Les autorités sanitaires se refusent à communiquer les données sur le nombre de malades du Covid-19 dans chaque ville. L’enjeu ? Protéger la confidentialité des patients.
Jean‐Luc nous a envoyé cette question sur notre plateforme « Nos villes à l’heure du coronavirus » :
Bonjour, j’aimerais que chaque matin on puisse avoir un point sur le Covid‐19 par département et éventuellement grandes villes (nombre de cas, d’hospitalisations, de décès) […]. Comme cela, on saurait exactement l’évolution de l’épidémie jour après jour.
Comme Jean‐Luc, plusieurs d’entre vous nous demandent de publier sur Mediacités le nombre de cas de coronavirus « par département » ou « par ville ».
En ce qui concerne les données départementales, celles‐ci sont généralement communiquées par les Agences Régionales de Santé (ARS), chargées d’appliquer la politique de santé publique sur leur territoire. Les ARS publient quotidiennement sur leur site un « point de situation », qui recense le nombre de nouveaux « cas confirmés » de coronavirus, mais aussi le nombre d’hospitalisations en cours, le nombre de patients en réanimation ou encore le nombre de décès et de guérisons.
Mais ces chiffres sont à interpréter avec grande prudence, comme nous l’expliquons dans un décryptage publié lundi 23 mars sur Mediacités. Tout d’abord, ils ne concernent que les patients testés positifs au Covid‐19 suite à une analyse en laboratoire. Ensuite, toutes les personnes porteuses du coronavirus ne sont pas testées aujourd’hui, conformément à la stratégie sanitaire du gouvernement visant à dépister en priorité les patients à risque.
« Désormais, l’indicateur du nombre de cas confirmés est moins pertinent »
Une stratégie qui fait d’ailleurs l’objet de critiques de plus en plus vives, tant dans le milieu médical que dans l’opposition – le premier secrétaire du Parti Socialiste, Olivier Faure, a par exemple publié une lettre ouverte, dimanche 22 mars, pour appeler le président de la République à « réquisitionner toutes les industries qui peuvent fabriquer des masques, des tests de dépistage ».
Ces derniers jours, les autorités locales de santé se sont faites plus prudentes dans les chiffres publiés sur le coronavirus. Par exemple, l’ARS Hauts‐de‐France nous explique avoir « choisi de ne plus communiquer par département, afin d’avoir un recensement régional qui soit le plus significatif possible ». Un changement de stratégie pour l’agence, qui délivrait de tels chiffres jusqu’au 14 mars.
De son côté, l’ARS Occitanie reconnaît dans son dernier point de situation que « la stratégie de tests ciblés rend désormais l’indicateur du nombre de cas confirmés moins pertinent ». À l’heure où nous publions cet article, les ARS Auvergne‐Rhône‐Alpes et Pays de la Loire maintiennent leur communication des données par département.
Éviter la « chasse aux malades »
Toutes ces précautions vaudraient également pour le nombre de cas de Covid‐19 par ville… si ces données existaient. Car il est aujourd’hui impossible d’obtenir cette information – qui ne serait de toute façon pas fiable, pour les raisons évoquées précédemment.
« On ne peut pas porter les données par ville à la connaissance du public pour des raisons de confidentialité », explique Michèle Legeas, enseignante‐chercheuse à l’École des Hautes‐Études en Santé Publique, jointe par Mediacités. « Dès lors que l’échelle de recueil des données peut permettre d’identifier les patients, on considère que ce sont des informations à caractère personnel et donc on ne les publie pas », reprend la chercheuse, qui cite l’exemple d’un village ou d’une petite ville rurale où la protection de l’identité des patients est essentielle.
« Imaginez s’il se produisait une sorte de « chasse aux malades » », relève de son côté l’ARS Hauts‐de‐France, contacté par Mediacités. L’organisme confirme que « c’est une ligne qui a été prise au niveau national de ne pas dire combien de personnes testées positives au Covid‐19 habitaient dans telle ou telle ville ».
Mulhouse (Haut‐Rhin), le Crépy‐en‐Valois (Oise), Contamines‐Montjoie (Haute‐Savoie)… Mais pourquoi alors les autorités ont‐elles communiqué sur ces villes particulièrement touchées par le coronavirus ? « Au début, on a besoin que la connaissance se diffuse et que les gens se disent ‘J’ai été en contact avec une personne qui était présente dans ce foyer de contamination’ », indique Michèle Legeas. Selon elle, c’est bien « pour tracer les contacts » que le nom des premières communes touchées par l’épidémie a été révélé dans les médias.
Depuis que le gouvernement ne dépiste plus systématiquement les personnes potentiellement porteuses du coronavirus, il n’y a donc plus d’intérêt à communiquer sur la progression du Covid‐19 dans certaines villes.
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