Plusieurs associations demandent « un nouveau cap » pour les déplacements à Toulouse

Dans une tribune, les associations Deux pieds deux roues, l'Autate, les Amis de la Terre Midi Pyrénées, France Nature Environnement Midi Pyrénées, 60 Millions de Piétons 31, Axe vert de La Ramée, Alternatiba Toulouse, Vélorution Toulouse, et Plaisance pour le Climat constatent que « l'aire toulousaine accumule des retards » sur le plan de la mobilité. Elles demandent « un nouveau cap » à Toulouse Métropole. 

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Seulement 38,1 kilomètres de voies cyclables ont été construites entre 2015 et 2019 à Toulouse Métropole. / © Gael Cérez

Nous partageons un même constat sur le plan de la mobilité : l’aire toulousaine accumule des retards, des lacunes et les perspectives restent sombres. Nous portons une même proposition : donner un souffle novateur sur de nouvelles bases. 

Quels retards ?

En 2014, la ligne B devait être prolongée jusqu’à Labège avec une mise en service en 2020. Ce projet a été stoppé en 2015, Labège n’est toujours pas accessible par un transport en commun efficace.

Le Boulevard Urbain Nord a été déclaré d’utilité publique en 2011, il devait accueillir une ligne de bus en site propre et des cheminements piétons/cycles. Ce projet a été définitivement stoppé en janvier 2021 sans remplacement. Que d’argent dépensé en études, frais de justice, acquisitions… pour finalement rien.

La 3e ligne de métro initialement prévue pour 2024 est retardée à fin 2028. Elle a encore devant elle de nombreux obstacles : l’enquête environnementale, son bilan carbone, l’abattage de 2 500 arbres, le déplacement du Monument aux Combattants, le combat des personnes expropriées, son financement…

Le tramway pour l’aéroport va être interrompu de 2023 à 2026 pour des travaux visant entre autres à fluidifier… des carrefours ! Le prix du billet Tisséo va augmenter. Pire, le lien direct centre‐ville‐aéroport sera perdu, il faudra changer de tram, quelle régression ! Les bouchons routiers sont toujours présents ; l’élargissement récent de 50 millions d’euros à 2x3 voies de la rocade n’a pas changé la donne. En plus d’être en retard ou annulés, ajoutons que ces grands projets sont très discutables sur le plan écologique ou financier.

Toulouse est dans le viseur de l’Europe avec 10 autres métropoles pour pollution au dioxyde d’azote hors‐norme. Suite à un recours porté par des requérants, dont les Amis de la Terre, le Conseil d’État a condamné l’État à verser 10 millions d’euros d’amende par semestre de retard dans la baisse de la pollution de l’air. Le réseau piéton et cyclable oscille entre promesses ambitieuses et réalisations modestes et tardives.

Quelles lacunes problématiques ?

Les habitants de la périphérie sont les grands oubliés (première et deuxième couronnes), alors que Toulouse représente moins de la moitié des habitants du territoire couvert par Tisseo (480 000 habitants sur 1 050 000).

La Zone à Faible Émission devrait promouvoir les modes alternatifs à la voiture et faire baisser la pollution. Mais la mise en œuvre a été repoussée à maintes reprises. Aucun plan spécifique pour le développement d’alternatives à la voiture n’a été élaboré. Certains SUV lourds et récents vont même sortir “gagnants” de ce dispositif, un comble.

Le souhait de conserver au maximum les voies dédiées uniquement aux voitures conduit à des situations dangereuses et inconfortables : conflits piétons‐cycles sur des espaces trop étroits, cheminement cyclable peu attirant (voitures stationnées ou circulant près). Le PDU en vigueur est celui de 2012, obsolète pour l’environnement et les déplacements, et Tisséo ne semble pas disposé à la mettre à jour.

Des points positifs sur le plan des transports ?

Des projets ont vu le jour : le doublement de la ligne A, des rues plus propices à la marche en centre‐ville (Ramblas, Matabiau, Daurade, Saint‐Sernin…) , quelques nouvelles lignes Linéo, pistes cyclables, passerelles. Mais une impression domine : les projets concrétisés sont loin de satisfaire les besoins actuels de l’agglomération toulousaine et encore moins à l’horizon 2030. Le seul projet important réalisé dans ce mandat sera le téléphérique Téléo. Bien, mais le trafic attendu de 8 000 passagers par jour laisse dubitatif.

« Beaucoup ont cru au miracle d’un métro qui allait rapidement tout changer. Le miracle se transforme peu à peu en mirage. »

Certaines perspectives restent sombres. Les problèmes de congestion routière ne seront pas réglés avec la 3e ligne de métro ; c’est ce qu’a indiqué l’autorité environnementale (MRAE). La production de gaz à effet de serre (GES) ne diminue pas dans la région. Nous sommes très loin d’une baisse continue jusqu’à 2030 qui est pourtant un objectif légal obligatoire.

C’est d’ailleurs une des raisons qui a conduit l’association 2P2R à demander l’annulation du Plan de Déplacements Urbain (PDU), prononcée en 2021. Ajoutons que le Plan d’Urbanisme (PLUiH) a également été annulé, car il consommait trop d’espaces naturels et agricoles. Le développement du transport ferroviaire n’est pas enclenché. Les diverses entités se renvoient la balle. Beaucoup d’intentions sont affichées, mais les réalisations restent très en deçà des intentions.

Une partie des décideurs publics continue de penser que les nouveaux projets routiers sont une solution ; pourtant, l’expérience montre qu’ils augmentent la production de GES, étendent la congestion et détruisent les espaces naturels.

Les finances publiques sont fortement sollicitées depuis la crise Covid. Les opérateurs de transport public ont dû demander l’aide de l’État. Les projets coûteux comme la 3e ligne sont fragilisés dans leur progression. D’ailleurs, cette 3e ligne prétendument “écologique” ne l’est pas vraiment : le percement des tunnels, l’extraction, le béton, etc. vont générer 880 000 tonnes de CO2. Il faudra 35 ans pour “amortir” cette dette carbone ! En outre, les nombreux chantiers un peu partout sur Toulouse vont plomber la mobilité dans les années à venir. Beaucoup ont cru au miracle d’un métro qui allait rapidement tout changer. Le miracle se transforme peu à peu en mirage. Bref, avec ce tableau et sans changement de cap, les pouvoirs publics ne peuvent pas aller vers des déplacements plus vertueux et plus efficients. 

Besoin d’un nouveau souffle !

Nous proposons de recréer une dynamique. Comment ? Tout d’abord, lançons un nouveau PDU efficace tout de suite. Celui‐ci devrait partir des besoins et mettre en avant : le train, le bus, le tramway, le réseau piéton et cyclable. En revanche, nous demandons un moratoire sur les projets routiers qui ont pour effet d’augmenter le trafic motorisé. Mettons le respect des normes environnementales au cœur de ce PDU : baissons les GES au lieu de les augmenter comme le prévoyait le PDU annulé ; diminuons la pollution pour les poumons de nos enfants et ne plus être mis à l’index par l’Europe.

Choisissons des projets plus réalistes que le métro comme des lignes de bus Linéo en site propre. Mettons clairement en suspens le projet de la 3e ligne de métro ; et ceci, au moins jusqu’à l’adoption d’un nouveau PDU comparant plusieurs scénarios.

Repensons les rocades et autoroutes urbaines en réservant une voie pour les transports en commun. Créons des lignes d’autocars express sur autoroutes. Poursuivons le partage de la voie publique en réduisant le nombre de voies actuellement réservées aux automobiles, afin de rééquilibrer l’espace en faveur des transports en commun, des cyclistes et des piétons. La diminution du nombre de places de stationnement permettra de récupérer de l’espace, mais aussi de créer du report modal.

Développons enfin le rail : des trains cadencés de 6h à minuit, des lignes diamétrales comme Montauban‐Castelnaudary, des correspondances entre bus Tisséo, bus régionaux, et TER, une tarification lisible et attractive.

C’est la semaine de la Mobilité. Nous appelons tous les acteurs à prendre ce nouveau cap salutaire pour les déplacements : État, Région, Département, Toulouse Métropole et Tisséo.

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Par Un collectif d'associations

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