Génocide des Tutsi au Rwanda : pour un lieu de mémoire à Nantes

28 ans après le début du génocide des Tusti au Rwanda, en avril 1994 et alors qu'Emmanuel Macron a reconnu l'an dernier une « responsabilité » de la France, une association demande la création d'un lieu de mémoire à Nantes, comme il en existe dans d'autres villes.

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En 2021, lors de la cérémonie organisée par la préfecture de Loire-Atlantique, pour commémorer le génocide des Tutsi au Rwanda. / Photo : association Subiruseke - Retrouve le sourire

Il y a 28 ans, une extermination planifiée et systématique décimait un million de personnes au Rwanda pour la seule raison de leur appartenance ethnique. Le 7 avril comme chaque année, les commémorations du génocide des Tutsi ont débutées au Rwanda et partout ailleurs dans le monde. Cette date a été désignée Journée internationale de réflexion sur le génocide au Rwanda par l’Assemblée Générale des Nations Unies (1). Le 13 mai 2019, à son tour le Président de la République, Emmanuel Macron a décidé de faire du 7 avril une journée nationale de commémoration du génocide des Tutsi (2).

Suite au rapport Duclert (3) remis au Président de la République le 26 mars 2021, qui conclut à « un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes », la volonté de la France de donner au génocide des Tutsi toute sa place dans la mémoire collective est maintenant claire. Elle a été réaffirmée et même renforcée par l’allocution du président de la République, le 27 mai 2021 au Centre mémorial de Gisozi à Kigali au Rwanda. A cette occasion, des mots forts et émouvants ont été prononcés par le Chef de l’État :

« Survivants, rescapés, orphelins, c’est grâce à leurs témoignages, à leur courage, que nous mesurons combien il ne s’agit pas de chiffres, mais de l’irremplaçable épaisseur de leurs vies. » « Reconnaître ce passé, notre responsabilité, est un geste sans contrepartie. Exigence envers nous‐mêmes et pour nous‐mêmes. Dette envers les victimes après tant de silences passés. Don envers les vivants dont nous pouvons, s’ils l’acceptent, encore apaiser la douleur. (…) Un génocide ne s’efface pas. »

Le 7 avril 2021, le préfet de Loire‐Atlantique a organisé pour la première fois, une cérémonie patriotique à la mémoire des victimes du génocide des Tutsi du Rwanda, au cimetière de la Chauvinière à Nantes. Encouragée par la volonté étatique d’inscrire ce génocide dans la mémoire collective française, notre association Subiruseke‐Retrouve le Sourire avait déposé une gerbe au pied du monument dédié aux déportés de la seconde guerre mondiale. Lors de cet évènement historique, nous avons réitéré notre demande d’obtenir un lieu de mémoire dédié. La demande officielle adressée à la ville mais restée sans réponse et l’entretien postérieur accordé par la députée de Loire atlantique Mme Oppelt, ne nous ont pas permis d’élaborer et de concrétiser ensemble ce projet.

Le 7 avril 2022, nous n’avons pas assisté à la cérémonie organisée à nouveau au cimetière de la Chauvinière et qui a duré sept minutes. Comme l’a déploré M. Pascal Bolo, conseiller départemental de Loire‐Atlantique et adjoint à la Maire de Nantes, au micro de Julia Gley de Radio Prun’. Nous avons décliné l’invitation préfectorale de commémorer sans symbole de cette mémoire, sans amis, sans rescapés, sans membres de notre association pour rendre hommage à nos morts en toute solennité. Nous avons préféré aller communier aux commémorations à Paris, dans une ville qui dispose des lieux consacrés à cette mémoire.

Transmission mémorielle apaisée

Depuis une quinzaine d’années, Subiruseke‐Retrouve le Sourire organise les commémorations à Nantes avec le soutien de la mairie. Cependant notre objectif est de donner de la visibilité à cette mémoire et de la partager autour d’un lieu de recueillement. En effet, l’histoire du génocide des Tutsi du Rwanda ne peut faire l’économie des enjeux mémoriels qui structurent la réception publique de l’évènement, en France et ailleurs. L’instauration de lieux de mémoire sur le territoire national permet un temps de réflexion sur un passé commun, de transmission mémorielle apaisée, mais aussi de partage collectif d’émotion.

Aujourd’hui, plusieurs autres villes de France comme Toulouse, Strasbourg, Mulhouse ou Bègles ont déjà érigé des espaces de commémorations, et témoignent de l’importance de cette initiative dans l’éducation à la paix. Nous espérions que la ville de Nantes, connue pour sa sensibilité aux droits humains et aux mémoires collectives, puisse se joindre à elles.

La demande de ce lieu de mémoire date de 2009. En effet, au lendemain de la 15e commémoration, notre association a été soutenue par des centaines de messages de sympathie laissés par les participants de différentes manifestations organisées à l’Espace Cosmopolis, en collaboration avec la municipalité de Nantes. Nous avions alors sollicité la mairie afin d’obtenir ce lieu de mémoire, et de symboliser cette solidarité dans l’espace public. Cette demande n’avait finalement pas pu aboutir malgré un travail concerté avec les services municipaux.

Répondre favorablement à cette requête, ce n’est pas simplement accorder aux rescapés et aux descendants des victimes un lieu de recueillement, c’est aussi permettre à tous les citoyens français de conserver la mémoire de ce drame afin que les survivants ne soient pas les seuls à être renvoyés à leur propre histoire. C’est une histoire commune et universelle au regard tout particulier des processus génocidaires que nous connaissons encore aujourd’hui.

Depuis 21 ans l’association Subiruseke‐Retrouve le Sourire s’engage concrètement à faire connaître la mémoire du génocide des Tutsi en Pays de la Loire, en organisant des expositions, conférences, colloques, en participant à la prévention et à la lutte contre la haine dans les écoles. Vingt‐huit ans après, en France comme ailleurs dans le monde, les discours de négation, de complotisme et de divisionnisme perdurent, falsifiant l’histoire et engendrant des souffrances supplémentaires envers les survivants et leurs descendants qui cherchent encore à se reconstruire. C’est pour toutes ces raisons que nous avons besoin de faire connaître cette mémoire : pour avancer, ne pas oublier, éduquer, informer et participer à la prévention. Nous souhaitons que toutes ces actions conduisent enfin à l’obtention à Nantes, d’un lieu de mémoire dédié aux victimes du génocide des tutsi au Rwanda.


(1) Résolution 58/234.
(2) Décret n° 2019–435 du 13 mai 2019
(3) Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi – 1990–1994.

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Par Association Subiruseke-Retrouve le Sourire

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