A période inédite, opération inédite. Jamais le siège social des Restos du cœur de Loire‐Atlantique n’était devenu un centre de distribution. Depuis une semaine, le hangar qui rassemble les services administratifs départementaux et l’entrepôt principal des denrées alimentaires accueille aussi les bénéficiaires pour la distribution de denrées alimentaires.
Situé de l’autre côté du périphérique, à deux pas de la mairie de Sainte‐Luce‐sur‐Loire, ce lieu d’accueil n’est pas franchement central. Pour certains, c’est après deux heures de transports en commun qu’ils parviennent à repartir avec leur sac de nourriture. Avec les horaires jours fériés/dimanche de la Sémitan, il faut s’organiser pour pouvoir monter dans l’un des quinze bus quotidiens qui desservent ce centre d’urgence des Restos. Il y a bien le tram à trois kilomètres de là, mais rejoindre l’arrêt avec un sac remplis d’une quinzaine de kilos de denrées alimentaires n’est pas donné à tout le monde.
Ainsi, à chaque passage de bus, le flot de bénéficiaires débarque. A l’avant du bâtiment, le visage de Coluche les accueille. Le fondateur aurait‐il imaginé que 35 ans après leur création, ses Restos deviendraient des lieux ressources en cas d’épidémie ? Car en cette période, habituellement, l’association ferme ses portes au public. En « inter‐campagne », entre celle d’hiver et celle d’été, les Restos en profitent pour réduire la voilure et arrêter la distribution alimentaire.
« Face à l’urgence, nous n’avons pas eu le choix » explique Jacky Lepron, vice‐président des Restos du cœur de Loire‐Atlantique. « Nous avons transformé ici notre siège social en centre de distribution d’urgence. Et il y avait urgence sur Nantes Métropole car de nombreuses associations ont dû fermer faute de bénévoles. Nous avons donc ouvert un seul centre pour tout le département. »
Les « gestes barrières » respectés… sans matériel de protection
Depuis une semaine, le siège social des Restos transformé en centre de distribution accueille les bénéficiaires les lundis, mercredis et vendredis après‐midi. A leur arrivée, un cordon les incite à rejoindre la file d’attente. Un par an, ils sont reçus par les bénévoles placés à l’intérieur du hangar, derrière deux tables en guise de comptoir. Les bénévoles à l’intérieur du bâtiment, les bénéficiaires à l’extérieur. Oubliés les rayonnages où chacun peut se servir. « Pour des raisons de prévention du coronavirus, nous ne proposons pas l’habituelle distribution accompagnée. En fonction de la taille de la famille, nous offrons des petits, moyens ou grands sacs remplis de denrées » détaille Jacky Lepron.
Dans les allées de l’entrepôt, les bénévoles s’activent pour préparer les sacs. Ici, pas de masques. « C’est un vrai souci pour nous de trouver des masques. Voilà pourquoi on a installé deux tables entre nous et les bénéficiaires. Même si ce n’est pas notre habitude de mettre de la distance de cette façon » confesse le vice‐président des Restos.
Une mise à distance qui ne choque guère ceux qui repartent du centre sourire aux lèvres, à l’image d’Alex (prénom d’emprunt). Ce Géorgien muni d’une carte de séjour loge dans un hôtel avec sa famille, dont sa fille de trois ans hospitalisée au CHU pour une leucémie « J’ai peur pour ma famille, surtout pour ma fille malade. Je ne sors que pour chercher de la nourriture aux Restos du cœur, au Diaconat protestant ou à la Croix Rouge » témoigne‐t‐il.
L’aide alimentaire, une bouée de sauvetage aussi pour Marie (prénom d’emprunt), habitante des quartiers nord de Nantes. « Je ne vis qu’avec 200 euros par mois. C’est grâce aux Restos du cœur que je peux avoir à manger, surtout en cette période où d’autres associations ferment. »
« On arrive aux limites de l’acceptable »
En ces temps de crise sanitaire, les Restos du cœur de Loire‐Atlantique ne peuvent compter sur leurs 2000 bénévoles des temps normaux. « Beaucoup répondent de manière fabuleuse, nous avons demandé à nos ainés de rester chez eux et les étudiants prennent le relais », note le vice‐président de l’association. « Nous avons du temps ! Autant le consacrer à ceux qui en ont besoin ! » lui répond Olivier en faculté de droit à Nantes. Parmi ces bénévoles, on reconnaît même le visage d’un membre du cabinet d’une collectivité locale, venu ici « incognito ». Tous ont conscience qu’ils vivent un moment particulier de l’histoire du pays. Un moment où le confinement ne fait qu’exacerber les inégalités sociales.
« Confiner des gens qui n’ont pas de domicile c’est déjà une véritable problématique » témoigne Jacky Lepron. « Par exemple, jeudi dernier, le bus des Restos est sorti. Il a distribué une centaine de repas aux personnes sans domicile fixe. Un confinement pour ceux qui n’ont pas de domicile et des difficultés pour trouver de l’aide alimentaire… On est en train d’accumuler une contrainte à une autre contrainte. A un moment, on arrive aux limites de l’acceptable » soupire‐t‐il.
Une situation d’autant plus difficile quand on n’habite pas au centre de la métropole. « Certains sont venus de Clisson ou de Vallet pour chercher de la nourriture ici » note le vice‐président des Restos. Pour répondre à cette demande du reste de la Loire‐Atlantique, les Restos ouvrent la semaine prochaine d’autres centres de distribution. 28 au total sur le département (dont 4 dans l’agglomération nantaise) sur les 32 habituellement ouverts en campagne d’hiver.
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