Municipales à Lille : le candidat RN peut‐il vendre des objets nazis ?

hampe drapeau nazie
La hampe de drapeau ornée d'une croix gammée exposée dans une vitrine de l’association fivoise Entraid’59, gérée par le candidat RN aux Municipales de Lille, Eric Cattelin-Denu. Photo : Julie Vayssière

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Par Julie Vayssière (ESJ Lille)

Un lecteur a alerté Veracités sur le fait que l’association fivoise Entraid’59, gérée par le candidat RN aux Municipales de Lille, Eric Cattelin-Denu, mettait en vente un objet orné d’une croix gammée. Avec une question : est-ce légal ?

Suite à l’alerte d’un lecteur de Mediacités quant à la présence d’objets nazis au local d’Entraid’59, située rue du Calvaire à Fives, nous sommes allés le vérifier un samedi, jour hebdomadaire d’ouverture. Derrière le comptoir, Eric Cattelin‐Denu, dont le père fut l’un des fondateurs de cette association loi 1901 d’aide aux plus démunis. A mille lieues de la course au beffroi, le candidat RN, en week‐end, est occupé à farfouiller dans des cartons. A première vue, rien d’anormal – seulement un bric‐à‐brac plein d’objets recouverts d’une fine couche de poussière.

A l’entrée, dans des caisses de vinyles, David Bowie côtoie des disques de musique militaire allemande. Plus loin, dans les allées peuplées d’un fatras de vaisselle et d’objets en tout genre, on a l’impression d’être suivi. Derrière nous, le portrait d’un maréchal de la Luftwaffe nous fixe de son regard sévère. Soudain, dans l’une des vitrines horizontales qui habillent le mur d’entrée, l’oeil du visiteur est attiré par un drôle d’objet de déco, de ceux qu’on n’accrocherait pas forcément chez soi. Une hampe de drapeau qui exhibe une croix gammée en métal surmontée d’un aigle aux ailes déployées, proposée pour la modique somme de 400 euros.

Eric Cattelin‐Denu, qui se présente d’abord comme « le gérant de l’association », rétropédale soudain quand on lui demande quelques explications. Et minimise son rôle au sein de la structure : il n’est plus qu’un « simple bénévole qui utilise son temps libre pour aider ». Le candidat RN aux municipales à Lille décide de prendre les devants : « Effectivement, on ne doit pas exposer de croix gammée. Sauf que là, elle est retournée ! »

« A cause de vous, on va être obligés de la brader ! »

En France, la vente d’objets comportant un emblème ou un insigne nazi est autorisée mais pas leur exhibition (voir encadré ci‐dessous), sauf pour les besoins d’un film, d’un spectacle ou d’une exposition à caractère historique. Que la croix gammée soit présentée à l’envers ou non n’y change rien.

« Je ne fais pas l’apologie du IIIe Reich ! Je préfère la période 14–18 », se défend le candidat, avocat de profession, qui se dit féru d’histoire. Dans les braderies aussi, vous pouvez trouver ce genre de trucs de nazillons ! Tout comme des insignes communistes ou des médailles soviétiques… » Le candidat nous rappellera un peu plus tard : « Bon, un type est intéressé pour la racheter à 200 euros. A cause de vous, on va être obligés de la brader ! » Selon ses dires, la hampe était exposée dans le magasin depuis environ un an. C’est sans doute un mal pour un bien : au regard de la loi, l’association risquait jusqu’à 1 500 euros d’amende. Près de quatre fois le prix d’origine de l’objet…

Exhibition interdite

Selon l’article R645‑1 du code pénal, est puni d’une amende de classe 5 (1 500 euros maximum) le fait, sauf pour les besoins d’un film, d’un spectacle ou d’une exposition comportant une évocation historique, de porter ou d’exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes, les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle (…) soit par une personne reconnue coupable par une juridiction française ou internationale d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité.

Julie Vayssière (ESJ Lille)


Mise à jour du 14/03/2020

Suite à la parution de cet article, Eric Cattelin‐Denu nous a adressé un droit de réponse. Attachés au débat et à la parole contradictoire, nous avons accepté de le publier bien qu’il ne respecte pas les formes prévues par la loi (envoi avec accusé de réception au directeur de la publication). En voici le texte :

« Je me dois d’apporter des réponses à votre article qui, signe d’une première concession à l’indépendance du fruit de vos investigations, est en libre accès à la différence d’autres qui restent payants et intéresseraient les Lillois.

Cette publication n’est bien évidemment pas un hasard du calendrier et tombe à l’avant‐veille du scrutin municipal pour, insidieusement, jeter le discrédit sur ma candidature à Lille pour le Rassemblement National. A défaut de pouvoir attaquer le candidat lui‐même ? dont la liste comporte bon nombre d’indépendants et de colistiers de confessions diverses, votre journaliste, avançant masquée, s’attaque à une association, ne disposant d’aucune subvention, autonome et apolitique, créant un lien social dans le quartier de Fives, dont je ne suis pas membre statutaire, ni gérant, mais animateur bénévole depuis des années comme d’autres dont deux jeunes femmes de confession musulmane et toutes deux de sensibilité LFI.

Votre journaliste, au ton méprisant, utilisant les termes de « fatras » et « poussiéreux » et évoquant « l’impression d’être suivi » (paranoïa de la journaliste?), parle d’objets nazis, mais en réalité, parmi des dizaines de milliers d’objets, livres meubles et vêtements, , n’en n’évoque qu’un seul, tout en oubliant le contexte exclusivement historique de cette présentation, ce qui dénote un manque de rigueur et de parti pris.

La journaliste oublie en effet de mentionner que l’objet a été récupéré dans l’appartement d’un député Gaulliste de LILLE, lequel avait sans doute conservé cet objet comme prise de guerre. Elle oublie de mentionner que l” unique objet litigieux, retiré de la vente, côtoie un étendard de la libération (dont le drapeau soviétique), un drapeau des anciens déportés du travail, des sigles francs‐maçoniques, des discours de Léon Blum ou du général de Gaulle, d’un drapeau américain, d’un document sur l’histoire d’Israël ou du diplôme de la légion d’honneur du Bâtonnier LEVY, ancien adjoint de Pierre Mauroy signé par François MITTERAND ou d’insigne de déportés.

Qu’enfin la photo d’un maréchal allemand est celle d’un officier innocenté lors du procès de Nuremberg dont un mot explicatif est joint à cette photo

Les bénévoles de l’association sont extrêmement choqués par ce maccarthysme inversé et une chasse aux sorcières rappelant les heures les plus sombres de notre histoire ou d’autres pays, pour atteindre politiquement un candidat Ce coup bas renforce la solidarité entre les membres de l’association. »

Ce droit de réponse contient plusieurs affirmations qui appellent des observations de notre part :

1) Cet article est en libre accès car il a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec l’Ecole supérieure de journalisme de Lille. Il ne fait pas l’objet d’un traitement particulier en raison du sujet traité. Il est facile de constater que tous les autres articles écrits par des étudiants de cette école sont gratuits.

2) Contrairement à ce que dit M. Cattelin‐Denu, l’auteure de l’article n’a pas avancé « masquée ». Elle a eu plusieurs échanges avec lui avant la publication de l’article et a même sollicité un entretien en face à face qu’il n’a pu accorder, faute de temps. Lors de ces contacts, elle a toujours donné son identité et précisé le nom du média pour lequel elle travaillait. Il a donc eu la possibilité de s’expliquer sur la présence de cet objet en vitrine, comme on peut s’en rendre compte à la lecture de l’article.

3) Exposer un objet nazi en vitrine dans un lieu de vente au profit de personnes démunies ne confère pas à cette vitrine un « contexte exclusivement historique », sinon le lieu tenu par M. Cattelin‐Denu serait un musée, et pas un local associatif. Si l’article se concentre sur cet objet, c’est bien parce que son exposition est interdite par la loi.

4) Si M. Cattelin‐Denu a décidé de retirer la hampe à croix gammée de la vente, comme il le dit incidemment dans son droit de réponse, cette décision est postérieure à la publication de l’article. Suite à un premier entretien, il nous a en effet rappelé pour nous indiquer qu’un « type (était) intéressé pour la racheter à 200 euros. » Nous reprochant au passage de l’obliger à la « brader ». Vendre un article nazi n’est pas interdit par la loi. Mais on n’est pas obligé de considérer qu’il s’agit d’un commerce banal.

La rédaction de Mediacités

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