Ce sont des images devenues de plus en plus fréquentes en Europe : celles de villes inondées, de maisons sinistrées par la montée des eaux, de populations désemparées par ces épisodes. Les photos impressionnantes prises depuis le 30 octobre 2024 dans la région de Valence, en Espagne, où l’on décompte actuellement plus de 200 morts nous le rappellent une nouvelle fois.
Le changement climatique est identifié parmi les causes potentielles de l’augmentation de la fréquence et l’intensité des précipitations. Dans le contexte d’une urbanisation croissante, l’utilisation répandue de matériaux imperméables dans les constructions routières aggrave les ravages de ces phénomènes météorologiques.
Mediacités et The Conversation
L’infiltration adéquate des eaux pluviales à la suite d’épisodes de fortes pluies est ainsi considérablement entravée, engendrant par là un ruissellement pollué et des risques d’inondations. Les réseaux d’évacuation des eaux de pluie en milieu urbain se trouvent de plus en plus dépassés, et posent un défi de taille aux autorités quant à la gestion de ces eaux.
Le modèle conventionnel de collecte intégrale des eaux pluviales via un système de canalisations, évacuant ces eaux seules ou mélangées aux eaux usées, a, de fait, atteint ses limites. Non seulement cette approche s’avère coûteuse, mais elle accroît également le risque d’inondations, comme observé au cours du printemps 2023, tout en contribuant à la pollution des écosystèmes aquatiques. Il semble ainsi nécessaire de repenser les stratégies de gestion des eaux pluviales en milieu urbain pour faire face aux défis actuels et futurs.
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Imiter le cycle de l’eau
Face à cette réalité, une nouvelle approche émerge, qui vise à se rapprocher du cycle naturel de l’eau en réduisant l’imperméabilisation de surfaces urbaines tout en favorisant l’infiltration des eaux de pluie dès leur chute. En plus de maîtriser la pollution à sa source, cette gestion contribue au rechargement des nappes phréatiques tout en favorisant le verdissement urbain. Nommée « gestion à la source des eaux pluviales », cette approche intéresse de plus en plus divers pays européens. De nombreuses collectivités ont ainsi adopté des stratégies intégrées reposant sur la perméabilisation et la restauration écologique de leurs sols afin de limiter les rejets dans les réseaux d’assainissement.
Ces stratégies de gestion des eaux de pluie se concentrent sur l’absorption naturelle par le sol et la végétation environnante, considérée comme le moyen le plus efficace et respectueux de l’environnement pour gérer les excès d’eau de pluie. Les noues (fossés peu profonds), les jardins pluviaux, les toitures végétalisées et les revêtements de chaussée perméables figurent parmi les réalisations concrètes de cette approche.
L’infiltration des eaux pluviales au plus près de leur point de chute limite également l’accumulation de polluants dans les eaux en évitant le ruissellement. Cette méthode représente ainsi un moyen durable et à faible impact sur l’environnement pour la gestion des eaux pluviales en milieu urbain.
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Matériaux drainants et végétalisation
Pour rendre les sols urbains perméables, deux approches distinctes sont aujourd’hui mises en avant.
La première consiste à utiliser des matériaux drainants permettant d’ériger des sols tout en favorisant l’infiltration des eaux.
La seconde repose sur la végétalisation. Dans ce cas, les végétaux jouent un rôle crucial dans la prévention de l’érosion et la compaction des sols grâce à leurs racines tout en absorbant l’eau nécessaire à leur croissance. Cette action de décompactage favorise l’infiltration des eaux de pluie, évitant ainsi leur ruissellement.
La végétalisation compense enfin les avantages environnementaux perdus du fait du développement urbain en apportant de la biodiversité locale, des ilots de fraicheur ou la purification de l’air.
Pour rendre ainsi les sols urbains perméables tout en accroissant la végétalisation des villes, le biochar apparaît comme un allier de choix. Ce matériau, à la fois poreux et riche en carbone, est issu de résidus organiques tels que les déchets verts ou forestiers, chauffés dans des conditions de faible oxygène, via un processus appelé décomposition thermique rendu possible grâce à des étapes successives de pyrolyse et de gazéification.
Les atouts du biochar
De par ses interactions physiques, chimiques et biologiques, le biochar offre une multitude d’avantages lorsqu’il est intégré dans un sol. On peut noter à cet égard sa capacité à retenir l’eau, à prévenir la perte de nutriments des sols, à améliorer la structure du sol et à fertiliser les sols via sa capacité d’échange cationique.
Son utilisation dans les terreaux représente également une alternative plus durable à des éléments moins écologiques tels que la perlite, la vermiculite et surtout la tourbe.
Cette dernière reste largement utilisée en Europe (jusqu’à 80 % des substrats) et provient de matière organique partiellement décomposée.
Toutefois, la tourbe est issue de tourbières, des écosystèmes vitaux pour la biodiversité et le stockage du carbone dans le sol. Face à l’augmentation de la demande et des coûts de la tourbe, une ressource non renouvelable, il devient crucial de rechercher des alternatives plus durables comme le biochar.
En raison de sa porosité importante et de sa résistance à la biodégradation, le biochar agit comme un excellent adsorbant pouvant être utilisé pour filtrer et purifier l’eau, remplaçant ainsi le charbon actif très souvent importé et issu de ressources fossiles. De plus, le biochar peut être incorporé dans la reconstruction des sols, mélangé à d’autres matériaux tels que les pierres, le gravier et la terre, afin de faciliter l’infiltration des eaux dans les environnements urbains.
Ne serait‐il pas pertinent aussi de cesser de bâtir sur des terrains plats, alluvionnaires, donc inondables ? Tous les phénomènes vécus récemment dans le Pas‐de‐Calais, pour ne prendre qu’eux, sont dûs à cette raison. Évidemment les promoteurs immobiliers sont friands de ces terrains situés près des villes, les aménageurs aussi. Ne faudrait‐il pas adopter des plans d’occupation des sols contraignants intégrant ce paramètre ? Refuser des permis de construire ? Cesser ces constructions et aménagements délirants ? Arrêter de construire des parkings souterrains qui perturbent les circulations des eaux souterraines et les nappes ? Jusque quand la collectivité, nous, par les contributions qu’elle paie au moyen des contrats d’assurances, des services publics, etc. dédommagera de telles inepties et inconséquences ? Et, quand je regarde les entreprises qui posent actuellement des pavés dans les centre‐villes, employant des ouvriers dont les métiers ne sont certainement pas d’être paveurs, qui utilisent du ciment – qui rend imperméable et indéformable – pour les caler (quand ils n’amènent pas des plaques pré‐fabriquées), je me dis que votre exemple de pavés drainants n’est plus , hélas, que d’intérêt historique. S’intéresser à ces problèmes est certainement plus profitable que de mettre des cataplasmes sur des jambes de bois et faire la promotion d’un produit élaboré grâce à une nouvelle (????) solution technologique.
Bernard Maitte