Le passe vaccinal permet« »il de lutter contre le virus et la diffusion de l’épidémie ?
Le gouvernement vante l’efficacité du passe vaccinal pour lutter contre l’épidémie de covid‐19. Mais la faible augmentation des primo‐vaccinés depuis l’annonce du dispositif permet d’en douter. D’autant qu’il comporte une faille…
- Les vaccins offrent une protection contre la transmission du virus mais celle‐ci s’est amenuisée face aux variants Delta et Omicron.
- Le vaccin, et plus particulièrement la dose de rappel, restent efficaces contre les formes graves d’Omicron.
- Le passe vaccinal a eu un effet modeste et de courte durée sur les vaccinations. La question de son intérêt par rapport au passe sanitaire peut être posée.
Bonjour Anne et merci pour votre question. Vous nous demandez si le passe vaccinal, entré en vigueur le 24 janvier, à la suite d’un débat houleux à l’assemblée nationale, permet de lutter contre la diffusion de l’épidémie et de lutter contre le virus. En d’autres termes, le passe vaccinal a‑t‐il une efficacité d’un point de vue sanitaire ?
Pour le gouvernement, cela ne fait aucun doute : « Les mailles doivent se resserrer pour garantir que les lieux qui reçoivent du public sont indemnes de gens potentiellement contagieux. Il faut à présent se faire vacciner sinon nous ne nous en sortirons pas », assurait Olivier Véran le 29 décembre dernier à l’Assemblée nationale. Quelques jours plus tard, c’est Jean Castex qui s’était emporté contre les députés opposés au passe vaccinal qui avait retardé le vote : « Le virus galope et vous tirez sur le frein à main ! », avait‐il lancé, passablement énervé, à la représentation nationale .
Avec un chiffre très élevé d’infections au Sars‐Cov‑2 à la fin du mois de janvier (501 000 cas le 25/01) malgré une couverture vaccinale élevée à la même date (79,3% de primo‐vaccinés, hors la dose de rappel), les arguments de l’exécutif sur l’efficacité du passe vaccinal sont largement battus en brèche. C’est d’autant plus vrai que le variant Omicron est désormais ultra‐majoritaire dans le pays et que sa capacité à échapper au vaccin semble supérieure à tous les variants connus à ce jour.
L’efficacité relative du vaccin contre les transmissions
Les vaccins n’ont jamais permis d’empêcher à 100 % la transmission du virus, seulement de la réduire. L’arrivée des variants les plus contagieux, comme Delta ou Omicron, a affaibli encore un peu plus leur efficacité. Dès le mois de novembre 2021 l’Organisation mondiale de la santé alertait : « Il y a des données qui suggèrent qu’avant l’arrivée du variant Delta, les vaccins réduisaient la transmission d’environ 60 %. Avec le Delta, cela a chuté à 40 % », soulignait Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l’OMS. Mais qu’en est‐il pour Omicron ?
Les données sur l’efficacité du vaccin sur la contagiosité de ce variant sont encore rares et demandent confirmation. Une étude de chercheurs internationaux, réalisée sur 3 442 cas Omicron‐positifs, 9 201 cas Delta‐positifs et 471 545 témoins négatifs, tend toutefois à confirmer les propos du directeur de l’OMS : « Deux doses de vaccins sont peu susceptibles de protéger contre l’infection par Omicron. Une troisième dose offre une certaine protection dans l’immédiat, mais nettement moins que contre Delta », écrivent ces experts, estimant autour de 37 % l’efficacité du vaccin contre la contagiosité d’Omicron. Mais ces conclusions sont à prendre avec beaucoup de prudence. « Cet article est une prépublication et n’a pas été revu par des pairs […] et ne doit donc pas être utilisé pour guider la pratique clinique », avertissent les scientifiques.
Une autre étude, cette fois de la Direction de la recherche, des études et de la statistique (Drees), publiée le 28 janvier dernier, semble aussi montrer la baisse de l’efficacité du vaccin au fil des variants. Dans leur rapport, les experts ne comparent pas seulement la contagiosité des variants Delta et Omicron, mais mesurent plusieurs risques : contamination avec symptômes, hospitalisation et décès. « Contre le variant Omicron, les estimations confirment que, bien que plus faible, la vaccination reste efficace, avec une perte d’efficacité dans le temps du vaccin », constate la Drees.
Pour connaître l’évolution concernant le seul risque de contamination, il faut se plonger dans le tableau ci‐dessous qui compare la protection vaccinale des individus à différents stades de vaccination. Par exemple, une personne âgée de 60 à 79 ans avec un schéma vaccinal complet de 3 à 6 mois, voit sa protection contre la contamination par le variant Delta améliorée de 87 % par rapport à une personne non vaccinée. Mais cette protection vaccinale chute à 51% pour Omicron. On soulignera que ces indications sont incomplètes : elles ne concernent pas les personnes contaminées mais asymptomatiques.
Le vaccin, un bouclier contre les formes graves du virus
Le véritable atout du vaccin vient de sa protection contre les formes graves du virus. « Le sujet majeur, c’est quand même d’être vacciné, car là les chiffres sont très clairs : si vous êtes vacciné, même si vous êtes positif, vous avez vingt fois moins de risques d’aller en soins critiques. » assurait Jean‐Castex sur BFM TV, le 6 janvier dernier.
Selon l’étude de la Drees, « le vaccin, et plus particulièrement la dose de rappel, restent efficaces contre les formes graves d’Omicron. En chiffre cela représente plus de 75 % d’efficacité vaccinale pour les 20 ans ou plus. C’est-à-dire que le risque de développer une forme grave de la maladie est 75 % inférieur pour une personne vaccinée par rapport à une autre personne qui n’a pas reçu le vaccin. Contre les décès, ce chiffre atteint 90 % pour les 40 ans ou plus. Et ce, « même si l’efficacité est réduite par rapport au variant Delta », précise la Drees.
Pour ses défenseurs, le passe vaccinal est, avant tout, un outil pour contraindre à la vaccination afin de protéger un maximum de personnes : « Le passe vaccinal est une forme déguisé d’obligation vaccinale », reconnaissait Olivier Véran, au média Brut. « L’idée est maintenant de dire, on n’a plus le choix, on n’hésite plus, parce qu’on ne peut pas remplir nos hôpitaux, continuer à vivre comme ça, sous la menace de vague épidémique, parce que cinq millions de Français ne font toujours pas le choix de se protéger. »
Encore faut‐il que le passe vaccinal réussisse à convaincre les réticents à se faire vacciner. A l’été 2021, la mise en place du passe sanitaire avait permis une importante hausse de la vaccination. Une étude du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée le mardi 18 janvier affirme que son instauration a fait progresser le taux de vaccination de 13 points en six mois par rapport à un scénario où il n’y aurait pas eu de passe sanitaire.
Désormais, le nombre de non‐vaccinés avoisine les 4,6 millions de personnes (en fait 13,6 millions desquels on peut retirer 9 millions d’enfants de moins de 12 ans, encore très rarement vaccinés). C’est elles qu’Emmanuel Macron souhaite « emmerder », en privant cette partie de la population des lieux de sociabilités (restaurants, bars, cinémas, musées etc).
Les failles du passe vaccinal
Mais était‐il utile de changer le passe sanitaire en passe vaccinal pour inciter davantage à la vaccination ? Cela n’a rien d’évident. Si le nombre de premières injections augmente de manière stable depuis novembre 2021, la mise en place du passe vaccinal n’a pas permis d’accélération de la vaccination chez les non‐vaccinés, même si l’on constate un léger rebond la première semaine de janvier.
Depuis l’annonce du passe vaccinal par Jean Castex le 17 décembre, 1 332 594 personnes ont reçu une première injection (jusqu’au 7 février 2022). Mais ce chiffre est à rapprocher des 1 144 674 personnes qui ont reçu leur première dose au cours de la période équivalente (53 jours) précédant cette annonce. Soit 187 920 vaccinations de plus.
Le nombre de primo‐vaccinations a enregistré un pic de 59 806 le 12 janvier. Mais le soufflé est retombé très vite. Depuis, 20 163 personnes ont reçu, chaque jour, en moyenne, leur première injection . C’est légèrement moins que la moyenne quotidienne calculée sur les deux mois précédant l’annonce de Jean Castex ( 21 197 ).
Du côté des explications possibles, il faut souligner que tous les non‐vaccinés ne font pas obligatoirement de la résistance. Plusieurs études ont montré une corrélation entre pauvreté et faible taux de vaccination. En décembre 2021, le chercheur de l’Inserm Jeremy Ward, expliquait au Parisien, qu’environ 40 % des non vaccinés ne le sont pas, « principalement par difficulté d’accès ».
Plus récemment, une étude publiée sous la direction de la spécialiste en biologie évolutive, Florence Débarre, montre que les « les zones les plus démunies ont plus de dix fois plus de chances d’être parmi les moins vaccinées » après l’instauration du passe sanitaire. « La contrainte du passe sanitaire n’a pas réduit ces inégalités vaccinales », expliquait t‑elle à nos confrères du Huffpost.
Restent les non‐vaccinés qui refusent la vaccination par conviction. Aucune donnée ne permet de savoir quel impact le passe vaccinal a eu sur cette population précise. Il est seulement possible de faire le constat d’un impact global très limité.
Son faible succès n’est pas la seule critique que l’on peut adresser au passe vaccinal. Une faille entame en effet sa crédibilité : il ne se désactive pas quand une personne vaccinée est contaminée par le virus. Conséquence, une personne infectée qui ne respecte pas sa période d’isolement peut potentiellement le présenter pour entrer dans un bar, un restaurant ou un cinéma. Alors qu’à l’inverse, une personne non‐vaccinée ne peut pas se rendre dans ces lieux, même si elle n’est pas contaminée par le covid et qu’elle ne présente aucun danger.
Contrairement à ce qu’affirmait Olivier Véran, en l’état, le passe vaccinal ne « garantit » donc pas « que les lieux qui reçoivent du public sont indemnes de gens potentiellement contagieux ». La loi interdit en effet de croiser les bases de dépistage et de vaccination, comme l’explique la Direction générale de la Santé (DGS) sur BFM TV.