ne soit en ligne, nous apprenions la démission de Louise Foutrel, l’une des nouvelles entrantes au CA, par ailleurs trésorière des Jeunes socialistes 31. Elle n’avait participé à aucun conseil d’administration depuis l’assemblée générale. C’est la candidate arrivée en troisième position lors du vote, et déjà active au sein de l’association dans les ateliers participatifs, qui a pris sa place.

Suite à l’AG décriée, de nombreux bénévoles et salariés ont demandé à revoir les statuts de leur association. Sept conseils d’administration plus tard, les défenseurs de cette réforme n’ont pas obtenu gain de cause. Mais le chantier avance. Un règlement intérieur va voir le jour. « Il permettra notamment d’amender les statuts et empêcher qu’un nouvel adhérent ne puisse voter dès son arrivée dans l’association. Mais il faudra attendre pour cela la future assemblée générale et il y a beaucoup de résistance chez certains membres du CA pour changer entièrement les statuts. Ce sont les dirigeants qui gardent la main, et on a l’impression que cela reste une chasse gardée », soupire l’un des témoins de notre enquête.

Notre enquête a eu une autre conséquence directe : Toulouse métropole a décidé de surveiller désormais un peu plus attentivement ce qu’il se passe au sein de l’association de cyclistes. La collectivité, qui subventionne la Maison du Vélo à hauteur de 230 000 euros, a en effet demandé à entrer au conseil d’administration, « si une réflexion sur la gouvernance de l’association s’amorçait ».

Des effets indésirables

Notre rapport d’impact nous pousse aussi à l’humilité. Au‐delà de répercussions moins importantes que prévu, la parution de nos enquêtes est parfois suivie de répercussions négatives. La jeune femme de 29 ans, citée précédemment, a dû subir une expertise psychologique et deux expertises psychiatriques après la publication de son témoignage dans Mediacités. Ces procédures facultatives pour les plaignants ont été ordonnées par le Parquet de Cahors depuis mars dernier. 

Une autre témoin a subi les pressions de la structure dont elle a dénoncé les errements. Ainsi, la lanceuse d’alerte sur les maltraitances au sein de l’Ehpad l’Ecuyer, a dû endurer la contre‐attaque juridique du groupe DomusVi, dont dépend l’établissement. Celui‐ci l’a attaquée en justice pour récupérer les enregistrements clandestins qui lui avaient permis de dénoncer les maltraitances subies par son père. DomusVi a ensuite voulu lui retirer le mandat de protection que son père lui avait confié. Dans les deux cas, les requêtes ont été rejetées par la justice. Mais le stress engendré pour ladite concernée, bien réel.

Témoigner est un acte de courage. Nous remercions celles et ceux qui ont osé le faire dans nos colonnes en 2024 et celles et ceux qui franchiront le pas à l’avenir.

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Par Gael Cérez et Armelle Parion

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